Après la mise en place de FranceConnect, en 2016, puis l’expérimentation d’Alicem en 2019, il est prévu de déployer une carte nationale d’identité électronique (CNIe) à partir de 2021, qui remplacera peu à peu la carte d’identité que l’on connaissait jusqu’à présent.
Une mission d’information de l’Assemblée nationale a souhaité « approfondir les avantages de ce projet pour les citoyens et les garde-fous à mettre en oeuvre le cas échéant ».
Pour établir ce rapport, la mission d’information sur l’identité numérique a auditionné de nombreux experts mais elle a également fait appel aux citoyens en lançant une consultation en ligne. Les rapporteurs ont reçu environ 500 contributions.
La mission d’information s’est concentrée sur « les conditions de succès du déploiement rapide de l’identité numérique en France ». Trois éléments importants ressortent des échanges conduits avec différents acteurs : « la capacité de faire connaître l’identité numérique, l’explication pédagogique de son fonctionnement et des protections offertes à l’utilisateur, et enfin la nécessaire mobilisation des collectivités locales, partenaires de terrain dans la délivrance puis l’utilisation de l’identité numérique ».
Ce rapport de la mission d’information présente 43 recommandations visant à permettre le déploiement rapide d’une identité numérique régalienne en France.Ces recommandations sont organisées autour de six axes.
- Déployer rapidement et massivement une solution d’identité numérique régalienne s’appuyant sur FranceConnect
- Mobiliser les acteurs économiques pour garantir le succès de l’identité numérique
- Créer les conditions de la confiance
- Donner une vraie place aux collectivités locales pour inscrire l’identité numérique au sein des territoires
- Mettre la formation et l’inclusion au cœur de l’identité numérique
Référence :
Le risque d’exclusion d’une partie de la population
« Les solutions d’identité numérique, si elles sont pratiques et faciles d’accès, peuvent contribuer à faciliter l’accès aux droits des citoyens, et donc être un véritable facteur d’inclusion sociale », observent les auteurs du rapport, qui pointent toutefois les « risques d’exclusion d’une partie significative de la population, encore coupée du numérique ». La mission d’information attire l’attention sur les difficultés que soulève plus spécifiquement Alicem, une solution d’identité numérique qui requiert la possession d’un smartphone et qui met en œuvre des techniques de reconnaissance faciale.« Le coût d’acquisition d’un smartphone, mais aussi celui d’un forfait téléphonique et de l’électricité nécessaire à son fonctionnement peuvent constituer un frein à l’utilisation du dispositif en l’état …Une autre difficulté spécifique a trait à la nécessité de détenir un passeport biométrique afin d’utiliser Alicem. À la différence de la carte nationale d’identité, ce titre d’identité est payant et son coût est assez élevé, ce qui explique le fait qu’une partie de la population n’en soit pas dotée ».La mission d’information pointe des interrogations « portant sur l’accompagnement des personnes les plus éloignées du numérique se sont également posées, les associations redoutant que ces publics ne bénéficient pas de telles solutions et soient, in fine, victimes de la dématérialisation des services publics », qui rappelle que « le recours à cette solution n’est donc nullement obligatoire ».
Faire de l’identité numérique de demain un facteur d’inclusion
Des solutions qui doivent être accessibles : « Pour permettre à l’identité numérique de devenir un facteur d’e-inclusion, il convient de s’assurer que les solutions développées demeurent compréhensibles du plus grand nombre (…) L’utilisation de termes tels que « login » ou « identifiant » peut sembler anodine, mais elle dissuade certains utilisateurs peu familiers avec le champ lexical de la navigation en ligne (…) Ces solutions doivent également être accessibles aux personnes en situation de handicap ».Permettre aux utilisateurs de mieux visualiser le cheminement de leurs données personnelles. La mission d’information souligne, à cet égard, l’intérêt du projet de « dossier numérique citoyen » porté par la direction interministérielle du numérique (DINUM). « Il pourrait permettre à ses utilisateurs de « consulter la liste des informations dont les administrations disposent sur les citoyens ; suivre les échanges de données que les administrations effectuent entre elles pour faciliter les démarches ; développer une fonction de notifications permettant d’informer les citoyens de l’avancement du traitement de leurs dossiers ».
La mission d’information préconise, à ce propos, « le développement et la mise en service rapide de cette initiative, qui s’inscrit résolument dans un mouvement de prise de contrôle par les citoyens de leurs données personnelles, et contribue à ce titre à la création d’un écosystème sain et responsabilisant de gestion de ces données. La mission d’information estime également nécessaire d’aller plus loin en permettant aux utilisateurs, quelle que soit la solution qu’ils utilisent, de savoir quel fournisseur d’identité utilise leurs données et les conditions de partage de ces données à des tiers ».
Mettre la formation et l’inclusion au cœur de l’identité numérique
Ces constats et analyses conduisent la mission d’information à formuler 11 recommandations (sur 43) pour « faire de l’identité numérique de demain un facteur d’inclusion ». .- Déployer des formateurs sur l’ensemble du territoire, notamment dans les lieux de délivrance de l’identité numérique.
- Poursuivre les efforts en matière d’éducation au numérique dans les établissements scolaires, y compris dans les programmes d’enseignement moral et civique, y en mentionnant spécifiquement les enjeux de protection des données personnelles et d’usurpation d’identité soulevés par l’identité numérique.
- Renforcer la formation continue aux outils numériques, en y intégrant les questions relatives à l’identité numérique et mettre en place un volet numérique dans tous les parcours d’insertion professionnelle et dans les bilans professionnels.
- Assurer la formation du corps associatif et des aidants numériques afin de garantir aux publics fragiles un accompagnement au numérique de qualité. Recommandation n° 35 : Étendre le recours au Pass Numérique.
- Élever le niveau de l’ensemble des personnels de la fonction publique sur les sujets numériques par un vaste plan de formation.
- Valoriser les retours d’expérience issus des expérimentations d’AidantsConnect et déployer ce service avant la fin de l’année 2020 sur l’ensemble du territoire national.
- Garantir pour la personne aidée la transparence des décisions prises en son nom par l’aidant. Accroître les financements aux associations qui assurent l’accompagnement numérique des publics fragiles.
- Proposer la délivrance d’une identité numérique à tous les moments clé de la vie du citoyen, y compris à l’occasion du service national universel.
- Lancer une réflexion interministérielle sur les mineurs et l’identité numérique.
- Développer des solutions d’identité numérique inclusives qui prennent en compte les besoins et les fragilités des publics les plus éloignés du numérique.
- Maintenir des alternatives physiques à la dématérialisation des services publics.
Dans un rapport rendu public en juin 2020, le Conseil national du numérique (Cnnum) plaidait pour « un service public de l’identité numérique inclusif et accessible à tous les publics », conçu « comme un service public à part entière, et non plus seulement comme une passerelle d’accès aux services publics numériques ».