#3 Des métiers et compétences variés, une filière professionnelle émergente
Sommaire
Le troisième volet de l’Observatoire de l’inclusion numérique, réalisé par la MedNum porte sur les métiers et les compétences des professionnels de l’inclusion numérique.
La médiation numérique recouvre des métiers très divers, variés, à la frontière de plusieurs secteurs d’accompagnement, avec, en premier lieu, les médiateurs numériques. Il est difficile de donner avec précision le nombre d’emplois concernés par la médiation numérique.
Aux médiatrices et médiateurs numériques professionnels, il faut ajouter les Conseillers numériques France Services en poste - soit près de 4 000 aujourd’hui -, les professionnels de l’encadrement et des fonctions supports de la médiation, ainsi que tous les aidants numériques professionnels, agents publics ou salariés du privé.
L’enquête de l’Observatoire a permis d’estimer à 6648 le nombre de « personnes ayant des activités liées à l’inclusion numérique ».
Parmi elles, 3705 sont des médiateurs ou médiatrices numériques au sens strict (56%). Ce chiffre, signalent les auteurs de l’étude, est peut être surévalué « car plusieurs structures interrogées ont comptabilisé les Conseillers numériques France Services qu’elles emploient dans leurs effectifs de médiateurs et médiatrices numériques ».
Les médiateurs et médiatrices numériques
« Le métier de médiateur ou médiatrice numérique est relativement récent puisqu’il a émergé il y a environ 25 ans. Il recouvre des pratiques et des méthodes d’accompagnement diverses afin d’amener les publics vers leur autonomie numérique et d’en faire de véritables citoyens de la société numérique. »
Malgré ces définitions d’actrices et d'acteurs de terrain, « le métier de médiateur numérique n’a pas d’existence institutionnelle : n’étant pas identifié dans le Répertoire opérationnel des métiers et des emplois (ROME), il n’a pas de définition officielle et n’a pas de code ROME associé » observent les auteurs de l’enquête.
Les médiatrices et médiateurs numériques sont, en général, assez diplômés : 45 % d'entre eux ont un niveau d'étude supérieur ou égal à un bac +3 et 84 % ont un diplôme supérieur à bac +2. Seuls 16 % ont un niveau d’étude équivalent à un baccalauréat, un BEP, un CAP ou aucun diplôme.
L’enquête révèle une répartition assez équilibrée entre médiateurs et médiatrices numériques qui constituent un ensemble de professionnels relativement jeunes, d’un âge moyen de 39 ans.
Les Conseillers et Conseillères numériques France Services
Financés par le Plan de relance, le recrutement, la formation et le déploiement de 4000 Conseillers et Conseillères numériques France Services (CnFS) constituent l’un des piliers de la politique publique nationale d’inclusion numérique de la population.
L’enquête de la Mednum a permis de recueillir des informations auprès de 706 CnFS sur les 3601 en exercice en août 2022 (soit 20% d’entre eux).
Leur moyenne d’âge est de 35 ans. La proportion femmes-hommes dans les effectifs de CnFS est relativement équilibrée, à l’inverse des métiers traditionnels de la tech qui sont principalement masculins.
Le niveau de diplôme moyen des Conseillers et Conseillères numériques France Services est très légèrement plus bas que celui des médiateur.rice.s numériques “historiques” : ils sont 48 % à avoir un bac+2 à bac+4 et 23 % un niveau CAP, BEP, bac ou pas de diplôme. Ils sont néanmoins 18 % à atteindre le niveau master (bac +5), contre 13 % pour les médiateurs numériques.
Les motivations pour devenir CnFS sont variées, et vont de la question de l’emploi à celle des appétences personnelles. « La perspective d’avoir un contrat de 35 heures et une certification professionnelle reconnue par le Ministère du Travail sont également des facteurs de motivation. Ainsi, le métier de CnFS peut représenter une opportunité d’insertion professionnelle attractive ».
« Si les possibilités d’évolution après cet emploi sont encore incertaines, pour la grande majorité des acteurs interrogés, « ces CnFS sont des médiateurs numériques à part entière - seul leur titre change du fait du mode de financement des postes ».
Toutes les structures d’accueil et les CnFS interrogées dans le cadre de l’enquête ont indiqué se poser la question de la pérennisation des postes.
Les autres métiers de l'inclusion numérique
Autour de la médiation numérique gravitent de nombreux autres professionnel.le.s dont les activités touchent plus à l’ingénierie pédagogique, à la formation, aux fonctions support, ou encore à l’encadrement des professionnels ou bénévoles. D'autres qui ont des activités de médiation numérique, sans que cela soit leur cœur de métier.
Par ailleurs, beaucoup d’acteurs dont ce n’est pas l’activité principale font de la médiation numérique, en lien avec leur activité d’origine (éducation populaire, accompagnement social, formation professionnelle…).
La catégorie des « aidants numériques » recouvre ainsi une grande diversité d’acteurs. Ils peuvent être « des professionnels (médiateurs et travailleurs sociaux, animateurs jeunesse, enseignants, agents d’accueil de mairie, agents de services publics comme Pôle Emploi ou la CAF…), des bénévoles (maraudeurs) ou de simples particuliers (aidants familiaux ou amicaux) ».
« Les aidants numériques professionnels sont en première ligne face aux usagers en difficulté avec le numérique alors même que l’accompagnement des publics dans leurs usages numériques ne constitue pas toujours le cœur de métier ».
Afin de définir le périmètre d’intervention de ces aidant.e.s qui vont accompagner les usagers en difficulté numérique, la ville de Paris, par exemple, a élaboré, en 2017, une charte de l’aidant numérique, qui vise à apporter “un cadre éthique et déontologique” aux aidants numériques et à les sensibiliser sur le sujet de la protection des données personnelles des publics aidés.
Les encadrant.e.s et managers de professionnels du secteur ont également une place importante dans les structures.
Sur les 260 structures employeuses concernées par la question, 149 indiquent qu’elles embauchent des cadres, soit 57 % d’entre elles. « Ces derniers ont des attributs spécifiques à leur fonction de représentation et d’encadrants d’équipe, communs aux cadres de tous les secteurs. Lorsque les structures grossissent et que leurs actions de médiation numérique s’organisent, leur besoin de cadres dirigeants pour opérationnaliser les activités augmente. Les spécificités du secteur nécessitent qu’ils soient eux-aussi formés et outillés pour répondre aux besoins des professionnels de la médiation numérique ».
Des emplois d’avenir mais encore précaires
L’observatoire apporte aussi un éclairage sur les statuts et contrats des médiateur.rice.s numériques dans leur structure employeuse.
Les bénévoles représentent 36 % des médiateur.rice.s numériques. Cette proportion s’explique par la présence, parmi les répondant.e.s, de grosses structures associatives, fonctionnant principalement avec l’engagement de bénévoles, comme Les Petits Débrouillards (900 bénévoles) ou La Croix-Rouge française (300 bénévoles).
Les employé.e.s en CDD représentent 22 % des effectifs, les volontaires en service civique 21 %, les employé.e.s en CDI 14 %, les indépendant.e.s 6 %, les stagiaires et alternant.e.s 1 % chacun.
En soustrayant les bénévoles du calcul, afin de ne conserver que les médiateur.rice.s professionnels ou en formation, il apparaît ainsi que 34 % sont employés en CDD et que 33 % sont volontaires en Service Civique. Ainsi, « un médiateur numérique sur trois à un emploi précaire et un médiateur sur trois n’est pas un professionnel, mais un jeune de moins de 25 ans très peu rémunéré ». Enfin, moins d’un quart (21 %) des médiateurs et médiatrices numériques sont employées en CDI et ont un emploi stable.
Les salarié.e.s en CDI et CDD ont, de plus, un niveau de rémunération assez bas : 44 % ont un salaire légèrement supérieur au SMIC (entre 1 300 et 1 500 € nets mensuels), 27 % sont payé.e.s au SMIC et 12 % gagnent moins que le SMIC car ils ou elles sont à temps partiel. Seuls 17 % d’entre eux sont rémunérés plus de 1500 € par mois.
Face aux difficultés à trouver un emploi stable, à temps plein ou suffisamment rémunéré, 8 % des médiateur.rice.s numériques choisissent un statut d’indépendant, car les structures employeuses, souvent associatives, n’ont pas les moyens de les employer à temps plein.
En outre, les médiateurs et médiatrices numériques rencontrent de nombreuses difficultés de terrain liées au manque de moyens humains et financiers des structures qui les emploient.
81 % des médiateurs et médiatrices numériques déclarent avoir des besoins de formation
L’analyse des formations et diplômes en lien avec la médiation numérique et de leur adéquation aux réalités de terrain reflète clairement un manque de structuration et de reconnaissance de ces métiers.
S’il existe aujourd’hui un titre professionnel de Responsable d'espace de médiation numérique (REMN), esquissant le métier de médiateur numérique, très peu d’universités ou organismes de formation ont fait le choix de le proposer. Seules 10 sessions ont été repérées pour l’année 2020, dont 5 réalisées par l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA).
- Seuls 14 % des médiateurs et médiatrices numériques sont titulaires du titre professionnel REMN
- Moins d'un tiers (32 %) d’entre eux ont un diplôme en lien avec le secteur.
- Les 54 % restants ont obtenu un diplôme sans lien avec le secteur.
« Quels que soient le type de postes concernés, le constat est clair sur le manque de diplômes. spécifiques au secteur pour préparer au mieux l’arrivée dans les métiers d'accompagnement numérique », observent les auteurs. « La répartition des niveaux d’études montre la nécessité de renforcer l’offre de formation initiale sur des niveaux de bac +2 à bac +3 - qui semblent être aujourd’hui les plus représentés chez les conseillers, conseillères, les médiateurs et médiatrices numériques ».
Au-delà de la formation initiale, on observe également d’importants besoins sur la formation continue des professionnels en exercice.
Près de la moitié des employeurs de médiateurs et médiatrices numériques indiquent que ces derniers auraient besoin de monter en compétences sur les pratiques de l’accompagnement (diagnostic, positionnement, outils…). 42 % qu’ils et elles auraient besoin de formations sur l’adaptation aux changements (nouveaux logiciels, RGPD, RGAA…) et 32 % sur la consolidation de la maîtrise des outils de l’environnement numérique.
Les entretiens ont également révélé des besoins de formation spécialisée sur la dimension relationnelle et psychologique de l’accompagnement car les médiatrices et médiateurs ne se sentent pas suffisamment armés pour faire face à des publics souvent en grande difficulté. « Beaucoup pointent une usure liée au fait qu’ils sont les “travailleurs de première ligne", face aux difficultés dans lesquelles se retrouvent les publics en situation d’exclusion numérique ».
Parmi les cadres de l'inclusion numérique, 53 % ont au moins un Bac+5 « mais peu viennent du secteur. Il est alors possible qu’ils aient des carences sur des connaissances techniques ou sur la connaissance des métiers qu’ils encadrent ».
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