Interview de Michèle Pasteur, Directrice de l'Agence Nouvelle des Solidarités Actives (ANSA) à l'occasion du second atelier du Labo Inclusion et Numérique qu'elle organisait le 3 octobre 2017. Elle revient dans cet interview sur le rôle de l'ANSA vis-à-vis des acteurs de l'inclusion numérique, et sur les grands défis de la société numérique.
Pouvez-vous nous présenter l’ANSA ?L’Agence Nouvelle des Solidarités Actives est une association loi 1901 qui a pour objet social la lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion. Nous entendons contribuer à agir pour une société inclusive. Dans une société qui devient de plus en plus numérique, se pose la question de l’inclusion numérique. La problématique partagée dans le Labo Inclusion et Numérique est de faire en sorte que notre société permette à tout un chacun de pouvoir utiliser l’ensemble des services, d’être à l’aise sur le numérique,… et de faire en sorte que le fait d’avoir de plus en plus besoin du numérique ne crée pas une fracture supplémentaire à des personnes qui sont déjà en situation d’exclusion. Au contraire, le numérique doit permettre d’améliorer leur citoyenneté.
Quels acteurs avez-vous invités au Labo Inclusion et Numérique? Quel regard complémentaire pouvaient-ils apporter ?La société est de plus en plus cloisonnée. Les entreprises, les services publics et les associations travaillent chacun de leur côté. Sur un sujet de société, tel que la société numérique de plus en plus présente, tous les acteurs doivent être impliqués.
Les premiers acteurs sont les citoyens eux-mêmes. Dans notre Labo, nous voulons associer les personnes directement concernées. Ils sont le point de départ de notre réflexion.
Ensuite, chaque personne dans sa vie quotidienne a affaire à une entreprise, à un service public, à une association, à l’école. L’ensemble de ces acteurs portent ou créent des solutions. Notre ambition est de croiser tous ces acteurs pour identifier leurs solutions d'inclusion, pour répondre aux attentes et permettre à tout un chacun de s’approprier les services numériques. Donc nous voulons faciliter le dialogue entre des entreprises comme Sopra Steria (présente au Labo) et des opérateurs sociaux, des collectivités, des institutions de la formation,... et les rapprocher sur le long terme.
Quels sont vos objectifs pour l’inclusion sociale ?L’inclusion numérique est un sujet depuis 10 ans. On s’en soucie et on s’en préoccupe. Il ne s’agit donc plus d’engager la dimension d’inclusion numérique mais d’amener les acteurs qui en font partie à se rencontrer, et à se connaître. L'ANSA veut faire en sorte que ceux qui produisent et utilisent ces services soient capables de tenir un discours commun aux autorités et aux entreprises. Et ce discours à mon sens est de dire qu’en cherchant à donner à chacun accès à la société numérique, on rendra service à l’ensemble de la société car on développera des services aisés d’usages que tout le monde va pouvoir s’approprier. Il ne faut pas oublier les personnes les plus fragiles ; en travaillant vers ces personnes, au final on travaillera pour tout le monde.
A vos yeux quels sont les grands défis de notre société ?On manque d’éléments objectivés pour pouvoir quantifier ces défis. Mais aujourd’hui il y a deux mouvements : des opérateurs qui développent des solutions top down, que les personnes doivent s’approprier ; et un autre mouvement, plus diffus et très territorialisé, où des solutions d’accompagnement vers certains types de personnes sont développés. Les startups font d’ailleurs partie de ce mouvement.
Le défi est de parvenir, dans ce foisonnement, à donner une visibilité sur les solutions vraiment porteuses et créer une cohérence. Il faut les consolider pour avoir des applications et des sites aisés d’usages. Et ce qu’on veut éviter à tout prix, c’est que la même solution soit dupliquée 10 fois car elle ne réussi pas à dépasser pas l’échelle locale.
Comment vous positionnez-vous par rapport à des acteurs cités de nombreuses fois aujourd’hui parmi les solutions utilisées : BlaBlaCar, LeBonCoin, LinkedIn, Google,... ?On ne peut rivaliser par rapport à Google. Ils ont les meilleurs ingénieurs pour développer les meilleurs services. Mais ces entreprises développent des services à vocation commerciale. Même s’ils ne sont pas payants, ils commercialisent les données personnelles à des fins publicitaires. Je pense qu’il peut y avoir une cohabitation entre ces grandes entreprises et des solutions alternatives où on sait que nos données ne seront pas utilisées de cette manière. Donner le choix à chaque citoyen d’utiliser l’un ou l’autre service en toute connaissance de cause, c’est ça qui est important.
La société se porte mieux lorsqu’il y a des alternatives ; elles sont nécessaires. Aujourd’hui il y a un point d’interrogation autour de la neutralité du net. Or Google ne donnera jamais accès aux services administratifs.
Je pense qu’il y a une nécessité pour les collectivités à dialoguer davantage avec les entreprises de l’économie numérique. Les collectivités ont essayé de développer leurs propres services de covoiturage, d’itinéraire,…mais ça n’a pas fonctionné car les plateformes avaient une meilleure offre. Le dialogue avec des startups qui veulent développer des services qui ont du sens (il y en a plein) pourrait permettre de développer des services d’intérêt général et créer des alternatives.