#2 Un écosystème qui se structure, des modèles économiques qui se cherchent
Sommaire
Hybridation des sources de financement
Le fait marquant est la multiplicité des sources de financement :
- 72 % des structures ont recours à des subventions publiques pour financer leurs activités.
- 47% ont recours aux ventes et prestations de service
- « Preuve de la prégnance du modèle associatif dans l’écosystème, les adhésions et cotisations représentent également une source de revenus pour 36 % des structures ».
Les auteurs de l’étude pointent « la faible part du financement par l’emprunt ou l’investissement (8 % en tout) qui s’explique probablement par le fait que la majorité des structures privées du secteur de l’inclusion numérique ont un statut associatif, mais aussi par l’insuffisance structurelle et historique du financement de l’innovation sociale en France, encore perçue comme trop risquée et pas assez rentable à court terme ».
Le mixte de financements combinant des soutiens publics d’origines diverses, des ressources en propres via des prestations de services, et des contributions citoyennes « est assez typique de l’écosystème de l’économie sociale et solidaire.
« Il est clair », ajoutent les auteurs « que cette hybridation dans les modèles économiques est impérative pour tendre vers un équilibre budgétaire sur le long terme ».
Dans cette hybridation des sources de financement, des “mixtes majoritaires” émergent, notamment entre les subventions publiques et la vente de prestations de services qui se partagent le haut de l’affiche.
L’analyse des réponses à l’enquête fait apparaître l’importance des appels à projet ou appels à manifestation d’intérêt dans les « mixtes de financement » des acteurs. Ainsi, plus d’1/3 des acteurs y ont recours et pour 1/3 d’entre eux également, ils représentent leur première ou deuxième source de financement. « Une telle proportion illustre parfaitement la fragmentation des financements et la prévalence d’une logique de soutien non pérenne, et au coup par coup. La multiplication des interlocuteurs et des dispositifs de financement, projet par projet, est une source de complexité et d’épuisement pour les acteurs de l’écosystème. Les acteurs sont bien conscients des limites de ce fonctionnement qui ne permet pas de se projeter sur le long terme ».
Les collectivités, premiers partenaires financiers
Si le plan de relance est venu renforcer des financements déjà existants au niveau national (avec notamment le déploiement du Pass numérique et la structuration des Hubs territoriaux), les collectivités territoriales figurent au premier plan des partenaires financeurs des activités et des structures d’inclusion numérique.
Ainsi, parmi les acteurs soutenus par la puissance publique, 53 % disent être financièrement soutenus par des départements, 41 % par des communes et 33 % par des EPCI, 32% par les régions.
Le recours aux fonds de l’Union Européenne est encore trop modeste pour l’instant (18 %).
Selon les auteurs de l’étude, « la forte présence du financement public devrait progressivement être rééquilibrée par la demande du privé, surtout via les besoins croissants de formation au numérique des employés et employées d’entreprise ».
Impulsées par le Compte personnel de formation (CPF) et par les certifications dédiées aux compétences numériques de base, les activités de médiation numérique pourraient se déployer en directions des salariés, avec plusieurs modes de rémunération des acteurs de la médiation : par l’entreprise employeuse, par le CPF du salarié, par l’état employeur ou encore par le CPF du fonctionnaire.
Le financement reste une préoccupation pour les acteurs du secteur
57 % des acteurs de l’écosystème pointent le manque de financement comme étant un frein à leur développement.
« Cet enjeu du financement recouvre en réalité plusieurs sujets. D'abord l’insuffisance du soutien public, la complexité et la dispersion des financements publics (multiplicité des appels à projet, des appels à manifestation d’intérêts et l’accès aux subventions). Ainsi que la difficulté à trouver du financement privé ou à convaincre les investisseurs de soutenir leur développement ».
Les collectivités, actrices à part entière de l’écosystème
Depuis vingt ans, de nombreuses collectivités ont mis en place des politiques d’inclusion numérique adaptées à leurs enjeux locaux. « L’inclusion numérique n’étant pas une compétence réservée à un échelon de collectivité, chaque échelon est supposé agir dans ce domaine et apporter sa valeur ajoutée en fonction des dynamiques locales ».
- Parmi les collectivités ayant répondu au questionnaire, les communes et intercommunalités représentent plus de 74 % des collectivités mobilisées.
- De plus en plus de départements s’engagent également sur ces thématiques d’inclusion numérique. Ils représentent 19 % des collectivités répondantes.
Les budgets moyens dédiés à l’inclusion numérique sont très variables en fonction des échelons et correspondent à leur possibilité d’engagement de crédit. Si les intercommunalités répondantes ont en moyenne des budgets de 75 000 euros par an, les départements peuvent dégager des enveloppes budgétaires plus conséquentes, se rapprochant des 280 000 euros par an en moyenne chez les répondants.
De nouveaux acteurs
Les besoins sociaux croissants et la mobilisation de fonds publics attirent, depuis quelques années, de nouveaux acteurs, qui ne faisaient jusqu’alors pas de médiation numérique, comme la Croix-Rouge, des Régies de quartier, des associations de terrain, des médiateurs numériques indépendants
L’enquête révèle que 66 % des structures dont l’inclusion numérique n’est pas l’activité principale ont commencé ces activités depuis 5 ans ou moins.
Un écosystème qui se structure
« L’écosystème a aujourd’hui besoin de mieux se structurer, afin d’assurer une meilleure coordination de ses différents acteurs et pour permettre son nécessaire passage à l’échelle ». Cette structuration se réalise autour, notamment, de La Mednum et des différents Hubs territoriaux pour un numérique inclusif.
La Mednum est née, en 2017, à l’initiative d’une quarantaine d’acteurs de l’inclusion numérique et de l’État. Elle rassemblait en septembre 2022 118 sociétaires sur tout le territoire en septembre 2022.
Notant l’absence d’échelon intermédiaire entre les acteurs nationaux et les structures locales d’inclusion numérique, la Banque des Territoires et l’Agence nationale de la cohésion des territoires ont lancé, en 2018, un premier appel à manifestation d’intérêt pour créer les premiers Hubs territoriaux pour un numérique inclusif - structures ayant vocation à être de véritables têtes de réseau locales de l’inclusion numérique.
11 Hubs sont labellisés lors de la première vague :
- Les Assembleurs en Hauts-de-France,
- Francil’IN en Île-de-France,
- Conumm en Pays-de-la-Loire,
- Le Hub-Lo en Centre-Val-de-Loire,
- Mednum BFC en Bourgogne-Franche-Comté,
- Hubik en Nouvelle-Aquitaine,
- Hinaura en Auvergne-Rhône-Alpes,
- Rhinocc en Occitanie,
- Le Hub du Sud en Provence-Alpes-Côte-d’Azur,
- UltraNumérique à La Réunion-Mayotte,
- Et le Hub Antilles-Guyane.
Une deuxième vague de l’AMI, menée en 2021, a permis de faire émerger de nouveaux Hubs et de couvrir l’ensemble du territoire :
- Le Hub de Bretagne,
- Le Hub de Normandie,
- Le Hub du Grand-Est,
- Et le Hub de Corse.
La mission principale des Hubs est de coordonner et d’animer les réseaux d’acteurs, ainsi que d’accompagner les collectivités territoriales pour élaborer des projets d’inclusion numérique (réalisation de cartographies, ingénierie de projet, levée de fonds...).
« Si le dispositif des Hubs fonctionne bien dans les territoires déjà organisés et plutôt matures dans leurs démarches d’inclusion numérique, certains rencontrent toujours des difficultés pour s’implanter et être reconnus par les acteurs locaux, rendant encore partielle la visibilité territoriale du secteur ».
Les Hubs reposent, toutefois, sur un modèle économique fragile : « En effet, au-delà des 18 mois durant lesquels ils bénéficient d’une subvention étatique, ils doivent trouver leurs propres sources de financements auprès d’acteurs publics ou privés. Cette autonomie financière semble difficile à atteindre pour ceux implantés dans des territoires peu structurés en matière d’inclusion numérique ».
Dans cette optique de mise en réseau et de coopération entre les acteurs, la mission Société Numérique de l’ANCT a récemment lancé La Base, une plateforme regroupant l’ensemble des ressources de l’inclusion et de la médiation numérique. « Son objectif est de permettre à tous les acteurs du secteur d’identifier facilement des outils et des ressources qui leur sont utiles au quotidien, en facilitant de nouvelles collaborations entre eux dans une logique croissante d’émergence de communs numériques ».
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