OpenFisca est un projet de commun numérique qui, partant du constat que nos rapports sociaux sont organisés par des règles (lois, règlements, usages, etc.), vise à décrire une partie de ces règles sous une forme informatique afin d’en favoriser la compréhension, la simulation et la mise en œuvre au bénéfice de toutes et tous.
Développé en France depuis 2011, OpenFisca est utilisé aujourd’hui en France pour évaluer l’impact des nouvelles lois sur les citoyens et sur le budget de l’État, ainsi que pour permettre aux usagers et aux bénéficiaires de mieux comprendre leurs droits et leurs obligations, grâce à des simulateurs comme TaxIPP, LexImpact et MesAides.
OpenFisca est considéré comme le principal moyen de mettre en œuvre concrètement le mouvement Rules as Code, tel que décrit par l'OCDE.
Reconnu comme innovation de l'année au World Government Summit, OpenFisca est déployé sur quatre continents en 2022.
Tandis que le projet veut assurer sa pérennité en totale autonomie, le développement, la structuration et l’animation de sa communauté deviennent désormais des enjeux majeurs.
Des outils logiciels, des formules de calculs et des modèles
Le projet a été initié en 2011 au sein de France Stratégie en partenariat avec l’Institut d’économie publique (IDEP). Etalab et la Direction Interministérielle du Numérique (DINUM) ont été des soutiens importants du projet à ses débuts.
OpenFisca est un ensemble d'outils logiciels en Python, le langage le plus utilisé pour les sciences de la donnée. Son langage descriptif (DSL) pour écrire les formules de calcul et leurs références législatives permet aux administrations de partager efficacement les mises à jour réglementaires et d’en mutualiser les coûts de maintenance en interconnectant les règles.
Les économistes peuvent s’appuyer sur ces modèles pour déterminer l'impact de toute réforme passée, future, ou hypothétique sur toute population. « Son architecture d’extensions et sa documentation riche permet de fédérer des communautés nationales et locales d’agents publics, mais aussi de contributeurs associatifs et privés, qui collaborent pour modéliser la loi et la rendre exécutable ».
Usages actuels par des administrations publiques
- En 2022, près de 700 000 simulations ont permis à des jeunes d'évaluer leurs droits à plus de 600 aides sur le simulateur 1 jeune 1 solution.
- Le portail national des droits sociaux permet l’évaluation à près de 60 aides.
- L’outil Estime de Pôle Emploi permet aux personnes en recherche d’emploi d’estimer rapidement l’évolution de leurs droits au chômage en cas de reprise d’emploi. Grâce à OpenFisca, le systéme d'information sous-jacent a pu être modernisé en quelques mois et le taux d’activation usager a en conséquence augmenté significativement.
- En 2021, 122 simulations ont été effectuées par des parlementaires grâce au simulateur LexImpactde l'Assemblée Nationale, basé sur OpenFisca, et plusieurs ont été utilisées lors des débats en séance.
- En 2019, plus de 1,6 million de ménages ont été informés de leurs droits et plus de 420 000 ont commencé une démarche de demande à une allocation grâce au simulateur Mes Aides, qui a vu le jour sur la base d’OpenFisca en 2014.
Plusieurs collectivités locales utilisent OpenFisca pour faciliter l’accès à leurs prestations sociales : Paris, Rennes, Brest, Strasbourg…
Avec le soutien de l'ANCT, les dotations aux collectivités locales sont estimées par OpenFisca pour accélérer et faciliter la création de leur budget annuel.
LexImpact : comment un logiciel de simulation ouvert permet de mesurer l’impact d'un projet de loi ?
L’Assemblée nationale met, depuis 2020, à la disposition des députés un service, LexImpact, qui permet aux députés de simuler les effets d’un amendement sur le barème de l’impôt sur le revenu, sur la dotation aux collectivités, sur certaines cotisations sociales et d’en vérifier l’impact sur des cas types comme sur les finances publiques et leur effet sur la redistribution des revenus. Ce service s’appuie sur un logiciel de simulation, LexImpact, qui repose sur le moteur de calcul OpenFisca, un moteur de calcul libre et ouvert créé en 2011, qui permet de modéliser le système socio-fiscal de manière collaborative et transparente.
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Usages d’OpenFisca dans le monde
- La ville de Barcelone, en Espagne, utilise OpenFisca pour calculer les aides sociales de ses résidents.
- Le calculateur PolicyEngine modélise la loi britannique.
- Les Pays-Bas et la Grèce expérimentent de 2023 à 2025 la modélisation avec OpenFisca pour la création d’assistants règlementaires.
- OpenFisca est évalué au Canada par le département Rules as Code du gouvernement fédéral.
- Le calculateur PolicyEngine consolide les règles fiscales de nombreux États américains.
- La Nouvelle-Zélande utilise OpenFisca pour informer les citoyens sur leur éligibilité à des dispositifs comme Rates Rebates ou SmartStart et documenter ses règles de droit.
- L'Australie utilise OpenFisca pour calculer l’éligibilité à des dispositifs comme Energy Saving Scheme et à des activités professionnelles avec Community Gaming Check.
- La Polynésie Française a modélisé plusieurs taxes et impôts.
- La Tunisie, le Mali, la Côte d'Ivoire, le Sénégal, les Émirats Arabes Unis ont prototypé des calculs avec OpenFisca.
Qui développe l’outil et a le contrôle sur les choix techniques ?
Le code source des outils OpenFisca est disponible sur l'organisation @OpenFisca sur GitHub.
Tous les outils partagés sont sous licence AGPL. Le modèle français est également sous licence AGPL. Chaque modèle de pays peut avoir sa propre licence, mais la plupart sont sous licence AGPL.
La gouvernance d'OpenFisca est communautaire : toute entité peut suggérer ou directement contribuer des améliorations. Néanmoins, les modalités d'orientation et de validation finale varient selon les composants concernés : il faut distinguer les éléments cœur (moteur de calcul, API web, explorateur de législation…) des modèles de pays et des extensions.
Une équipe cœur financée jusqu’à l’heure de rédaction principalement par des acteurs publics français encadre l’évolution des éléments partagés, principalement par l’édiction et l’application de règles de qualité (validation par des tests, revue par des pairs, interopérabilité des fonctionnalités, versionnement sémantique, publication automatique des paquets…). Elle investit également dans les évolutions techniques nécessaires pour la stabilité et la sécurité. Les fonctionnalités sont proposées et implémentées par les membres de la communauté selon leurs besoins.
Les modèles de pays sont soumis à une gouvernance décidée par le collectif qui l’édite.
En France, l’évolution du modèle est garantie par près d’une dizaine d’administrations et organismes de recherche et repose sur un mélange de zones de responsabilité identifiées (par exemple, Pôle Emploi est l’entité la plus légitime pour modéliser les règles de l’assurance chômage) et de revues de code par des pairs pour garantir l’interopérabilité et la lisibilité.
En 2022 et 2023, cette gouvernance est amenée à être progressivement élargie et formalisée pour garantir sa lisibilité et sa pérennité.
Références :