Les communs numériques sont des modes de production et d’organisation de plus en plus mobilisés par les acteurs publics, en témoigne l’actualité politique sur le sujet, dont l’exemple le plus récent est l’engagement pris, dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, de mener une politique de soutiens aux communs numériques, sous l’égide de l’Ambassadeur pour le numérique Henri Verdier. Cet engagement s’inscrit dans un mouvement au long-cours de soutien aux communs numériques. Ainsi, le 10 novembre 2021, à l’occasion de l’Open Source Experience, Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, chargée de la transformation numérique de l’État, a présenté la stratégie du Gouvernement pour accélérer le recours aux logiciels libres et aux communs numériques dans l’administration. Concernant la politique nationale en faveur de l’inclusion numérique pilotée par l’ANCT, cette annonce s’inscrit dans la continuité des interventions lors de Numérique en commun[s] 2021 de Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, et de Cédric O, secrétaire d’État chargé de la Transition numérique.
Référence :
Les communs numériques désignent des ressources numériques produites et entretenues par une communauté hétérogène d’acteurs selon des règles qu’elle édicte elle-même et qui garantissent le caractère ouvert et démocratique du commun. Trois composantes doivent ainsi être réunies :
une ou plusieurs ressources numériques (connaissances, données, logiciels, plans de conception, etc.) ;
une communauté d’utilisateurs et de contributeurs ;
des règles de gouvernance et collaboration définies et mises en œuvre par la communauté pour assurer son organisation et celle des ressources produites.
La caractérisation de ce triptyque et son maintien dans le temps sont la clé de succès d’une démarche de communs numériques.
Cette volonté de mobiliser les communs au profit de missions d’intérêt général, l’ANCT la porte depuis de nombreuses années avec des actions telles que « Numérique en Commun[s] ». Plus récemment, la consultation France Relance « Transformation Numérique des collectivités territoriales » menée par l’Incubateur des territoires démontre encore que, si les communs ne sont pas une fin en soi, ils traduisent néanmoins une nouvelle manière d’agir politiquement qui s’avère plus résiliente, responsable et pérenne. Cela traduit également une volonté de plus en plus marquée des collectivités territoriales de mettre en place une démocratie participative au sein de leur territoire. Ainsi, la Communauté d’Agglomération de La Rochelle a choisi de développer comme un commun numérique une plateforme de suivi de l’empreinte carbone des acteurs de son territoire ; l’IGN ambitionne de devenir un acteur majeur des communs numériques de la géodonnées avec son portail Géocommuns ; et la Ville de Paris est déjà depuis plusieurs années résolument engagée en faveur du développement et de l’exploitation de communs numériques.
L’implication croissante des acteurs publics au sein de projets de communs numériques a ainsi fait émerger la gestion de la communauté et sa gouvernance comme un axe d’attention majeur afin d’assurer le succès de démarche de commun numérique. La communauté, sa dynamique et sa taille sont des facteurs importants d’attractivité et de pérennisation du commun. Cela fonctionne selon une logique de cercle vertueux : plus la ressource est utilisée, plus elle reçoit de contributions, plus elle offre de fonctionnalités, devient attractive et plus sa communauté augmente, ce qui induit une hausse du nombre de contributions. Dans ce contexte, il est nécessaire d’apporter une attention toute particulière aux modalités de gestion et de gouvernance de la communauté, et notamment à l’éventuelle structuration juridique de cette dernière.
L’esprit du Labo Société Numérique a toujours été de proposer des ressources inspirantes, mais également utiles et directement activables par les porteurs (Tutoriel des communs numériques ; liste de recommandations à destination spécifiquement des acteurs publics (check-list) ou clausier pour des communs numériques). Dans cette logique, le Programme Société Numérique, en collaboration avec inno³, propose d’approfondir, dans deux séries d’articles, la question de la structuration juridique des communs numériques, en s’intéressant particulièrement aux groupements d’intérêt public (GIP), aux associations et aux sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC).
Référence :
Structuration juridique des communs numériques : quels enjeux ?
La constitution d’une structure juridique autour d’un commun numérique présente plusieurs intérêts :
Consolider les règles de gouvernance du commun à l’égard des membres. Chacun aura ainsi une parfaite visibilité sur ses droits et obligations, ainsi que sur les rôles et compétences de chacun. Une structuration juridique devient ainsi particulièrement pertinente dès lors que la taille de la communauté ne permet plus d’assurer la gouvernance de façon directe, horizontale ;
Permettre à des tiers de rejoindre le commun ou y contribuer. La transparence du fonctionnement de la communauté, par l’adoption d’une forme juridique éprouvée et la publication des statuts, facilite l’adhésion au commun numérique et incite à la collaboration économique. C’est donc un facteur de sécurité juridique propice au développement du commun numérique ;
Autonomiser le commun en l’intégrant dans un cadre adapté à ses besoins en termes de financement et de ressources (notamment pour le développement d’une activité économique propre et/ou la sollicitation de subventions publiques). C’est donc un facteur de pérennité économique du commun numérique.
Participation de l’acteur public au commun numérique : les différentes structures existantes
Dans le cas particulier d’un commun initié ou rejoint par un ou plusieurs acteurs publics, la structuration juridique devient encore plus cruciale. D’abord, l’adoption d’une forme sociale et la rédaction de statuts adaptés va permettre de sécuriser le rôle de l’ensemble des acteurs au sein de la communauté. C’est une étape essentielle, car l’acteur public a besoin de cette sécurité pour s’engager et que, inversement, les autres acteurs peuvent souhaiter limiter la part dominante que pourrait prendre l’acteur public dans la gouvernance du projet (craignant que le volontarisme de l’acteur public, couplé à ses moyens humains et financiers, entraîne un leadership de fait sur la gouvernance du commun numérique).
De manière très opérationnelle, la structuration juridique, lorsqu’elle conduit à la création d’une personne morale, va permettre de distinguer le commun de l’acteur public. Une telle distinction permettre notamment de sécuriser les demandes de subventions et la passation de marchés publics par le commun numérique.
S’il n’existe pas de structure juridique parfaite pour aider à la structuration d’un commun numérique, une observation des pratiques permet de dégager différentes formes sociales privilégiées par les acteurs des communs.
Ces structures peuvent être séparées en deux catégories : celles susceptibles de réaliser – de façon limitée – une activité économique pour ses membres (à but lucratif ou non) ; et les autres.
Les organismes à activité économique limitée
La première structure à envisager n’en est pas vraiment une : il s’agit du consortium.
Le consortium consiste en une collaboration entre plusieurs acteurs, contractualisée ou non, en vue de l’exécution d’une ou plusieurs opérations.
Sa durée de vie est celle de l’activité pour laquelle ses fondateurs l’ont prévu. Le consortium présente l’avantage de pouvoir être facilement constitué et de laisser une liberté totale dans la réglementation des relations entre les membres. L’inconvénient majeur est qu’il constitue un groupement dépourvu de personnalité morale, donc peu sécurisant pour les tiers, ce qui limite de fait ses possibilités de développement économique.
L’association de loi 1901 va permettre la création de cette personnalité morale dédiée au commun, tout en conservant une grande liberté dans l’organisation interne. L'association se définit comme « la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices ». Son régime est très souple, puisque la loi exige seulement la déclaration d’un objet, d’un siège social et d’au moins deux dirigeants pour reconnaître la personnalité juridique à l’association. Par ailleurs, le fonctionnement associatif fait de l’assemblée générale des membres l’organe central de la structure, ce qui en fait un véhicule adapté pour l’auto-gouvernance des communs. L’association est ainsi le mode de primo-structuration privilégié des porteurs de communs, mais sa pertinence comme cadre structurant dans le temps peut évoluer selon le modèle économique retenu pour le développement du commun. En effet, l’activité économique et commerciale d’une association est strictement encadrée et limitée. Cette structure fera l’objet d’une série de billets qui reviendront en détail sur ses spécificités et son adéquation à la structuration juridique de communs numériques.
Également sans but lucratif, la fondation est cependant une structure distincte de l’association, et pourra être envisagée selon l’objectif poursuivi par le commun. La fondation se définit par l’affectation irrévocable de biens pour la réalisation d’une œuvre d’intérêt général ; ainsi que par une gouvernance reposant essentiellement sur son conseil d’administration. Comme pour l’association, ses perspectives de développement économique sont limitées du fait de l’encadrement légal prévu.
Dans le cas particulier d’un commun numérique impulsé ou rejoint par un acteur public, le Groupement d’Intérêt Public (GIP) est enfin une alternative complémentaire. Le GIP est une personne morale de droit public, dotée de l’autonomie administrative et financière. Il est constitué par convention, approuvée par l’État, soit entre plusieurs personnes morales de droit public, soit entre une ou plusieurs personnes morales de droit public et une ou plusieurs personnes morales de droit privé, afin d’exercer ensemble des activités d’intérêt général à but non lucratif. Cette structure fera l’objet d’une série de billets qui reviendront en détail sur ses spécificités et son adéquation à la structuration juridique de communs numériques.
Si les structures que nous venons d’évoquer présentent l’avantage d’une certaine facilité quant à leur création et leur gestion, leur cadre légal limitant le développement d’une activité économique propre peut conduire à se tourner vers d’autres modèles de structuration moins contraints sur ce point.
Référence :
Les organismes permettant le développement d’une activité économique
Structures économique par nature, les sociétés commerciales peuvent constituer un modèle centralisé utile pour initier ou développer une activité commerciale autour d’une ressource.
En droit français, les principales formes de sociétés commerciales sont la Société Anonyme (SA), la Société À Responsabilité Limitée (SARL), et la Société par Actions Simplifiée (SAS), qui connaît une déclinaison unipersonnelle (SASU). Chacune présente ses spécificités, mais toutes sont tournées vers le même objectif de facilitation et de développement de l’activité économique.
Toutefois, à l’inverse de l’association, le régime légal ne permet pas d’assurer une auto-gouvernance par les membres, l’assemblée générale s’effaçant au profit de l’organe exécutif (en général, le conseil d’administration). Il peut alors être intéressant, quoique complexe, de créer une société unipersonnelle entièrement détenue par une association regroupant les membres de la communauté constituée autour du commun, de façon à développer une activité économique conséquente tout en assurant une gestion démocratique de l’ensemble.
Une dernière alternative peut être la création d’une coopérative, plus particulièrement celle d’une Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC). Il s’agit d’une coopérative constituée à partir d’une des trois principales formes de société commerciale (SA, SARL, SAS), à laquelle s’ajoute un jeu de règles coopératives. La SCIC a pour objet « la production ou la fourniture de biens et de services d’intérêt collectif qui présentent un caractère d’utilité sociale ». Elle doit inclure impérativement trois catégories de coopérateurs : les bénéficiaires de son activité, ses salariés, ainsi que les tiers intéressés par son activité. Compte tenu de l’intérêt qu’elle peut présenter pour structurer un commun initié ou rejoint par un acteur public, elle fera aussi l’objet d’une série de billets revenant en détail sur ses spécificités.
Ce rapide état des lieux des formes sociales pertinentes tend à démontrer qu’il n’existe pas une structuration parfaite convenant à n’importe quel projet de communs numériques. Au contraire, la richesse du droit des sociétés, revivifié par la loi sur l’économie sociale et solidaire, permet aux acteurs des communs de choisir parmi une diversité de modèle celui qui correspond le mieux aux valeurs et aux objectifs de leur projet.
Trois analyses dédiées au GIP, à la SCIC et à l'association
À la suite de ces premières réflexions, deux séries d’articles dédiées au GIP, à l'association et à la SCIC sont proposées. Retrouvez tous les contenus concernant ces structures juridiques dans la liste des sous contenus ci-dessous.
Plus qu’une présentation théorique fondée sur une analyse de cadre légal applicable, de la jurisprudence et de la doctrine, les différents articles viseront à outiller les porteurs de communs numériques qui souhaitent structurer un commun numérique de façon à optimiser la participation de l’acteur public.
Des éléments issus d’entretiens et d’ateliers menés avec des acteurs – publics ou non – des communs numériques alimenteront ces productions.
Ainsi, plusieurs articles apportent des éclairages successifs :
La présente note de cadrage sur l’importance de la structuration de projets de communs numériques pour l’acteur public
Un article de présentation théorique pour chacune des trois structures envisagées (GIP, association et SCIC)
Deux articles pratiques adressant les différents irritants rencontrés dans la création et l’animation d’un GIP par l’acteur public :
l’un concernant la gestion du commun et le modèle économique ;
l’autre concernant la gouvernance et le modèle juridique.
Deux articles pratiques adressant les différents irritants rencontrés dans la création et l’animation d’une SCIC par l’acteur public :
l'un concernant l’acculturation des acteurs publics au droit des SCIC
l'autre concernant la définition du commun et de l’objet de la SCIC qui le porte
Deux articles pratiques adressant les différents irritants rencontrés dans la création et le financement d'une association par l'acteur public :
l'un concernant les modalités de financement par l'acteur public d'une association porteuse d'un commun numérique
l'autre concernant l'adaptation des modalités de gouvernance d'une association porteuse d'un commun numérique et initiée ou rejointe par l'acteur public.
Le GIP, la SCIC et l'association comme structures juridiques pour porter des communs numériques
Retrouvez tous les contenus concernant le GIP, la SCIC et l'association dans la liste des sous contenus ci-dessous (après les sources).
Ce billet est une publication réalisée par le cabinet inno³ pour le compte du Labo Société Numérique de l'ANCT. Destinée à favoriser la structuration de communs numériques produits ou soutenus par l’administration, elle s’adresse à la fois aux acteurs porteurs de communs ainsi qu’aux personnes en charge d’accompagner ces démarches.
Quelles structures juridiques pour porter des communs numériques ?
Les communs numériques sont des modes de production et d’organisation de plus en plus mobilisés par les acteurs publics, en témoigne l’actualité politique sur le sujet, dont l’exemple le plus récent est l’engagement pris, dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, de mener une politique de soutiens aux communs numériques, sous l’égide de l’Ambassadeur pour le numérique Henri Verdier. Cet engagement s’inscrit dans un mouvement au long-cours de soutien aux communs numériques. Ainsi, le 10 novembre 2021, à l’occasion de l’Open Source Experience, Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, chargée de la transformation numérique de l’État, a présenté la stratégie du Gouvernement pour accélérer le recours aux logiciels libres et aux communs numériques dans l’administration. Concernant la politique nationale en faveur de l’inclusion numérique pilotée par l’ANCT, cette annonce s’inscrit dans la continuité des interventions lors de Numérique en commun[s] 2021 de Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, et de Cédric O, secrétaire d’État chargé de la Transition numérique.
Référence :
Les communs numériques désignent des ressources numériques produites et entretenues par une communauté hétérogène d’acteurs selon des règles qu’elle édicte elle-même et qui garantissent le caractère ouvert et démocratique du commun. Trois composantes doivent ainsi être réunies :
une ou plusieurs ressources numériques (connaissances, données, logiciels, plans de conception, etc.) ;
une communauté d’utilisateurs et de contributeurs ;
des règles de gouvernance et collaboration définies et mises en œuvre par la communauté pour assurer son organisation et celle des ressources produites.
La caractérisation de ce triptyque et son maintien dans le temps sont la clé de succès d’une démarche de communs numériques.
Cette volonté de mobiliser les communs au profit de missions d’intérêt général, l’ANCT la porte depuis de nombreuses années avec des actions telles que « Numérique en Commun[s] ». Plus récemment, la consultation France Relance « Transformation Numérique des collectivités territoriales » menée par l’Incubateur des territoires démontre encore que, si les communs ne sont pas une fin en soi, ils traduisent néanmoins une nouvelle manière d’agir politiquement qui s’avère plus résiliente, responsable et pérenne. Cela traduit également une volonté de plus en plus marquée des collectivités territoriales de mettre en place une démocratie participative au sein de leur territoire. Ainsi, la Communauté d’Agglomération de La Rochelle a choisi de développer comme un commun numérique une plateforme de suivi de l’empreinte carbone des acteurs de son territoire ; l’IGN ambitionne de devenir un acteur majeur des communs numériques de la géodonnées avec son portail Géocommuns ; et la Ville de Paris est déjà depuis plusieurs années résolument engagée en faveur du développement et de l’exploitation de communs numériques.
L’implication croissante des acteurs publics au sein de projets de communs numériques a ainsi fait émerger la gestion de la communauté et sa gouvernance comme un axe d’attention majeur afin d’assurer le succès de démarche de commun numérique. La communauté, sa dynamique et sa taille sont des facteurs importants d’attractivité et de pérennisation du commun. Cela fonctionne selon une logique de cercle vertueux : plus la ressource est utilisée, plus elle reçoit de contributions, plus elle offre de fonctionnalités, devient attractive et plus sa communauté augmente, ce qui induit une hausse du nombre de contributions. Dans ce contexte, il est nécessaire d’apporter une attention toute particulière aux modalités de gestion et de gouvernance de la communauté, et notamment à l’éventuelle structuration juridique de cette dernière.
L’esprit du Labo Société Numérique a toujours été de proposer des ressources inspirantes, mais également utiles et directement activables par les porteurs (Tutoriel des communs numériques ; liste de recommandations à destination spécifiquement des acteurs publics (check-list) ou clausier pour des communs numériques). Dans cette logique, le Programme Société Numérique, en collaboration avec inno³, propose d’approfondir, dans deux séries d’articles, la question de la structuration juridique des communs numériques, en s’intéressant particulièrement aux groupements d’intérêt public (GIP), aux associations et aux sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC).
Référence :
Structuration juridique des communs numériques : quels enjeux ?
La constitution d’une structure juridique autour d’un commun numérique présente plusieurs intérêts :
Consolider les règles de gouvernance du commun à l’égard des membres. Chacun aura ainsi une parfaite visibilité sur ses droits et obligations, ainsi que sur les rôles et compétences de chacun. Une structuration juridique devient ainsi particulièrement pertinente dès lors que la taille de la communauté ne permet plus d’assurer la gouvernance de façon directe, horizontale ;
Permettre à des tiers de rejoindre le commun ou y contribuer. La transparence du fonctionnement de la communauté, par l’adoption d’une forme juridique éprouvée et la publication des statuts, facilite l’adhésion au commun numérique et incite à la collaboration économique. C’est donc un facteur de sécurité juridique propice au développement du commun numérique ;
Autonomiser le commun en l’intégrant dans un cadre adapté à ses besoins en termes de financement et de ressources (notamment pour le développement d’une activité économique propre et/ou la sollicitation de subventions publiques). C’est donc un facteur de pérennité économique du commun numérique.
Participation de l’acteur public au commun numérique : les différentes structures existantes
Dans le cas particulier d’un commun initié ou rejoint par un ou plusieurs acteurs publics, la structuration juridique devient encore plus cruciale. D’abord, l’adoption d’une forme sociale et la rédaction de statuts adaptés va permettre de sécuriser le rôle de l’ensemble des acteurs au sein de la communauté. C’est une étape essentielle, car l’acteur public a besoin de cette sécurité pour s’engager et que, inversement, les autres acteurs peuvent souhaiter limiter la part dominante que pourrait prendre l’acteur public dans la gouvernance du projet (craignant que le volontarisme de l’acteur public, couplé à ses moyens humains et financiers, entraîne un leadership de fait sur la gouvernance du commun numérique).
De manière très opérationnelle, la structuration juridique, lorsqu’elle conduit à la création d’une personne morale, va permettre de distinguer le commun de l’acteur public. Une telle distinction permettre notamment de sécuriser les demandes de subventions et la passation de marchés publics par le commun numérique.
S’il n’existe pas de structure juridique parfaite pour aider à la structuration d’un commun numérique, une observation des pratiques permet de dégager différentes formes sociales privilégiées par les acteurs des communs.
Ces structures peuvent être séparées en deux catégories : celles susceptibles de réaliser – de façon limitée – une activité économique pour ses membres (à but lucratif ou non) ; et les autres.
Les organismes à activité économique limitée
La première structure à envisager n’en est pas vraiment une : il s’agit du consortium.
Le consortium consiste en une collaboration entre plusieurs acteurs, contractualisée ou non, en vue de l’exécution d’une ou plusieurs opérations.
Sa durée de vie est celle de l’activité pour laquelle ses fondateurs l’ont prévu. Le consortium présente l’avantage de pouvoir être facilement constitué et de laisser une liberté totale dans la réglementation des relations entre les membres. L’inconvénient majeur est qu’il constitue un groupement dépourvu de personnalité morale, donc peu sécurisant pour les tiers, ce qui limite de fait ses possibilités de développement économique.
L’association de loi 1901 va permettre la création de cette personnalité morale dédiée au commun, tout en conservant une grande liberté dans l’organisation interne. L'association se définit comme « la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices ». Son régime est très souple, puisque la loi exige seulement la déclaration d’un objet, d’un siège social et d’au moins deux dirigeants pour reconnaître la personnalité juridique à l’association. Par ailleurs, le fonctionnement associatif fait de l’assemblée générale des membres l’organe central de la structure, ce qui en fait un véhicule adapté pour l’auto-gouvernance des communs. L’association est ainsi le mode de primo-structuration privilégié des porteurs de communs, mais sa pertinence comme cadre structurant dans le temps peut évoluer selon le modèle économique retenu pour le développement du commun. En effet, l’activité économique et commerciale d’une association est strictement encadrée et limitée. Cette structure fera l’objet d’une série de billets qui reviendront en détail sur ses spécificités et son adéquation à la structuration juridique de communs numériques.
Également sans but lucratif, la fondation est cependant une structure distincte de l’association, et pourra être envisagée selon l’objectif poursuivi par le commun. La fondation se définit par l’affectation irrévocable de biens pour la réalisation d’une œuvre d’intérêt général ; ainsi que par une gouvernance reposant essentiellement sur son conseil d’administration. Comme pour l’association, ses perspectives de développement économique sont limitées du fait de l’encadrement légal prévu.
Dans le cas particulier d’un commun numérique impulsé ou rejoint par un acteur public, le Groupement d’Intérêt Public (GIP) est enfin une alternative complémentaire. Le GIP est une personne morale de droit public, dotée de l’autonomie administrative et financière. Il est constitué par convention, approuvée par l’État, soit entre plusieurs personnes morales de droit public, soit entre une ou plusieurs personnes morales de droit public et une ou plusieurs personnes morales de droit privé, afin d’exercer ensemble des activités d’intérêt général à but non lucratif. Cette structure fera l’objet d’une série de billets qui reviendront en détail sur ses spécificités et son adéquation à la structuration juridique de communs numériques.
Si les structures que nous venons d’évoquer présentent l’avantage d’une certaine facilité quant à leur création et leur gestion, leur cadre légal limitant le développement d’une activité économique propre peut conduire à se tourner vers d’autres modèles de structuration moins contraints sur ce point.
Référence :
Les organismes permettant le développement d’une activité économique
Structures économique par nature, les sociétés commerciales peuvent constituer un modèle centralisé utile pour initier ou développer une activité commerciale autour d’une ressource.
En droit français, les principales formes de sociétés commerciales sont la Société Anonyme (SA), la Société À Responsabilité Limitée (SARL), et la Société par Actions Simplifiée (SAS), qui connaît une déclinaison unipersonnelle (SASU). Chacune présente ses spécificités, mais toutes sont tournées vers le même objectif de facilitation et de développement de l’activité économique.
Toutefois, à l’inverse de l’association, le régime légal ne permet pas d’assurer une auto-gouvernance par les membres, l’assemblée générale s’effaçant au profit de l’organe exécutif (en général, le conseil d’administration). Il peut alors être intéressant, quoique complexe, de créer une société unipersonnelle entièrement détenue par une association regroupant les membres de la communauté constituée autour du commun, de façon à développer une activité économique conséquente tout en assurant une gestion démocratique de l’ensemble.
Une dernière alternative peut être la création d’une coopérative, plus particulièrement celle d’une Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC). Il s’agit d’une coopérative constituée à partir d’une des trois principales formes de société commerciale (SA, SARL, SAS), à laquelle s’ajoute un jeu de règles coopératives. La SCIC a pour objet « la production ou la fourniture de biens et de services d’intérêt collectif qui présentent un caractère d’utilité sociale ». Elle doit inclure impérativement trois catégories de coopérateurs : les bénéficiaires de son activité, ses salariés, ainsi que les tiers intéressés par son activité. Compte tenu de l’intérêt qu’elle peut présenter pour structurer un commun initié ou rejoint par un acteur public, elle fera aussi l’objet d’une série de billets revenant en détail sur ses spécificités.
Ce rapide état des lieux des formes sociales pertinentes tend à démontrer qu’il n’existe pas une structuration parfaite convenant à n’importe quel projet de communs numériques. Au contraire, la richesse du droit des sociétés, revivifié par la loi sur l’économie sociale et solidaire, permet aux acteurs des communs de choisir parmi une diversité de modèle celui qui correspond le mieux aux valeurs et aux objectifs de leur projet.
Trois analyses dédiées au GIP, à la SCIC et à l'association
À la suite de ces premières réflexions, deux séries d’articles dédiées au GIP, à l'association et à la SCIC sont proposées. Retrouvez tous les contenus concernant ces structures juridiques dans la liste des sous contenus ci-dessous.
Plus qu’une présentation théorique fondée sur une analyse de cadre légal applicable, de la jurisprudence et de la doctrine, les différents articles viseront à outiller les porteurs de communs numériques qui souhaitent structurer un commun numérique de façon à optimiser la participation de l’acteur public.
Des éléments issus d’entretiens et d’ateliers menés avec des acteurs – publics ou non – des communs numériques alimenteront ces productions.
Ainsi, plusieurs articles apportent des éclairages successifs :
La présente note de cadrage sur l’importance de la structuration de projets de communs numériques pour l’acteur public
Un article de présentation théorique pour chacune des trois structures envisagées (GIP, association et SCIC)
Deux articles pratiques adressant les différents irritants rencontrés dans la création et l’animation d’un GIP par l’acteur public :
l’un concernant la gestion du commun et le modèle économique ;
l’autre concernant la gouvernance et le modèle juridique.
Deux articles pratiques adressant les différents irritants rencontrés dans la création et l’animation d’une SCIC par l’acteur public :
l'un concernant l’acculturation des acteurs publics au droit des SCIC
l'autre concernant la définition du commun et de l’objet de la SCIC qui le porte
Deux articles pratiques adressant les différents irritants rencontrés dans la création et le financement d'une association par l'acteur public :
l'un concernant les modalités de financement par l'acteur public d'une association porteuse d'un commun numérique
l'autre concernant l'adaptation des modalités de gouvernance d'une association porteuse d'un commun numérique et initiée ou rejointe par l'acteur public.
Le GIP, la SCIC et l'association comme structures juridiques pour porter des communs numériques
Retrouvez tous les contenus concernant le GIP, la SCIC et l'association dans la liste des sous contenus ci-dessous (après les sources).
Ce billet est une publication réalisée par le cabinet inno³ pour le compte du Labo Société Numérique de l'ANCT. Destinée à favoriser la structuration de communs numériques produits ou soutenus par l’administration, elle s’adresse à la fois aux acteurs porteurs de communs ainsi qu’aux personnes en charge d’accompagner ces démarches.