Ce billet s’inscrit dans une démarche de recherche-action par laquelle le Programme Société Numérique de l’Agence pour la Cohésion des Territoires (ANCT) souhaite approfondir la pertinence et les modalités d’usage des Sociétés Coopératives d’Intérêt Collectif (SCIC) pour le portage des communs numériques initiés ou rejoints par un acteur public. Il s’agit notamment d’exposer les avantages de ces structures pour organiser des communautés autour de la production et le maintien de communs numériques, mais également d’identifier les différentes limitations rencontrées par des acteurs du terrain afin de proposer des pistes de solutions.
Une méthodologie en deux temps a été menée, s’appuyant sur une recherche bibliographique et différents entretiens et ateliers, permettant l’identification des « irritants » (au sens de tout ce qui peut ralentir ou bloquer la constitution de telles SCIC dans un contexte de communs) d’une part ; et la formalisation de pistes de solutions d’autre part.
Cette approche en deux temps a permis, au cours d’entretiens avec des porteurs de communs structurés en SCIC ainsi qu’à l’occasion d’un atelier de travail les réunissant tous, de faire émerger deux grands irritants :
le manque d’acculturation des acteurs publics au droit des SCIC, qui est adressée dans ce billet ;
la difficulté à bien définir le projet de commun et l’objet de la coopérative dans les statuts de cette dernière, qui fait l’objet d’un second billet.
Au cours de l’atelier, il a été entrepris de décomposer chaque irritant en problématique, et d’esquisser des préconisations devant permettre de répondre à chacune de ces problématiques. Par la suite, les préconisations ont été étayées, en s’appuyant et complétant les différentes ressources préexistantes, auxquelles cette étude renvoie autant que nécessaire :
les ressources produites par le Réseau des collectivités Territoriales pour une Économie Solidaire (RTES) et destinées à faciliter le recours aux SCIC par les acteurs publics :
La nécessaire acculturation de l’acteur public au régime légal de cette forme coopérative est le principal enjeu tiré tant des entretiens que de l’atelier mené auprès des SCIC constituées. Vécu par certains acteurs interrogés, ce manque d’acculturation est d’autant plus dangereux qu’il peut mettre en échec le projet de structuration avant même la création de la SCIC.
La nécessité d’acculturation de l’acteur public est double : quant à sa participation aux SCIC et quant au portage de communs numériques par de telles structures.
II. L’acculturation de l’acteur public aux SCIC
A. Développer une base de connaissances à partir de l’existant
Problématique
Il ressort des entretiens et atelier que le manque d’acculturation des acteurs publics au régime juridique des SCIC s’explique en partie par l’absence de doctrines ou guides officiels.
Une rapide recherche permet de constater qu’il existe une grande diversité de ressources, susceptibles d’être mobilisées par les acteurs publics afin de mieux appréhender le droit des SCIC :
la FAQ « SCIC et collectivités territoriales » produite par RTES et qui répond à des questions d’ordre pratique relatives à la constitution d’une SCIC ;
le Points de RepèrESS «Les SCIC et les collectivités », qui regroupe témoignages et retours d’expériences sur le rôle des collectivités dans le développement des SCIC ;
le rapport d’activité 2022 de la CGSCOP, qui dresse un état des lieux du mouvement des SCIC, en témoignant des pluralités d’applications – notamment pour l’acteur public – que peuvent avoir ces structures.
Recommandation
La pluralité de ces ressources témoigne de la vivacité du mouvement de promotion des SCIC auprès des collectivités territoriales et des acteurs publics en général ; mais cette densité d’informations peut également être une barrière à l’entrée pour ces acteurs. Il serait alors pertinent de regrouper ces ressources dans un répertoire administré par une autorité à l’expertise reconnue par les acteurs publics – l’ANCT par exemple – afin de les centraliser et d’en attester la qualité.
Préconisation n°1
Regrouper les ressources produites à des fins d’outillage et d’explicitation à destination des acteurs publics dans une même base de connaissances, sous l’égide d’une autorité reconnue.
B. Enrichir la base de connaissances
1. Compiler les statuts existants
Problématique
Les acteurs publics, et plus largement tous les porteurs de communs numériques désireux de se structurer en SCIC pourraient utilement bénéficier d’une proposition de statuts-type, à l’instar du modèle de convention constitutive de GIP proposé par la Direction des Affaires Juridiques. Cependant, la diversité des arrangements permis par la loi de 2001 semble difficile à compiler dans un seul modèle de statuts. En effet, concernant leurs statuts, les SCIC se distinguent des GIP sur deux points :
les SCIC peuvent se créer sur la base de trois sociétés commerciales “classiques” : la Société Anonyme (SA), la Société À Responsabilité Limitée (SARL) et la Société par Actions Simplifiée (SAS), chacune pouvant faire l’objet d’adaptation statutaire concernant notamment les modalités de vote et la composition des organes de directions ;
Le régime légal des SCIC laisse une grande liberté aux coopérateurs dans la rédaction de leurs statuts et donc l’organisation de la structure. Ainsi, il est possible au sein d’une SCIC d’organiser l’assemblée générale en créant jusqu’à 7 collèges de sociétaires ; mais également de décider que tous les collèges disposent d’une voix ; ou à l’inverse que chacun des collège dispose d’un nombre de voix proportionnel à son importance au sein de la coopérative, etc.
Préconisation
Il apparaît alors plus pertinent pour les acteurs des SCIC de constituer une base de données regroupant les statuts existants, idéalement commentés par leurs auteurs ou par des experts missionnés en ce sens. Cela permettra d’avoir un aperçu des arrangements statutaires plébiscités par la pratique ; mais également un regard critique sur ces dispositifs.
Préconisation n°2
Intégrer à la base de connaissances une compilation des statuts de SCIC existantes.
2. Développer la foire aux questions et recueillir des retours d’expériences
Problématique
La SCIC est donc un outil juridique atypique, mêlant droit commercial et principes coopératifs. Cette originalité est facteur de complexité juridique pour les acteurs publics désireux de s’impliquer dans une telle structure, ce qui pourrait dissuader de telles initiatives.
Préconisations
Aussi, dans le prolongement du corpus de statuts évoqués précédemment, il serait intéressant de constituer une FAQ alimentée tant en questions qu’en réponses par les acteurs publics impliqués dans une SCIC, dans le prolongement du travail du RTES sur le sujet.
Préconisation 3
Intégrer au corpus de documentation une FAQ relative aux SCIC dans le prolongement du travail du RTES sur le sujet, et alimentée par les acteurs publics.
La SCIC, introduite en droit français pas une loi de 2001, reste relativement récente, et donc encore assez peu utilisée. Aussi, en plus des statuts et de la FAQ qui composent la base de connaissance ; il serait intéressant de recueillir des retours d’expériences de la part de collectivités ayant mobilisé une telle structure, afin de montrer la diversité des usages qui peuvent en être faits et de rassurer les acteurs intéressés quant à la complexité de création d’une telle structure.
Préconisation 4
Intégrer à la base de connaissance des retours d’expériences de collectivités créatrices et sociétaires de SCIC.
III. L’acculturation de l’acteur public au portage de communs numériques par les SCIC
Une fois les subtilités de la SCIC appréhendées, il reste à envisager les spécificités de la coopérative comme structure d’un projet de commun numérique. Nous ne reviendrons pas ici sur les définitions des communs numériques en général d’une part ; et du commun numérique particulier objet de la SCIC d’autre part, qui font l’objet du Billet pratique n°2 – La définition du commun et de l’objet de la SCIC qui le porte. mais nous allons adresser la nécessité pour l’acteur public d’expliciter le choix d’une structuration en SCIC dans sa démarche de portage de communs numériques.
A. Expliciter le choix de la SCIC dans le préambule
Problématique
En effet, le choix d’une coopérative n’est pas neutre, celle-ci emportant des principes et valeurs fortes ; mais qui se justifient à l’aune de la structuration et du développement de communs numériques. Il est donc essentiel pour l’acteur public de pouvoir argumenter le choix d’une telle structure, tant en interne qu’auprès de partenaires potentiels.
Préconisation
Cette explicitation du choix de la SCIC peut notamment être inscrite dans les statuts de la structure, en guise de préambule. En ce sens, il est possible de s’inspirer d’exemples existants, telle la MedNum1 qui compte l’État lui-même parmi ses sociétaires. En effet, cette participation de l’État a nécessité un important travail juridique, retranscrit dans le préambule des statuts de la MedNum afin de justifier du choix d’une SCIC :
“La SCIC est « une association autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques sociaux et culturels communs au moyen d’une entreprise dont la propriété est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement ».
Le choix de la forme de société coopérative d’intérêt collectif constitue une adhésion à des
valeurs coopératives fondamentales telles qu’elles sont définies par l’Alliance Coopérative
Internationale avec notamment :
la coopération
la transformation sociale
a capacitation de l’individu et l’augmentation de son pouvoir d’agir
l’utilité sociale
l’intérêt général et le bien commun
la solidarité
En complément de ces valeurs fondamentales ou découlant de celles-ci, l’identité coopérative d’intérêt collectif se définit par :
la responsabilité dans un projet partagé ;
la transparence et la légitimité du pouvoir ;
la pérennité de l’entreprise ;
le droit à la créativité et à l’initiative ;
l’ouverture au monde extérieur ;
des réserves impartageables permettant l’indépendance de l’entreprise et sa
transmission solidaire entre générations de coopérateurs.
La finalité de la coopérative se traduit par les principes suivants :
gestion démocratique : 1 associé = 1 voix dans chaque collège ;
propriété collective et pérennité : actif et réserves coopératives impartageables ;
satisfaction des aspirations et besoins économiques :
intérêt au capital limité ;
variabilité du capital social ;
accession au sociétariat et retrait particuliers.
Le statut SCIC se trouve en parfaite adéquation, par son organisation et ses objectifs, avec le projet présenté ci-dessus.”
Préconisation 5
S’inspirer des statuts de la MedNum pour expliciter la pertinence de la SCIC au regard de l’objectif de portage d’un projet de commun numérique.
B.Sécuriser le fonctionnement démocratique de la scic dans les statuts
Consacrer le recours à des méthodologies agiles
Problématique
La participation d’un acteur public à une structure coopérative suppose également de bien circonscrire son rôle, et ce d’autant plus que ledit acteur public n’a pas l’habitude de ce genre de structure. Aussi, il s’agira de prévenir la conception d’une feuille de route du commun dictée non pas par les utilisateurs ou la communauté, mais seulement par l’acteur public.
Préconisation
Pour ce faire, il importe de formaliser certains engagements dans les statuts destinés à assurer la gestion collective du projet de communs, comme le recours à des méthodologies agiles, où la prévalence accordée aux retours utilisateurs dans l’élaboration de la feuille de route.
Préconisation 6
Intégrer dans les statuts, à la suite de l’objet social, un article prévoyant que « Les sociétaires s’engagent à fonctionner selon le principe des méthodologies agiles de développement, avec une prévalence des retours utilisateurs »
Détailler le contenu de ces méthodologies
Problématique
L’inscription dans les statuts du recours à des méthodologies agiles dans la gouvernance de la SCIC devra s’accompagner d’une présentation de ces dernières. Cet ajout aux statuts, idéalement en annexe, permettra de satisfaire à deux objectifs. D’une part, s’assurer que les différents sociétaires partagent la même vision quant à la gouvernance et la gestion de la coopérative. D’autre part, faciliter l’intégration de nouveaux sociétaires au cours de la vie du projet et de la SCIC qui le structure.
Préconisation 7
Détailler les méthodologies retenues dans le Titre « Dispositions diverses » ou dans un règlement intérieur dédié.
Ces mesures sont préventives et seront utilement complétées – sur le temps long – par un grand programme d’acculturation des agents publics (et des élus) à l’intérêt des méthodologies agiles de développement et à l’écoute des utilisateurs des plateformes. Ce programme devra notamment permettre de sensibiliser les agents publics (et les élus) à l’intérêt des méthodologies agiles de développement et à l’écoute des utilisateurs des plateformes, par rapport à de la prise de décision verticale.
3. Équilibrer les pouvoirs
Problématique
Il pourra également être utile de détailler la gouvernance de la coopérative au-delà de ce qu’impose la loi en la matière, de façon à être le plus transparent possible pour l’acteur public, mais également tous les sociétaires. Il s’agit notamment d’équilibrer les attributions de compétence entre l’assemblée générale et le conseil d’administration, pour que la première ait en charge les grandes orientations, et le second la gestion quotidienne.
Préconisation
Pour ce faire, une attention particulière sera ainsi portée à la rédaction des articles régissant les pouvoirs de l’assemblée générale et du conseil d’administration. En ce sens, la répartition proposée dans le modèle de convention constitutive d’un GIP rédigé par la DAJ constitue une base de travail idéale.
Préconisation 8
Équilibrer les attributions de compétence entre l’assemblée générale et le conseil d’administration dans les statuts de la SCIC.
4. Combiner statuts et règlement intérieur pour faciliter la compréhension et l’adhésion au projet
Problématique
L’exemple de la MedNum témoigne également que les statuts peuvent utilement être enrichis d’un préambule qui retrace et explicite la démarche. Cela participe à la compréhension et donc à l’adhésion des acteurs, dont l’acteur public, au projet. Cet objectif peut au contraire être mis à mal par la rédaction de statuts se voulant les plus complets possible concernant les modalités de fonctionnement de la structure.
Préconisations
La compréhension et donc d’adhésion au projet peuvent être assurées en rédigeant les statuts de façon succincte et en limitant leur contenu aux grandes lignes directrices du projet de commun et de la coopérative.
Préconisation 9
Circonscrire le contenu des statuts de la SCIC au minimum légal
La rédaction de statuts présentant le projet dans ses grandes lignes pourra utilement s’accompagner d’un règlement intérieur détaillant la mise en œuvre de ces dernières de façon technique et opérationnelle.
Préconisation 10
Rédiger des règlements intérieurs qui complètent les statuts et détaillent le fonctionnement de la coopérative.
5. Développer de nouveaux outils
Enfin, l’idée a été évoquée lors de l’atelier de produire, en se basant sur l’existant adapté aux associations, une convention pluriannuelle d’objectif appliquée aux SCIC et orientée vers la production de commun. L’intérêt d’une telle convention réside dans l’engagement pris par l’acteur public qui la souscrit d’assurer au projet un financement dans la durée, de sorte que ce dernier peut projeter son développer sur le moyen-terme. Cela permettra d’insérer dans un cadre réglementaire connu de l’acteur public, et donc rassurant, la SCIC et surtout le portage et la production de communs
Préconisation 11
Produire une convention pluriannuelle d’objectifs, appliquée aux SCIC et orientée vers la production de communs numériques.
Récapitulatif des préconisations
Regrouper les ressources produites à des fins d’outillage et d’explicitation à destination des acteurs publics dans une même base de connaissances, sous l’égide d’une autorité reconnue.
Intégrer à la base de connaissances une compilation des statuts de SCIC existantes.
Intégrer au corpus de documentation une FAQ relative aux SCIC dans le prolongement du travail du RTES sur le sujet, et alimentée par les acteurs publics.
Intégrer à la base de connaissance des retours d’expériences de collectivités créatrices et sociétaires de SCIC.
S’inspirer des statuts de la MedNum pour expliciter la pertinence de la SCIC au regard de l’objectif de portage d’un projet de commun numérique.
Intégrer dans les statuts, à la suite de l’objet social, un article prévoyant que « Les sociétaires s’engagent à fonctionner selon le principe des méthodologies agiles de développement, avec une prévalence des retours utilisateurs » .
Détailler les méthodologies retenues dans le Titre « Dispositions diverses » ou dans un règlement intérieur dédié.
Équilibrer les attributions de compétence entre l’assemblée générale et le conseil d’administration dans les statuts de la SCIC.
Circonscrire le contenu des statuts au minimum légal.
Rédiger des règlements intérieurs qui complètent les statuts et détaillent le fonctionnement de la coopérative.
Produire une convention pluriannuelle d’objectifs, appliquée aux SCIC et orientée vers la production de communs numériques.
Quelles structures juridiques pour porter des communs numériques ?
#2 - Fiche Pratique : L’acculturation des acteurs publics au droit des SCIC
I. La démarche
Ce billet s’inscrit dans une démarche de recherche-action par laquelle le Programme Société Numérique de l’Agence pour la Cohésion des Territoires (ANCT) souhaite approfondir la pertinence et les modalités d’usage des Sociétés Coopératives d’Intérêt Collectif (SCIC) pour le portage des communs numériques initiés ou rejoints par un acteur public. Il s’agit notamment d’exposer les avantages de ces structures pour organiser des communautés autour de la production et le maintien de communs numériques, mais également d’identifier les différentes limitations rencontrées par des acteurs du terrain afin de proposer des pistes de solutions.
Une méthodologie en deux temps a été menée, s’appuyant sur une recherche bibliographique et différents entretiens et ateliers, permettant l’identification des « irritants » (au sens de tout ce qui peut ralentir ou bloquer la constitution de telles SCIC dans un contexte de communs) d’une part ; et la formalisation de pistes de solutions d’autre part.
Cette approche en deux temps a permis, au cours d’entretiens avec des porteurs de communs structurés en SCIC ainsi qu’à l’occasion d’un atelier de travail les réunissant tous, de faire émerger deux grands irritants :
le manque d’acculturation des acteurs publics au droit des SCIC, qui est adressée dans ce billet ;
la difficulté à bien définir le projet de commun et l’objet de la coopérative dans les statuts de cette dernière, qui fait l’objet d’un second billet.
Au cours de l’atelier, il a été entrepris de décomposer chaque irritant en problématique, et d’esquisser des préconisations devant permettre de répondre à chacune de ces problématiques. Par la suite, les préconisations ont été étayées, en s’appuyant et complétant les différentes ressources préexistantes, auxquelles cette étude renvoie autant que nécessaire :
les ressources produites par le Réseau des collectivités Territoriales pour une Économie Solidaire (RTES) et destinées à faciliter le recours aux SCIC par les acteurs publics :
La nécessaire acculturation de l’acteur public au régime légal de cette forme coopérative est le principal enjeu tiré tant des entretiens que de l’atelier mené auprès des SCIC constituées. Vécu par certains acteurs interrogés, ce manque d’acculturation est d’autant plus dangereux qu’il peut mettre en échec le projet de structuration avant même la création de la SCIC.
La nécessité d’acculturation de l’acteur public est double : quant à sa participation aux SCIC et quant au portage de communs numériques par de telles structures.
II. L’acculturation de l’acteur public aux SCIC
A. Développer une base de connaissances à partir de l’existant
Problématique
Il ressort des entretiens et atelier que le manque d’acculturation des acteurs publics au régime juridique des SCIC s’explique en partie par l’absence de doctrines ou guides officiels.
Une rapide recherche permet de constater qu’il existe une grande diversité de ressources, susceptibles d’être mobilisées par les acteurs publics afin de mieux appréhender le droit des SCIC :
la FAQ « SCIC et collectivités territoriales » produite par RTES et qui répond à des questions d’ordre pratique relatives à la constitution d’une SCIC ;
le Points de RepèrESS «Les SCIC et les collectivités », qui regroupe témoignages et retours d’expériences sur le rôle des collectivités dans le développement des SCIC ;
le rapport d’activité 2022 de la CGSCOP, qui dresse un état des lieux du mouvement des SCIC, en témoignant des pluralités d’applications – notamment pour l’acteur public – que peuvent avoir ces structures.
Recommandation
La pluralité de ces ressources témoigne de la vivacité du mouvement de promotion des SCIC auprès des collectivités territoriales et des acteurs publics en général ; mais cette densité d’informations peut également être une barrière à l’entrée pour ces acteurs. Il serait alors pertinent de regrouper ces ressources dans un répertoire administré par une autorité à l’expertise reconnue par les acteurs publics – l’ANCT par exemple – afin de les centraliser et d’en attester la qualité.
Préconisation n°1
Regrouper les ressources produites à des fins d’outillage et d’explicitation à destination des acteurs publics dans une même base de connaissances, sous l’égide d’une autorité reconnue.
B. Enrichir la base de connaissances
1. Compiler les statuts existants
Problématique
Les acteurs publics, et plus largement tous les porteurs de communs numériques désireux de se structurer en SCIC pourraient utilement bénéficier d’une proposition de statuts-type, à l’instar du modèle de convention constitutive de GIP proposé par la Direction des Affaires Juridiques. Cependant, la diversité des arrangements permis par la loi de 2001 semble difficile à compiler dans un seul modèle de statuts. En effet, concernant leurs statuts, les SCIC se distinguent des GIP sur deux points :
les SCIC peuvent se créer sur la base de trois sociétés commerciales “classiques” : la Société Anonyme (SA), la Société À Responsabilité Limitée (SARL) et la Société par Actions Simplifiée (SAS), chacune pouvant faire l’objet d’adaptation statutaire concernant notamment les modalités de vote et la composition des organes de directions ;
Le régime légal des SCIC laisse une grande liberté aux coopérateurs dans la rédaction de leurs statuts et donc l’organisation de la structure. Ainsi, il est possible au sein d’une SCIC d’organiser l’assemblée générale en créant jusqu’à 7 collèges de sociétaires ; mais également de décider que tous les collèges disposent d’une voix ; ou à l’inverse que chacun des collège dispose d’un nombre de voix proportionnel à son importance au sein de la coopérative, etc.
Préconisation
Il apparaît alors plus pertinent pour les acteurs des SCIC de constituer une base de données regroupant les statuts existants, idéalement commentés par leurs auteurs ou par des experts missionnés en ce sens. Cela permettra d’avoir un aperçu des arrangements statutaires plébiscités par la pratique ; mais également un regard critique sur ces dispositifs.
Préconisation n°2
Intégrer à la base de connaissances une compilation des statuts de SCIC existantes.
2. Développer la foire aux questions et recueillir des retours d’expériences
Problématique
La SCIC est donc un outil juridique atypique, mêlant droit commercial et principes coopératifs. Cette originalité est facteur de complexité juridique pour les acteurs publics désireux de s’impliquer dans une telle structure, ce qui pourrait dissuader de telles initiatives.
Préconisations
Aussi, dans le prolongement du corpus de statuts évoqués précédemment, il serait intéressant de constituer une FAQ alimentée tant en questions qu’en réponses par les acteurs publics impliqués dans une SCIC, dans le prolongement du travail du RTES sur le sujet.
Préconisation 3
Intégrer au corpus de documentation une FAQ relative aux SCIC dans le prolongement du travail du RTES sur le sujet, et alimentée par les acteurs publics.
La SCIC, introduite en droit français pas une loi de 2001, reste relativement récente, et donc encore assez peu utilisée. Aussi, en plus des statuts et de la FAQ qui composent la base de connaissance ; il serait intéressant de recueillir des retours d’expériences de la part de collectivités ayant mobilisé une telle structure, afin de montrer la diversité des usages qui peuvent en être faits et de rassurer les acteurs intéressés quant à la complexité de création d’une telle structure.
Préconisation 4
Intégrer à la base de connaissance des retours d’expériences de collectivités créatrices et sociétaires de SCIC.
III. L’acculturation de l’acteur public au portage de communs numériques par les SCIC
Une fois les subtilités de la SCIC appréhendées, il reste à envisager les spécificités de la coopérative comme structure d’un projet de commun numérique. Nous ne reviendrons pas ici sur les définitions des communs numériques en général d’une part ; et du commun numérique particulier objet de la SCIC d’autre part, qui font l’objet du Billet pratique n°2 – La définition du commun et de l’objet de la SCIC qui le porte. mais nous allons adresser la nécessité pour l’acteur public d’expliciter le choix d’une structuration en SCIC dans sa démarche de portage de communs numériques.
A. Expliciter le choix de la SCIC dans le préambule
Problématique
En effet, le choix d’une coopérative n’est pas neutre, celle-ci emportant des principes et valeurs fortes ; mais qui se justifient à l’aune de la structuration et du développement de communs numériques. Il est donc essentiel pour l’acteur public de pouvoir argumenter le choix d’une telle structure, tant en interne qu’auprès de partenaires potentiels.
Préconisation
Cette explicitation du choix de la SCIC peut notamment être inscrite dans les statuts de la structure, en guise de préambule. En ce sens, il est possible de s’inspirer d’exemples existants, telle la MedNum1 qui compte l’État lui-même parmi ses sociétaires. En effet, cette participation de l’État a nécessité un important travail juridique, retranscrit dans le préambule des statuts de la MedNum afin de justifier du choix d’une SCIC :
“La SCIC est « une association autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques sociaux et culturels communs au moyen d’une entreprise dont la propriété est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement ».
Le choix de la forme de société coopérative d’intérêt collectif constitue une adhésion à des
valeurs coopératives fondamentales telles qu’elles sont définies par l’Alliance Coopérative
Internationale avec notamment :
la coopération
la transformation sociale
a capacitation de l’individu et l’augmentation de son pouvoir d’agir
l’utilité sociale
l’intérêt général et le bien commun
la solidarité
En complément de ces valeurs fondamentales ou découlant de celles-ci, l’identité coopérative d’intérêt collectif se définit par :
la responsabilité dans un projet partagé ;
la transparence et la légitimité du pouvoir ;
la pérennité de l’entreprise ;
le droit à la créativité et à l’initiative ;
l’ouverture au monde extérieur ;
des réserves impartageables permettant l’indépendance de l’entreprise et sa
transmission solidaire entre générations de coopérateurs.
La finalité de la coopérative se traduit par les principes suivants :
gestion démocratique : 1 associé = 1 voix dans chaque collège ;
propriété collective et pérennité : actif et réserves coopératives impartageables ;
satisfaction des aspirations et besoins économiques :
intérêt au capital limité ;
variabilité du capital social ;
accession au sociétariat et retrait particuliers.
Le statut SCIC se trouve en parfaite adéquation, par son organisation et ses objectifs, avec le projet présenté ci-dessus.”
Préconisation 5
S’inspirer des statuts de la MedNum pour expliciter la pertinence de la SCIC au regard de l’objectif de portage d’un projet de commun numérique.
B.Sécuriser le fonctionnement démocratique de la scic dans les statuts
Consacrer le recours à des méthodologies agiles
Problématique
La participation d’un acteur public à une structure coopérative suppose également de bien circonscrire son rôle, et ce d’autant plus que ledit acteur public n’a pas l’habitude de ce genre de structure. Aussi, il s’agira de prévenir la conception d’une feuille de route du commun dictée non pas par les utilisateurs ou la communauté, mais seulement par l’acteur public.
Préconisation
Pour ce faire, il importe de formaliser certains engagements dans les statuts destinés à assurer la gestion collective du projet de communs, comme le recours à des méthodologies agiles, où la prévalence accordée aux retours utilisateurs dans l’élaboration de la feuille de route.
Préconisation 6
Intégrer dans les statuts, à la suite de l’objet social, un article prévoyant que « Les sociétaires s’engagent à fonctionner selon le principe des méthodologies agiles de développement, avec une prévalence des retours utilisateurs »
Détailler le contenu de ces méthodologies
Problématique
L’inscription dans les statuts du recours à des méthodologies agiles dans la gouvernance de la SCIC devra s’accompagner d’une présentation de ces dernières. Cet ajout aux statuts, idéalement en annexe, permettra de satisfaire à deux objectifs. D’une part, s’assurer que les différents sociétaires partagent la même vision quant à la gouvernance et la gestion de la coopérative. D’autre part, faciliter l’intégration de nouveaux sociétaires au cours de la vie du projet et de la SCIC qui le structure.
Préconisation 7
Détailler les méthodologies retenues dans le Titre « Dispositions diverses » ou dans un règlement intérieur dédié.
Ces mesures sont préventives et seront utilement complétées – sur le temps long – par un grand programme d’acculturation des agents publics (et des élus) à l’intérêt des méthodologies agiles de développement et à l’écoute des utilisateurs des plateformes. Ce programme devra notamment permettre de sensibiliser les agents publics (et les élus) à l’intérêt des méthodologies agiles de développement et à l’écoute des utilisateurs des plateformes, par rapport à de la prise de décision verticale.
3. Équilibrer les pouvoirs
Problématique
Il pourra également être utile de détailler la gouvernance de la coopérative au-delà de ce qu’impose la loi en la matière, de façon à être le plus transparent possible pour l’acteur public, mais également tous les sociétaires. Il s’agit notamment d’équilibrer les attributions de compétence entre l’assemblée générale et le conseil d’administration, pour que la première ait en charge les grandes orientations, et le second la gestion quotidienne.
Préconisation
Pour ce faire, une attention particulière sera ainsi portée à la rédaction des articles régissant les pouvoirs de l’assemblée générale et du conseil d’administration. En ce sens, la répartition proposée dans le modèle de convention constitutive d’un GIP rédigé par la DAJ constitue une base de travail idéale.
Préconisation 8
Équilibrer les attributions de compétence entre l’assemblée générale et le conseil d’administration dans les statuts de la SCIC.
4. Combiner statuts et règlement intérieur pour faciliter la compréhension et l’adhésion au projet
Problématique
L’exemple de la MedNum témoigne également que les statuts peuvent utilement être enrichis d’un préambule qui retrace et explicite la démarche. Cela participe à la compréhension et donc à l’adhésion des acteurs, dont l’acteur public, au projet. Cet objectif peut au contraire être mis à mal par la rédaction de statuts se voulant les plus complets possible concernant les modalités de fonctionnement de la structure.
Préconisations
La compréhension et donc d’adhésion au projet peuvent être assurées en rédigeant les statuts de façon succincte et en limitant leur contenu aux grandes lignes directrices du projet de commun et de la coopérative.
Préconisation 9
Circonscrire le contenu des statuts de la SCIC au minimum légal
La rédaction de statuts présentant le projet dans ses grandes lignes pourra utilement s’accompagner d’un règlement intérieur détaillant la mise en œuvre de ces dernières de façon technique et opérationnelle.
Préconisation 10
Rédiger des règlements intérieurs qui complètent les statuts et détaillent le fonctionnement de la coopérative.
5. Développer de nouveaux outils
Enfin, l’idée a été évoquée lors de l’atelier de produire, en se basant sur l’existant adapté aux associations, une convention pluriannuelle d’objectif appliquée aux SCIC et orientée vers la production de commun. L’intérêt d’une telle convention réside dans l’engagement pris par l’acteur public qui la souscrit d’assurer au projet un financement dans la durée, de sorte que ce dernier peut projeter son développer sur le moyen-terme. Cela permettra d’insérer dans un cadre réglementaire connu de l’acteur public, et donc rassurant, la SCIC et surtout le portage et la production de communs
Préconisation 11
Produire une convention pluriannuelle d’objectifs, appliquée aux SCIC et orientée vers la production de communs numériques.
Récapitulatif des préconisations
Regrouper les ressources produites à des fins d’outillage et d’explicitation à destination des acteurs publics dans une même base de connaissances, sous l’égide d’une autorité reconnue.
Intégrer à la base de connaissances une compilation des statuts de SCIC existantes.
Intégrer au corpus de documentation une FAQ relative aux SCIC dans le prolongement du travail du RTES sur le sujet, et alimentée par les acteurs publics.
Intégrer à la base de connaissance des retours d’expériences de collectivités créatrices et sociétaires de SCIC.
S’inspirer des statuts de la MedNum pour expliciter la pertinence de la SCIC au regard de l’objectif de portage d’un projet de commun numérique.
Intégrer dans les statuts, à la suite de l’objet social, un article prévoyant que « Les sociétaires s’engagent à fonctionner selon le principe des méthodologies agiles de développement, avec une prévalence des retours utilisateurs » .
Détailler les méthodologies retenues dans le Titre « Dispositions diverses » ou dans un règlement intérieur dédié.
Équilibrer les attributions de compétence entre l’assemblée générale et le conseil d’administration dans les statuts de la SCIC.
Circonscrire le contenu des statuts au minimum légal.
Rédiger des règlements intérieurs qui complètent les statuts et détaillent le fonctionnement de la coopérative.
Produire une convention pluriannuelle d’objectifs, appliquée aux SCIC et orientée vers la production de communs numériques.