À la une
Bilan et impact du dispositif Conseiller numérique
Deux programmes nationaux de rechercheVéritable pilier de la politique nationale d’inclusion numérique, le dispositif Conseiller numérique (initialement intitulé Conseiller numérique France Services) a fait l’objet d’évaluations in itinere et ex post issues de deux programmes nationaux de recherche permettant de documenter son déploiement et d’évaluer son impact auprès de la population française. Ces recherches complètent les données d’activité des conseillers numériques en poste.1) Un programme de recherche portant sur le déploiement du dispositifPourquoi un programme de recherche ?Au-delà de combler un déficit constaté de professionnels de l’accompagnement au numérique, le dispositif Conseiller numérique porte une hypothèse d’action forte :Son déploiement sur les territoires va permettre de lancer, d’initier, ou de consolider des dynamiques ou des stratégies locales d’inclusion numérique, visant la réduction des inégalités numériques et la montée en compétences numériques des Français.Cette hypothèse suppose de considérer le dispositif non pas comme une fin – le déploiement de 4 000 conseillers numériques sur le territoire national – mais comme le moyen d’une action de l’Etat visant la réduction des inégalités numériques et la montée en compétences des Français, par les territoires, sur les territoires. Dans cette perspective, le déploiement des conseillers numériques constitue un levier à disposition des acteurs territoriaux, pour engager et mener à bien une stratégie d’inclusion numérique au niveau local ; celle-ci étant entendue, de manière large, comme visant à équiper les Français pour le numérique du quotidien, les accompagner aux démarches administratives et les engager dans un processus de montée en compétences numériques.ObjectifsL’objectif général de ce programme de recherche était de décrire la manière dont les territoires s’emparent du dispositif Conseiller numérique pour développer des stratégies/politiques locales d’inclusion numérique.Il s'est développé et appuyé sur deux types de méthodologie :Une enquête quantitative par questionnaire à l’adresse des conseillers numériques d’une part, des responsables de structures employeuses d’autre part. L’objectif est de recueillir le point de vue (informations, perceptions, représentations) sur le dispositif des principaux acteurs du dispositif.Une enquête qualitative, par entretiens et observations, sur 5 territoires. L’objectif est de pouvoir répondre à la question dans sa dimension locale et territoriale, en adoptant une approche qualitative compréhensive (documentation du dispositif, entretiens semi directifs, suivi d’instances ad hoc etc.) permettant de saisir les logiques d’acteurs au niveau local.Cette recherche possédait une dimension longitudinale, afin de pouvoir suivre et observer le déploiement du dispositif dans le temps. Le présent article rend compte de la phase finale dudit programme de recherche. Les résultats intermédiaires sont disponibles ici.Équipe de rechercheCe programme national de recherche était financé par le programme Société Numérique de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Il est réalisé par le centre de recherche d'Askoria, et placé sous la direction scientifique de Pierre Mazet[1] (équipe : Florian Pedrot[2], Jordy Stefan[3], Alice Valiergue[4]). Il s’inscrit par ailleurs dans le cadre du programme de recherche-action Labaccès. Le volet "Recherche" du Labaccès étant lui-même le fruit d’un partenariat entre le Ti Lab (laboratoire régional d’innovation publique breton) et le centre de recherche d'Askoria.[1] Chercheur en sciences social, associé au LabAcces / [2] Docteur en sociologie, membre du programme LabAcces et chercheur associé au Labers (Lorient/Brest) / [3] Psychologue, docteur en psychologie sociale, chargé de recherche au centre de recherche d’Askoria / [4] Post-doctorante à la Chaire santé de Sciences Po, Chercheure associée au Centre de Sociologie des Organisations (Sciences Po/CNRS).2) Un programme de recherche portant sur l'impact du dispositifPourquoi un programme de recherche ?Les données nationales sur les usages numériques des Français mettent en avant l’existence d’inégalités fortes entre les citoyens dans leur rapport au numérique. De nombreux travaux, et notamment le travail mené récemment pour l’ANCT par le Centre de recherche sur l’éducation, les apprentissages et la didactique (CREAD), le Centre de Recherche pour l’Étude et l’Observation des Conditions de Vie (CREDOC) et le GIS M@rsouin, mettent en avant les dynamiques et contextes qui caractérisent les situations d’éloignement du numérique.Afin de lutter contre l’éloignement du numérique, différents dispositifs existent, et notamment les actions de « médiation numérique ». Le dispositif Conseiller numérique visait justement le recrutement et la formation de 4 000 médiateurs numériques (en l’occurrence, des conseillers numériques), répartis sur le territoire national, chargés de proposer des ateliers d’initiation et de formation au numérique aux Français éloignés du numérique.A ce jour, nous disposons de peu de données ou d’étude nationale sur les effets de la médiation sur la réduction des inégalités numériques, et sur la montée en compétence de ses publics. C’est la raison pour laquelle ce programme de recherche vise à explorer l’effet de la médiation numérique sur les publics qui en bénéficient, en s’appuyant sur le dispositif Conseiller numérique, qui regroupe un ensemble de professionnels au sein d’un réseau structuré et animé par l’ANCT. Toutefois, il est important de souligner la diversité et la richesse du champ de la médiation numérique, qui ne saurait se résumer à ces professionnels et aux publics présentés dans cette étude.Cette étude repose sur une enquête quantitative par questionnaire disponible dans la Base ANCT.ObjectifsDans la continuité des travaux menés sur l’éloignement du numérique, cette recherche a pour enjeu de proposer une approche renouvelée de l’impact de la médiation numérique sur les publics, en adoptant un ensemble de variables subjectives permettant de replacer le numérique dans ses contextes d’usage (car le numérique n’est jamais sans objet) et de saisir ce que la médiation change dans le rapport des publics au numérique.L’objectif général de cette recherche est de décrire les profils des publics qui viennent à la rencontre des médiateurs numériques, en l’occurrence des conseillers numériques, la nature de l’accompagnement dont ils ont bénéficié, mais aussi ce que l’accompagnement a changé dans leur rapport au numérique.Plusieurs éléments sont étudiés :Les profils des publics des conseillers numériques, du point de vue de leurs caractéristiques sociodémographiques mais aussi de leurs usages du numérique ;Les mécanismes et les contextes de recours des publics à l’accompagnement d’un conseiller numérique ;Les éléments généraux sur le rapport des publics aux accompagnements et sur les sujets abordés au sein des accompagnements ;Le changement du rapport au numérique généré par les accompagnements, en étudiant le sentiment de compétence des usagers.Équipe de rechercheCe programme national de recherche était financé par le programme Société Numérique de l'ANCT et a été réalisé par Asdo études dont l'équipe de recherche était composée de Loïcka Forzy, Marie Dubus, Julien Gaffiot et Mathilde Caro.
Rapports et infographie
Les principaux résultatsLe présent article s'inscrit dans le cadre des publications du Laboratoire Société Numérique et comporte, à ce titre, des choix éditoriaux reflétant le positionnement de ce site d'information.Des accompagnements au numérique partout, pour tousEn moins de trois ans, les conseillers numériques ont réalisé plus de 4 millions d’accompagnements partout en France (territoires d’Outre-mer compris). Aussi bien pratiqués en individuel qu’en ateliers collectifs, ces accompagnements bénéficient majoritairement aux individus les plus vulnérables (peu ou pas diplômés, retraités, employés ou demandeurs d’emploi), résidant principalement dans des zones périurbaines ou rurales. S’ils ne sont pas moins équipés en termes d’outils numériques que la moyenne des Français, les bénéficiaires des conseillers numériques se décrivent pour autant comme étant très peu à l’aise avec le numérique. Si l’on regarde les motifs d’accompagnements, on constate que les conseillers numériques accompagnement en premier lieu leurs bénéficiaires à l’utilisation quotidienne des outils numériques (prendre en main un équipement, naviguer sur internet, communiquer avec ses proches), mais ils incarnent aussi un tiers de confiance auprès duquel les personnes accompagnées cherchent à être rassuré vis-à-vis du numérique (second motif de recours). Par ailleurs, avec près de 73% des conseillers numériques qui interviennent sur plusieurs sites, ce dispositif tendrait à être au plus proches des personnes éloignées du numériques dans une logique « d’aller vers ».Des conseillers numériques qui répondent aux attentes de leurs publicsPrès de 99% des bénéficiaires interrogés estiment que l’aide des conseillers numériques a répondu à leurs attentes. Concrètement, ils sont 93% à réussir aujourd’hui des tâches avec le numérique qu’ils n’arrivaient pas à faire avant l’accompagnement et 97% à avoir le sentiment d’avoir progressé. En outre, suite aux accompagnements, ils sont 60% à être plus à l’aise et moins stressé à l’idée de manipuler des outils numériques, il s’agit donc d’un dispositif contribuant à lever les freins psycho-sociaux à l’usage du numérique. D’ailleurs, à l’issue des accompagnements, le numérique est moins perçu comme un danger, et un risque, mais davantage comme une opportunité par les bénéficiaires.La création d’une communauté de professionnels qualifiésLe dispositif Conseiller numérique repose sur la mobilisation de 4 000 professionnels de la médiation numérique, recrutés et formés dans le cadre du dispositif. Il s’agit d’une communauté assez jeune, en moyenne 37 ans, de niveaux d’étude très variés (bac ou inférieur, Bac + 2 et Bac +3 et supérieur à parts égales), tout en étant paritaire (49% de femmes).Il convient de noter qu’il s’agit d’un dispositif créateur d’emploi puisque 83% des postes de conseiller numérique sont des créations de poste. D'ailleurs, 70% des structures employeuses interrogées indiquent qu'elles n'auraient pas recruté de médiateur numérique sans le dispositif. En outre, avec près de la moitié des conseillers numériques (48%) en recherche d’emploi lors de leur recrutement, le dispositif apparaît comme un levier d’insertion par l’emploi.Des structures employeuses investissant le champ de l'inclusion numériqueLes 4 000 conseillers numériques ont été recrutés par près de 2 900 structures employeuses, autant dans le secteur public (collectivités territoriales) que privé (associations et entreprises de l’économie sociale et solidaire). Les structures publiques étaient principalement des communes (40%) et des communautés de communes (28%). Les structures privées, quant à elles, intervenaient principalement dans les champs de l'éducation populaire (30%) et de l'accompagnement social (29%).Pour beaucoup de structures employeuses, le dispositif Conseiller numérique a été une opportunité d'investir le champ de l'inclusion numérique (surtout pour les structures publiques) ou de consolider leur investissement antérieur (surtout pour les structure privées). A ce titre, 60% des structures interrogées n'employaient pas de médiateur numérique avant la mise en place du dispositif et 70% déclarent qu'elles n’auraient pas engagé de médiateur.ice.s numériques sans le dispositif.Dans cette lignée, les structures employeuses interrogées sont d'accord pour dire que le dispositif a permis de répondre aux besoins de leur territoire en matière d’inclusion numérique ou à prendre conscience des besoins du territoire/des publics en matière d’inclusion numérique. D'ailleurs, les structures évoquent un haut degré de satisfaction de leur(s) conseiller(s) numérique(s) sur le terrain. De manière intéressante, selon elles, le dispositif est venu combler un manque, en particulier sur le besoin d'avoir des interlocuteur.ice.s physiques pour se repérer dans les questions numériques.Même si plus de 70% des structures employeuses ont complètement renouvelé leur(s) poste(s) de conseiller numérique, les structures interrogées indiquent qu'une visibilité à long terme des postes aurait pu être davantage présente au sein du dispositif.Un dispositif porteur de dynamiques territoriales d’inclusion numériqueLe dispositif Conseiller numérique a fait l’objet d’un appel à manifestation d’intérêts (AMI) auprès des collectivités, associations et entreprises de l’économie sociale et solidaire. Dans cadre, les observations réalisées sous forme de monographies de territoires montrent "l’émergence de coordinateurs territoriaux", à l’échelle départementale, pour répondre à l’AMI. L’endossement de ce rôle de chef de file dépendait principalement de l’implication historique des acteurs locaux sur le sujet de l’inclusion numérique et pouvait donc aussi bien être incarné par le Conseil départemental, la Préfecture département ou encore, le cas échéant, la Métropole. En tout état de cause, en faisant émerger ces coordinations territoriales, le dispositif Conseiller numérique semble avoir contribué à lancer ou à renforcer le sujet de l'inclusion numérique au niveau local.En outre, l'enquête met en lumière le fait que "l’un des aspects remarquables de l’émergence de coordinateurs territoriaux est qu’elle génère de multiples séquences d’intéressement des acteurs locaux, en particulier sur et à partir de la question de la répartition des conseillers numériques : identification et mobilisation des acteurs, réunions, mise en discussion de la pertinence de la répartition, questionnements sur les besoins des territoires, utilisation d’outils pour objectiver les données locales, rédaction de fiches projets, formalisation des objectifs, etc". La génération de ces séquences d’intéressements sur les territoires s'est déclinée « en cascade ». En effet, par incidence, on constate ces mêmes logiques de concertation au niveau des communautés de communes, voire au sein même des communes (implication des médiathèques, centres sociaux, etc). D'ailleurs, les structures employeuses interrogées sont d'accord pour dire que le dispositif a permis de faire du lien entre acteurs sur les questions d’inclusion numérique à l’échelle locale.Ces dynamiques territoriales sur le sujet de l’inclusion numérique, liées au déploiement du dispositif Conseiller numérique, sont fragiles. En effet, certains coordinateurs territoriaux sont sortis du dispositif, notamment pour des raisons "budgétaires et politiques", entraînant parfois avec eux "la disparition de la fonction de coordination".Dans une perspective de territorialisation de la politique publique d'inclusion numérique, dans le cadre de la feuille de route France Numérique Ensemble, ces dynamiques territoriales pourraient être consolidées auprès des gouvernances locales de l’inclusion numérique.
Récents
[Dossier] Les bibliothèques, en première ligne de la médiation numérique
Inclusion, Citoyenneté
Bilan et impact du dispositif Conseiller numérique
Inclusion, Grandes enquêtes
Baromètre du numérique 2023 : les principaux résultats
Donnée, Grandes enquêtes
Explorer par thématique
Voir tous les contenusLes articles
Voir tous les articlesInégalités éducatives : quel rôle du numérique dans la fabrication des inégalités de réussite et comment les réduire ?
La question des inégalités numériques éducatives est au cœur du dernier numéro de la Revue en Education (REE). Les articles qui le composent articulent, dans des approches complémentaires, l’expérience des enseignant.e.s et celle des élèves et de leurs parents. Les auteurs et autrices s’appuient en particulier sur les travaux du programme de recherche e-FRAN IDÉE (Interactions digitales pour l'éducation et l'enseignement) qui pense la transformation des usages numériques éducatifs, notamment scolaires, dans une perspective de réduction des inégalités.Agnès Grimault-Leprince (1), Sophie Joffredo-Le Brun (2) et Pascal Plantard (3), coordonnateur.ice.s de ce dossier de la REE, s’attachent, dans l’introduction, à repérer « des axes de développement de pratiques numériques pédagogiques et de formation pouvant contribuer à la réduction des inégalités éducatives ».Aussi ce dossier explore-t-il trois notions « centrales pour la compréhension des enjeux socionumériques en éducation » : l’appropriation des technologies, la coopération et l’autonomisation :S’agissant des conditions d’appropriation des ressources numériques par les enseignant.e.s, « les différences d’appropriation ne peuvent se comprendre qu’en croisant différentes échelles d’observation : celle des individus, avec l’importance du « capital culturel numérique » ; celle de l’environnement professionnel, plus ou moins agissant ; et enfin celle du territoire et de sa dynamique politique ».La notion de coopération est également centrale pour appréhender les usages des technologies en éducation. « Le choix a été fait dans ce dossier de s’attacher particulièrement aux conditions du « travailler ensemble », que sont l’engagement à un objectif commun, une attention particulière aux compétences de communication, un maintien de l’horizontalité à travers des interactions, une compréhension de son potentiel et des pièges du fonctionnement commun, une utilisation délibérée des connaissances et des compétences appropriées ».Le choix de travailler la question de l’autonomisation tient à la place de cette notion dans les discours sur l’école, et particulièrement au débat concernant la participation des dispositifs numériques à la construction de l’autonomie des élèves. « La multiplication des ressources disponibles en ligne (textes, vidéos de cours, logiciels) est à l’origine de croyances autour des apprentissages scolaires qu’elles pourraient favoriser, en dehors de l’intervention des enseignants ». Les ressources et les moyens numériques nécessitent, toutefois, pour les exploiter des compétences et des formes d’autonomie spécifiques, dont le développement n’est pas spontané. « Ce sont alors les dispositions construites hors de l’école, principalement au sein de la famille, qui permettent aux élèves de réaliser les apprentissages attendus ». Au final, « les usages scolaires des TICE, centrés sur des pratiques d’autoformation (autocorrection, autodirection, autorégulation et autocontrôle), favorisent l’accroissement des inégalités sociales de réussite ».Les articles rassemblés dans ce numéro articulent des approches pluridisciplinaires des usages numériques liés aux apprentissages scolaires (cf. sommaire ci-dessous).(1) Centre de recherches sur l'éducation, les apprentissages et la didactique- CREAD, Université Rennes-2.(2) Laboratoire interdisciplinaire de recherche sur les questions vives en formation et en éducation-LIRFE, Université Catholique de l’Ouest.(3) CREAD-Gis Marsouin, Université Rennes-2.
SommaireAgnès Grimault-Leprince, Sophie Joffredo-Le Brun et Pascal Plantard : ÉditoDidier Perret et Pascal Plantard : Capital culturel numérique des enseignants et territoires apprenants. Analyses des ressources et des parcours d’appropriation du numérique par les enseignants dans des tiers lieux coopératifsIsabelle Danic, Thierry Lefort et Laurent Mell : Aux sources des inégalités face au numérique, le rapport des enseignants du secondaire aux technologies numériques : retrait, appropriation ou partage ?Simon Collin : La place de la conception des technologies éducatives dans les inégalités socionumériques d’usageAgnès Grimault-Leprince, Lila Le Trividic Harrache et Laurent Mell : Usages numériques domestiques et réussite scolaire. Le rôle de la socialisation familialeSuzane El Hage, Jean-Marie Boilevin, Ghislaine Gueudet et Marie-Pierre Lebaud : Soutenir le choix de ressources pour des usages du numérique favorisant l’autonomie des élèves : mise en regard d’une grille d’analyse dans deux disciplinesAndrea Tucker, Cédric Fluckiger et Thierry Gidel : Apprendre à travailler ensemble : influences de l’espace de travail numérique sur l’engagement dans la collaborationGhislaine Gueudet, Sophie Joffredo-Le Brun, Antoine Le Bouil, Carole Le Hénaff, Gwenaëlle Riou-Azou et Sabrina Srey : Numérique et autonomisation des élèves : quelle formation initiale des enseignants ?Ana Isabel Sacristán, Marisol Santacruz Rodríguez, Maria de Lourdes Miranda Quintero, Homero Enríquez Ramírez et Sandra Evely Parada Rico : Inégalités d'accès, de formation et d'utilisation des technologies numériques pour les mathématiques à l'école dans deux pays d'Amérique latine : la Colombie et le Mexique
Décarbonation du numérique : de nouveaux métiers mais avec quelle offre de formation ?
L’Observatoire des métiers du numérique, de l’ingénierie, du conseil et de l’évènement (OPIIEC) a entrepris d’identifier les besoins en compétences, emploi et formation des entreprises de la filière numérique face aux obligations de réduction de leur empreinte environnementale.Les entreprises du secteur du numérique et des bureaux d’études regardent les ambitions et l’obligation de diminution de l’empreinte environnementale, « comme une simple évolution technologique s’ajoutant à celles qu’elles ont déjà surmontées… Le secteur est par ailleurs rompu aux innovations permanentes et se considère donc parfaitement capable d’intégrer ce nouveau paradigme ».« Le critère environnemental monte déjà en puissance dans les recrutements, tant côté employeur que candidat, notamment auprès des jeunes diplômés », constate l’OPIEEC. « L’offre de formation manque à ce jour de maturité et de lisibilité : elle n’est pas encore armée pour répondre aux enjeux de demain, en dépit d’un vrai foisonnement de solutions offertes aux entreprises ».De nouveaux métiers ...« Si les métiers de base ne sont pas révolutionnés par la transition écologique, de nouvelles expertises semblent se développer en réponse aux enjeux de sobriété numérique ».Quelques métiers « nouveaux » émergent ainsi au sein des organisations de plus grandes tailles.Responsable Numérique Responsable : il/elle apporte de l’expertise et fait l’interface entre la DSI, la RSE et la DG. Il/elle créé de la valeur au travers de la démarche de conception responsable des produits et services numériques.Directeur.ice du développement durable : il/elle supervise les impacts, activités et aspirations d’une organisation en matière de développement durable. « Le métier s’impose aux entreprises pour piloter les stratégies liées au développement durable et aux enjeux de sobriété de manière générale. Ces acteurs supervisent des chefs de projets chefs de services responsables et travaillent à temps plein sur ces thématiques ».Auditeur.ice carbone : il/elle effectue des « photographies exhaustives » de l’ensemble des émissions de GES d’une organisation, d’un évènement ou d’un projet en particulier. Il/Elle facilite la prise de décision en termes d’actions à mener pour réduire l’impact carbone.Formateur.ice Numérique Responsable : il/elle apporte de l’expertise et épaule les responsables Green IT. Il/Elle est chargé.e de sensibiliser et de former les équipes internes.« Ces nouveaux métiers sont plutôt réservés aux entreprises de taille importante », souligne l’OPIEEC. « Dans les entreprises de plus petite taille, ces fonctions sont souvent intégrées au sein de la direction générale, voire la direction technique ».... et des compétences nouvelles pour les métiers de baseSi la cartographie des métiers n’est que très peu impactée, « tous les métiers devront impérativement se plier aux exigences de réduction de l’impact du numérique : directions, fonctions commerciale et marketing, directions techniques / produits, mais également tout type d’autres fonctions support ».L’étude recense une série de compétences clés en lien direct avec la diminution de l’empreinte environnementale du numérique.S’agissant des matériels, il s’agit de savoir utiliser les périphériques d’entrée (souris, trackpad, tablette, micro, câble Ethernet…), de maitriser les périphériques de traitement (processeur, microprocesseur, CPU, carte mère …), les périphériques de stockage, de comprendre les périphériques de sortie (écrans, dispositifs de sortie réseaux ou encore les différents ports …), de comprendre l’alimentation des appareils, de maîtriser les interactions homme-machine.S’agissant des logiciels, il importe de maîtriser l’écoconception logicielle via différents outils, l’interface utilisateur (UX Design), l’automatisation et l’environnement d’intégration continue.S’agissant enfin du réseau et de l’informatique en nuage, il s’agit de maîtriser l’architecture sous toutes ses formes (fonctionnel, solution, applicatif, de données, logiciel, intégration, technique), de maîtriser les architectures d’informatique en nuage (privées, hybrides, publiques) et la virtualisation.Une offre de formation insuffisante en nombre, peu lisible et selon une majorité d’acteurs mal adaptée« La formation initiale reste (pour le moment) assez pauvre sur le sujet : quelques écoles d’ingénieurs et universités offrent des modules liés au sujet » comme par exemple l’ESAIP d’Angers et l’Université de La Rochelle. « Mais le sujet n’est malheureusement qu’effleuré dans la majorité des formations ».Cette offre de formation initiale trop sommaire ne couvre pas tout le spectre de la thématique.L’OPIEEC pointe, notamment :« L’absence d’un cursus de formation totalement dédié à la thématique »« Des formations effleurant le sujet de l’éco-conception (Analyse du cycle de vie-ACV) et n’entrant pas en profondeur dans l’optimisation numérique »« Des écoles de commerce et d’ingénieurs insuffisamment impliquées »« Des étudiants parfois contraints de s’autoformer de leur propre initiative pour acquérir un socle de connaissances ».S’agissant de la formation continue, l’OPIEEC constate « un foisonnement d’offres », et même « un effet Far West », tant il est « difficile de s’y retrouver ». Cela tient à la multiplicité des acteurs qui se positionnent pour des formations sur ce thème : entreprises de services numériques (ESN), cabinets de conseil, organismes de formation, associations. Avec des modules de formation complémentaires qui restent, souvent, « trop génériques ».Un plan d'action ?L’étude de l’OPIIEC propose, en conclusion, un plan d’action :Définir et clarifier la notion d’empreinte environnementale du numérique ;Sensibiliser l’ensemble des acteurs de l’écosystème ;Densifier et fiabiliser l’offre de formation technique ;Adapter la cartographie des métiers.
Le Commons Model Canvas : un nouvel outil dédié à la dimension économique des communs numériques
Depuis la première édition de Numérique en Commun[s] (NEC) en 2018, le Programme Société Numérique – et notamment le Laboratoire Société numérique – et inno³ collaborent à la production de ressources et d’outils dédiés à l’appropriation des communs dans une approche ouverte et collaborative :Le « Tutoriel aux communs numériques », initié lors de NEC 2018 et complété pour NEC 2019 ;La fiche-outil « Le Commun numérique et sa ressource », fruit d’une collaboration entre Praticable, le programme Société Numérique, Fréquence École et inno³ menée lors de NEC 2020 ;Le « Panorama des communs numériques », initié en support aux ateliers de NEC 2021 ;Le « Canevas pour la gouvernance des communs numériques », réalisé dans le cadre de NEC 2022 ;et le tout dernier, un Canevas dédié à la dimension économique des communs détaillé ci-après, réalisé en appui de NEC 2023.
Qu’est-ce que le Commons Model Canvas ?Le Commons Model Canvas est à la fois une méthode et un guide destinés aux porteurs de projet de communs numériques afin de les outiller dans les réflexions spécifiques aux communs : définition de la gouvernance, traitement des enjeux économiques, organisation du cadre de collaboration, etc.Au cours des travaux menés relativement aux structures juridiques pertinentes pour structurer les communs numériques, la question des modèles économiques de ces communs revenait régulièrement comme principale préoccupation des porteurs de projets. Le Commons Model Canvas complète ainsi le Canevas pour la gouvernance des communs numériques, publié en 2022, en matérialisant les concepts attachés à la dimension des communs numériques. Son objectif est de permettre la définition d’un modèle économique pour le commun et d’un modèle d’affaire attenant pour les parties-prenantes à son maintien et développement.
En effet, la problématique du modèle économique des communs, et des modèles d’affaires envisageables pour les parties-prenantes, se pose parmi les commoners depuis des années. Particulièrement, inno³ a pu accompagner plusieurs projets dans la définition de leur modèle économique, que ce soit directement à la demande de ces projets, ou pour le compte d’acteurs institutionnels désireux d’apporter un soutien à des projets particuliers (Appel à communs de l'Ademe, Appel à Manifestation d’Intérêt « Outiller les acteurs de l'inclusion numérique » de l'ANCT, ou encore projet Géoplateforme de l'IGN). De nombreux projets ont ainsi alimenté notre expérience : iTowns, La Rochelle Territoire Zéro Carbone, LaCollecte.tech, Soliguide, XSalto (désormais Alpilink), etc.
Comment se compose le Commons Model Canvas ?Utilisable en version papier ou numérique, il se décline en un ensemble de ressources autonomes susceptibles d’être réunies pour animer diverses situations telles que des réflexions isolées ou encore des ateliers en équipe.Cet outil, initié lors de NEC 2022 avec le canevas pour la gouvernance des communs, permet aux projets de communs numériques de mieux comprendre et d’article la complexité des enjeux économiques des projets communautaire en lien avec leurs modèles d’affaires et les parties prenantes y participant.Afin d’animer les ateliers, nous avons réalisé un « kit » qui se compose de :Un guide d’utilisation qui contient un ensemble de ressources, de conseils et des exemples. Certaines ressources permettant d’aller plus loin sur les questions soulevées pour faciliter une mise en action.Une série de 3 fiches permettant de s’approprier et de matérialiser l’ensemble des enjeux (économiques et de gouvernance, indiqués par des pictogrammes) sous-jacents aux communs numériques. Ces fiches sont recto verso afin de mettre en miroir les enjeux portés par chaque partie prenante (recto) et ceux de la communauté (verso).Fiche 1 – « Présentation et Mission » (verte) : fait l’état des lieux de chaque partie prenante.Fiche 2 – « Convergence des actions » (bleue) : décrit l’apport de chaque partie prenante, les ressources qu’elle mobilise ainsi que les règles de gouvernance établie dans la communauté.Fiche 3 – « Projection sur un modèle commun » (rouge) : permet de faire un exercice de prise de recul et de projection vers des temporalités déterminées à l’avance (à 6 mois, 2 ans ou 5 ans) en articulant des scénarios sur un plan d’action à plusieurs dimensions.Un ensemble de deux canevas pouvant être complétés indépendamment l’un de l’autre et en fonction des besoins de l’atelier :Un « « canevas pour la gouvernance de communs numériques » » permettant de synthétiser les règles de gouvernance, la structure et la représentation de la communauté du projet, articulé par des actions et indicateurs.Un « « canevas des enjeux économiques de communs numériques » » permettant de synthétiser les modèles d’affaires de chaque partie prenante d’un commun numérique afin de mettre à plat ce que chacun met et ce que chacun reçoit.D’autres canevas pourront venir compléter le Commons Model Canvas dans le futur, en fonction des besoins des porteurs de projets.Ce kit s’est construit en s’appuyant sur l’ensemble des expertises du cabinet inno³ (juridiques, design), sur un travail de bibliographie de la littérature grise ainsi que sur l’organisation d’échanges au travers de focus group. Notre approche s’est aussi appuyée sur une démarche de design plus globale à inno³ au travers d’une approche de game design.
Vous pouvez accéder à l’ensemble des ressources suivantes :Le canevas « Gouvernance des communs numériques » et le canevas « Canevas des enjeux économiques des communs numériques » composant le Commons Model Canvas,Les fiches qui accompagneront dans la complétion du canevas,La documentation sous forme de livret pour vous accompagner dans l’animation de l’atelier,Un canevas et des fiches au format ODP afin de faciliter la complétion dans le cadre d’un atelier en ligne,Les fichiers sources de l’ensemble des contenus au format SVG.
Comment animer un atelier avec le Commons Model Canvas ?Ce kit est initialement conçu pour être utilisé dans un format d’atelier en présentiel, avec une pluralité de profils gravitant sur un projet identifié de communs numériques, et une version imprimée du livret. Cependant, nous mettons à disposition une documentation permettant de la réaliser en distanciel dans un format ODP.Lors de l’animation d’un atelier, il est conseillé d’utiliser le plan d’animation suivant :Étape 1 – Immersion : Cette étape permet de présenter les différents projets de communs numériques, former les groupes.Étape 2 – Exploration : Cette étape permet de remplir l’ensemble des fiches recto verso proposées dans le kit.Chaque fiche à une couleur spécifique permettant de facilement la reconnaître.Elles contiennent des questions avec des zones d’annotation à compléter au fur et à mesure des échanges (il est conseillé de compléter les fiches dans l’ordre).Les fiches peuvent être complétées individuellement ou collectivement suivant les besoins de chacun et chacune autour de la table lors de l’atelier. La partie verso des fiches, concernant la communauté, peut être complétée avec l’ensemble des parties prenantes du projet.Étape 3 – Convergence : La synthèse des actions ainsi que des éléments complétés sur les fiches seront inscrits sur les deux canevas mis à disposition. Les réponses inscrites sur les fiches vont nourrir ces canevas. Il est donc conseillé de compléter les fiches en amont de la complétion du canevas.Le canevas sur la gouvernance permet de recentrer sur les éléments de gouvernance d’un projet de commun numérique.Le canevas des modèles économiques permet de mettre à plat son modèle d’affaires, de façon complémentaire à ceux des autres parties prenantes de la communauté, afin de construire un modèle économique pérenne pour la communauté et viable pour les parties prenantes.Le temps conseillé de l’atelier va dépendre de nombreux facteurs comme le nombre de participant·e·s, les objectifs fixés et le contexte. Dans tous les cas, il faut généralement prévoir entre 2 h et 3 h pour compléter l’ensemble des supports (fiches et canevas).
Mobilisation du Commons Model Canvas lors de NEC 2023Pour cette nouvelle édition de Numérique en Commun[s], inno³ a animé un atelier intitulé « Prenez en main (et challengez) le kit d’accompagnement des communs numériques d’inno³ » qui avait pour objectif de présenter et de permettre la prise en main par les participant·e·s du Commons Model Canvas, un outil destiné à permettre aux porteurs et porteuses de communs numériques de comprendre et de manipuler les concepts nécessaires, et de se projeter sur un modèle économique commun pérenne.
Le nombre important de participant·e·s à cet atelier montre l’importance du besoin pour les porteuses et porteurs de communs, qu’ils et elles soient acteurs privés ou publics, d’un outillage spécifique destiné à les accompagner dans la structuration et le développement de leur projet.Les participant·e·s se sont ainsi répartis en quatre groupes, chacun consacré à un commun existant et porté par l’un·e des membres. Ce commun a servi de cas d’usage afin de s’assurer de la bonne compréhension et de la facilité de prise en main du canevas par les acteurs à qui il s’adresse.Il ressort de cet atelier que le Commons Model Canvas répond à l’essentiel des problématiques que se posaient les participant·e·s, dans un format particulièrement adapté et facilitant la prise en main et la complétion de façon collective. Certains irritants ont pu cependant être remontés : des informations à demander ; un vocabulaire à adapter ; un design à retravailler ponctuellement ; etc.Ces retours sont précieux, car le Commons Model Canvas, comme toutes les ressources issues de la collaboration entre le Laboratoire Société Numérique et inno³, se veut être le fruit d’un travail collectif. C’est pourquoi vous pouvez dès à présent télécharger le Canevas dans sa version partagée à NEC, sous licence CC-By-SA 4.0, afin de vous en emparer et d’y apporter les modifications que vous souhaitez.
Comment contribuer au kit ? ?Le Kit « « Common Model Canvas » » est un commun et est partagé sous licence libre CC-by-SA 4.0. Ainsi, vous pouvez vous en emparer et l’adapter aux particularités de votre projet afin d’en faire l’outil le plus pertinent possible.Si vous souhaitez participer aux prochaines évolutions du projet, ou simplement en être informé, vous pouvez nous écrire à commonsmodelcanvas@inno3.fr.N’hésitez pas à nous faire part de vos expérimentations et réappropriation à cette même adresse.Vous pouvez aussi accéder à l’ensemble de nos contenus et y contribuer via notre Gitlab. Si vous complétez un des deux canevas et/ou les fiches associées, n’hésitez pas à nous partager aussi ces contenus via le Gitlab afin que ceux-ci, si vous le souhaitez, soient ajoutés au dossier « Exemples ».
Recherche Data Gouv : vers un meilleur partage des données de la recherche scientifique
Une volonté de partage et d'ouvertureLe ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche (MESR) a inauguré en juillet 2022 le portail Recherche Data Gouv, un écosystème au service du partage et de l’ouverture des données de la recherche scientifique. Afin d’accompagner les chercheurs dans cette démarche, Recherche Data Gouv déploie un écosystème de services d’aide à la préparation et la diffusion des données de recherche sur tout le territoire ainsi qu’un dispositif de publication et de signalement des données de la recherche. Le portail recherche.data.gouv.fr constituera ainsi la déclinaison de data.gouv.fr, pour les données de la recherche.« Dès lors que 50 % des travaux de recherche bénéficient d’un financement public, il doit y avoir au moins partage et au mieux ouverture des données », rappelle Isabelle Blanc, administratrice ministérielle des données, des algorithmes et des codes sources au MESR, qui pilote l’écosystème Recherche Data Gouv.Un an après sa mise en service, l’entrepôt pluridisciplinaire de Recherche Data Gouv accueillait plus de 2 000 jeux de données, correspondant à 36 000 fichiers de données totalement ouverts ou partagés en accès restreint quand la nature des données l’impose. Environ 288 500 fichiers avaient été téléchargés depuis le 8 juillet 2022.
CNRS Research Data : un exemple d'entrepôt de données de Recherche Data GouvAvec l’entrepôt CNRS Research Data, ouvert en juin 2023, le CNRS permet aux scientifiques de publier leurs données issues de travaux de recherche soutenus par le CNRS. Il propose une collection principale générique et les laboratoires peuvent demander à créer des collections spécifiques.S'engager à ouvrir l'ensemble des données fait aussi partie des critères d'appréciation des projets par les agences de financement françaises et européennes, et la plupart des éditeurs demandent aujourd’hui que les données liées à une publication soient accessibles.La priorité : l’accompagnement des scientifiques« Ouvrir les données est plus complexe qu’ouvrir les publications : c’est tout un travail scientifique complémentaire qui est demandé aux équipes de recherche, le plus en amont possible, lors de la conception de leur projet et qui ne peut être confié à des tiers », explique Isabelle Blanc. Il faut ainsi être capable de décrire les instruments, conditions et protocoles avec lesquels les données ont été produites et collectées.En effet, selon une enquête du Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, entre 2018 et 2020, 80 % des communautés de recherche manquaient soit d’accompagnement soit d’infrastructure.L'accompagnement est devenu un élément central du dispositif, prioritaire sur le développement d’une solution technique. 19 ateliers de la donnée ont mobilisé en 2023 plus de 350 personnes de 80 établissements.Le CNRS est partenaire de nombreux ateliers de la donnée, qui sont le point d'entrée des scientifiques. Il contribue aussi au déploiement de centres de ressources nationaux, comme OPIDoR – portail mis en place par l’Inist-CNRS , pionnier dans le développement des plans de gestion de données – et DoRANum qui propose des ressources et formations pour accompagner la communauté scientifique dans la gestion et le partage des données.À l’horizon 2025, l’archive ouverte HAL développée par le CNRS devrait aussi offrir un service pour déposer directement le jeu de données associé à une publication et le rendre accessible depuis Recherche Data Gouv.Recherche Data Gouv vise une reconnaissance européenneLe comité de pilotage de Recherche Data Gouv prépare pour 2024 plusieurs candidatures pour rapprocher la plateforme nationale du projet européen European Open Science Cloud (EOSC).
Crise inédite du travail social : quelle est la place du numérique ?
Sortir les métiers du social de la crise de sens et d’attractivitéLe Livre blanc du Travail social (314 pages), remis au Gouvernement par le Haut Conseil du Travail Social (HCTS) le 5 décembre 2023, dresse le constat d’une crise inédite du travail social : difficultés sérieuses de recrutement, turn-over, désaffection des jeunes générations pour les formations. « Cette dégradation est une alerte sur la situation d’état d’urgence qui touche le secteur. Elle engendre également une baisse de la qualité des accompagnements et du service rendu à la population ».Le premier chapitre traite des conditions de travail et de l’attractivité des organisations. Le deuxième concerne les pratiques et les approches professionnelles nécessaires face aux défis sociaux d’aujourd’hui. Le troisième aborde les enjeux de la formation initiale et continue. Enfin, le quatrième chapitre anticipe les conditions d’attractivité des métiers dans les transitions écologiques, démographique et numérique. Le HCTS émet 14 recommandations en ce sens (ci-dessous).Alors que 90% des 1,3 million de travailleurs sociaux sont des femmes, les auteurs du Livre Blanc ont choisi d’utiliser le féminin pluriel pour les désigner.
Le numérique, entre potentialités et perte de lisibilitéSi le numérique est « un outil de travail avec de nombreuses potentialités », la dématérialisation des démarches administratives contribue à cette perte de sens et d’attractivité, en engendrant « parfois des processus incontrôlés, source de charge de travail supplémentaire ».Dans le prolongement des travaux du HCTS consacrés aux transformations numériques des pratiques professionnelles dans les métiers du social (Pourquoi et comment les travailleurs sociaux se saisissent des outils numériques en 2018), le Livre Blanc aborde le numérique sous trois angles :Les difficultés d’accompagnement des personnes dans un contexte de dématérialisation ;La place croissante qu’occupent les activités de reporting dans l’activité des travailleuses sociales ;Les bouleversements prévisibles des métiers du social liés au développement de l’Intelligence artificielle.
« Au millefeuille administratif s’ajoute un millefeuille d’outils numériques développant chacun sa propre logique »La démultiplication des plateformes de services et l’impératif de passer par leur entremise peut éloigner les personnes vulnérables de l’accès à leurs droits, rappelle le Livre Blanc : « les travailleuses sociales assurent de fait une fonction de relai en vue de développer l’autonomie numérique des personnes qu’elles reçoivent. Il leur faut pour cela pouvoir être reliées au réseau d’acteurs territoriaux qui permettent l’acquisition de ces compétences ou l’accès à d’autres services ».Si « les nouvelles professionnelles sont à l’aise avec l’informatisation de leur pratique… le remplacement parfois des permanences physiques assurées dans les organismes par des espaces de « libre-service », où l’interaction avec un agent devient ponctuelle, pose la question de la gestion de l’illectronisme des publics ».Le HCTS, plaide, ici, à la suite du Défenseur des droits, pour le maintien de guichets physiques à côté des services numériques. « Les personnes en difficulté face à la dématérialisation des démarches administratives doivent être soutenues et accompagnées. Elles ont besoin d’une relation avant tout humaine, compréhensive et non-jugeante. Les formations des aidants numériques invités à travailler avec les professionnelles de l’action sociale intègrent aussi la dimension relationnelle de l’aide et de l’évaluation de la demande ».La dématérialisation expose aussi les professionnelles à toutes sortes de difficultés, comme la nécessité de « naviguer entre les différents services, en soutien aux personnes qu’elles accompagnent (…). Dans de nombreuses situations, elles ne disposent plus d’interlocuteurs en dehors de plateformes numériques (…). Les modalités de communication peuvent devenir un facteur de perte de temps au détriment de l’accompagnement du projet de vie de la personne ».« Pour un certain nombre de professionnelles, la dématérialisation des démarches est synonyme de perte de lisibilité, à tel point que l’aide des publics dans le décryptage administratif devient une mission à part entière. (…) Pour chaque situation, il est désormais nécessaire de passer un temps conséquent pour comprendre les éléments du dossier avec les opérateurs concernés et tenter de résoudre les difficultés qui bloquent le système (les identifiants, les adresses mails, l’absence d’interlocuteur…). Les professionnelles ne maitrisent pas toujours la navigation au sein de plateformes souvent guère intuitives. La complexité administrative additionnée à la logique informatique conduit les personnes en difficulté à multiplier les demandes de rendez- vous ».Si le numérique, comme outil de travail présente de nombreuses potentialités (source de précieuses informations sur les publics accompagnés, capacité à accéder à des ressources plus fiables que par le passé, espaces de partage permettant de valoriser et de capitaliser des pratiques innovantes, forums d’entraide), son accélération engendre aussi une multiplication des outils d’évaluation et de suivi. « Au millefeuille administratif s’ajoute un millefeuille d’outils numériques développant chacun sa propre logique ».Le Livre Blanc, regrette, à ce sujet « l’absence d’application unique soumise à des normes nationales pour gérer de tels procédés, laissant proliférer une diversité de systèmes qui n’interroge pas toujours les conséquences de leur mise en place ».Le Livre Blanc souligne l’importance d’adapter les formations en continu aux difficultés des professionnelles. Il pointe aussi la difficulté des directions d’établissement « à cerner la capacité des logiciels à répondre aux besoins (…) Il serait utile de désigner des référents au sein des établissements pour faciliter la traduction des outils numériques dans la réalité de l’activité ».
Du reporting au pilotage par la donnée« Les travailleuses sociales constatent qu’elles passent de plus en plus de temps à répondre à des commandes chiffrées, à renseigner des indicateurs. Ces activités sont identifiées comme chronophages et peu porteuses de sens. Pour autant il est impératif que le pilotage des politiques publiques soit adossé à des données robustes et mobilisables rapidement ».Le Livre Blanc reconnaît ici l’intérêt du chantier du partage de données (renforcement du principe « dites-le nous une fois ») avec pour objectif l’interopérabilité des systèmes permettant une identification unique et le partage des données des personnes dans le respect du RGPD, le développement de la capacité des organisations à interroger directement ces bases agrégées, la généralisation de l’attribution automatisé de certains droits auprès des bénéficiaires (voir, à ce propos le dossier Labo Administration proactive : quels enjeux, risques et perspectives ?).« Il demeure nécessaire », toutefois, ajoute le Livre Blanc, « de rester prudent face au risque de surestimation des capacités des outils numériques pour le pilotage de l’activité. Celui-ci tend à survaloriser les analyses chiffrées et à ignorer les approches contextuelles ».
Prévenir les bouleversements liés au développement de l’Intelligence artificielleLes développements rapides autour de l’intelligence artificielle interrogent l’évolution des pratiques professionnelles. Si elle peut aider les services sociaux à identifier les potentiels bénéficiaires ou à prendre des décisions d’aller vers eux, en s’appuyant sur une collecte des données pertinentes, à la gestion de cas, « il manque des données fiables permettant d’encadrer juridiquement et éthiquement l’usage de l’intelligence artificielle dans la prise de décisions avec et en direction des publics vulnérables ».« Le datamining et le deep learning (exploitation massive et automatisée de données pour en tirer des renseignements sur les comportements) sont des alliés de l’offre de service et de la lutte contre le non-recours, à la condition d’être intégrés dans un cadre législatif strict et les fondements éthiques et déontologiques portés par les professionnelles ».Le Livre Blanc recommande la réalisation d’une étude anticipant l’utilisation de l’intelligence artificielle dans ce secteur. Il s’agit d’adopter « une attitude proactive sur ce sujet, afin d’éviter les incidences négatives du développement du numérique dans les pratiques en travail social et pour les personnes accompagnées ».
Les recommandations du Haut Conseil du Travail SocialValoriser les salairesEngager une concertation sur le sujet des ratios d’encadrementRéinterroger les modes de financements des structures sociales et médico-socialesAffirmer des fondamentaux du travail social adaptés aux défis d’aujourd’huiFaire évoluer la gouvernance des métiers et des compétencesRecruter durablementFaire évoluer les organisations de travail par un encadrement différentSoutenir les parcours professionnelsConsolider les parcours des étudiants et des stagiairesDistinguer l’accès au droit et l’accompagnement socialEngager une stratégie globale de communication autour des métiersTirer toutes les potentialités de la transition numériqueInvestir la transition écologiqueRenforcer la place du travail social dans le débat public
Matériel informatique : quels sont les comportements des entreprises françaises pour limiter leur impact environnemental ?
L’enquête annuelle TIC-Entreprises conduite en France par l’Insee dans le cadre de l’enquête communautaire de l'UE sur les technologies de l'information et de la communication (TIC) dans les entreprises apporte un éclairage sur l’adoption de pratiques écoresponsables dans le monde de l’entreprise.Pratiques européennesEn 2022, 32% des entreprises en France ont pris des mesures pour limiter la consommation d’énergie des équipements relatifs à l’information et aux communications. Elles sont moins nombreuses à le faire qu’en Allemagne (53%), en Italie (52%) aux Pays Bas (47%) ou en Espagne (40%).44 % des entreprises européennes ont pris des mesures de ce type. « Cet écart, commente l’Insee, « peut en théorie en partie s’expliquer par le prix de l’énergie qui, en France, est l’un des plus bas de l’UE. Il n’y a néanmoins pas de lien univoque entre le prix moyen de l’électricité dans un pays, et la part de ses entreprises qui prennent des mesures pour limiter la consommation d’énergie des équipements TIC ».En France comme en Europe, plus les entreprises sont grandes, plus elles prennent des mesures pour réduire leur consommation d’énergie des équipements numériques. Ainsi, en France, seules 30 % des petites entreprises prennent des mesures pour réduire pour la quantité d’énergie consommée, contre 54 % des grandes entreprises.
En 2022, 22% des entreprises ont acheté du matériel informatique reconditionnéC’est surtout en agissant sur le renouvellement de leur matériel informatique que les entreprises peuvent limiter leur impact environnemental.En 2022, six entreprises sur dix en France comme dans l’UE indiquent tenir compte de l’impact environnemental des services ou du matériel TIC qu’elles acquièrent, comme la consommation d’énergie, les matériaux utilisés, la durée de vie, la disponibilité des composants, ou la réparabilité.En France, 22% des entreprises achètent du matériel informatique reconditionné.La prise en compte de l’impact environnemental et l’achat de matériel reconditionné varient très peu selon la taille.Lorsque les équipements TIC ne sont plus utilisés, près de la moitié des entreprises (44 %) les conservent pour les utiliser comme réserves de pièces détachées. Quand ils ne sont pas conservés, davantage d’entreprises choisissent de les recycler dans le cadre de la collecte des DEEE (67 %) plutôt que de les vendre, les donner ou les retourner à une entreprise de leasing (26 %).
Si les entreprises du secteur « information et communication » sont plus nombreuses que les autres à acheter du matériel reconditionné (36%), elles sont toutefois moins nombreuses à recycler leur matériel TIC (62 %) : elles ont plutôt tendance à le vendre (41 %) ou à l’utiliser comme réserve de pièces détachées (58 %). Ces entreprises, commente l’Insee, « ont davantage de compétences dans les TIC qui leur permettent d’utiliser ces pièces pour réparer ou modifier ces équipements ».
Les dossiers
Voir tous les dossiers[Dossier] Les bibliothèques, en première ligne de la médiation numérique
Avant-ProposAprès le plan Bibliothèques du Ministère de la culture, en 2018, qui assignait aux bibliothèques la mission de « favoriser l’inclusion numérique et les actions menées dans le champ social », la loi relative aux bibliothèques adoptée en 2021 prévoit explicitement qu’elles contribuent à « la réduction de l'illectronisme ».Touchant des publics variés (jeunes, personnes âgées, parents, etc.), disposant de compétences d’animation sociales et culturelles, dotées d’ordinateurs en libre accès et de ressources numériques, les bibliothèques disposent, il est vrai, de nombreux atouts pour accompagner les publics vers l’autonomisation numérique. Présentes sur l‘ensemble du territoire, dotées en équipement et en ressources numériques, elles bénéficient, en outre, d’une excellente image auprès du public. Bibliothèques et médiathèques sont, d’ailleurs, clairement identifiées par le public comme des lieux d’accompagnement au numérique, comme le montre l’édition 2023 du Baromètre du numérique.Les professionnel.le.s des bibliothèques, s'ils/elles pratiquent la médiation numérique depuis de nombreuses années, s’interrogent, toutefois, sur son périmètre (« jusqu’où aller »), sur leur positionnement et leur visibilité au sein de l’écosystème de l’inclusion numérique. Une enquête récente réalisée par l’Association des bibliothécaires de France apporte des éclairages sur la spécificité des bibliothèques au sein de cet écosystème.Face à l’irruption des intelligences artificielles génératives, les professionnel.le.s des bibliothèques s’interrogent sur leur rôle et sur la place de l’IA dans le monde des bibliothèques. Dans quelle mesure l’IA peut-elle devenir l’alliée des apprentissages ? Quel changement dans ses missions de médiation ? Quelles nouvelles compétences ? Comment se former à ces nouvelles pratiques en évolution constante ?Les bibliothèques se préparent aussi à minimiser l’impact écologique de leurs services numériques, qu’il s’agisse du matériel (postes informatiques publics, consoles de jeux vidéo, tablettes, liseuses) ou des logiciels (catalogues en ligne, portails, ressources en ligne). Elles sont de plus en plus nombreuses à s’engager dans une démarche de sobriété numérique, en faisant évoluer leur propre fonctionnement et en sensibilisant leurs publics.
Les bibliothèques et médiathèques clairement identifiées par le public comme des lieux d’accompagnement au numériqueL’ANCT a introduit dans l’édition 2023 du Baromètre numérique une question pour mieux cerner leurs attentes en matière d’accompagnement: « Il existe sur le territoire des lieux où on propose un accompagnement dans les démarches en ligne et un apprentissage numérique. Connaissez-vous près de chez vous un lieu qui propose un accompagnement numérique ? ».Les mairies (33% des réponses) et les bibliothèques (32%) sont citées en tête des lieux « qui proposent un accompagnement numérique ».Les mairies devancent les bibliothèques pour toutes les classes d’âge (sauf chez les 12-17 ans), toutes les catégories socioprofessionnelles, quel que soit le niveau de diplôme ou la taille d'agglomération. Il est vrai qu'un grand nombre de communes mettent à la disposition des usagers des ordinateurs ou des bornes interactives en accès libre pour leur permettre de réaliser leurs démarches administratives. A cette offre d’accès numérique s’ajoute souvent un accompagnement par un.e secrétaire de mairie, un médiateur.trice ou un.e conseiller.ère numérique pour la prise en main des outils numériques et la compréhension de leur fonctionnement.
Les 12-17 ans, pour leur part, privilégient plutôt les bibliothèques.Une enquête de l’INJEP avait mis en relief l’attrait des adolescents pour l’offre numérique des bibliothèques. « Pour beaucoup d’entre eux, il s’agit moins d’accéder à des collections que de bénéficier d’un espace…Les adolescents se déplacent, parfois loin, pour aller dans une bibliothèque où ils pourront se concentrer, se sentir au milieu d’autres jeunes animés par les mêmes motivations ». Selon les auteurs de l’enquête, « l’entrée des pratiques numériques dans les bibliothèques a provoqué ou accompagné un changement de celles-ci, non seulement en ce qui concerne l’offre destinée aux adolescents mais aussi dans la réflexion autour des espaces mis à leur disposition. Les pratiques des adolescents sont ainsi davantage prises en compte ».
En première ligne pour l'accueil des publics éloignés du numériqueAlors que de nombreuses démarches sont désormais numérisées, faute d’alternative ou d’accompagnement suffisant, les publics fragiles et plus généralement et les personnes éloignées du numérique, ont tendance à solliciter des acteurs de proximité (mairies, centres sociaux, CCAS etc…) ou des acteurs de la solidarité (comme Emmaüs, la Croix Rouge, le Secours Populaire ou le Secours Catholique) afin de trouver l’aide escomptée. Ces personnes se tournent parfois vers les bibliothèques et les médiathèques.Le plan Bibliothèques du ministère de la Culture en 2018 avait pris acte de cette situation. « Actrices de l’inclusion sociale, elles favorisent l’inclusion numérique et les actions menées dans le champ social ».En 2018, l’Association des directrices et directeurs des bibliothèques municipales et groupements intercommunaux des villes de France (ADBGV) consacrait sa journée annuelle d’étude au thème « Numérique et inclusion en bibliothèque : jusqu’où aller ? ». Comment répondre aux besoins induits par l'essor du numérique ? Quelle est la place de la bibliothèque dans une politique locale d'inclusion numérique ? Jusqu'où aller ? Pouvons-nous répondre à tous les besoins induits par l'essor de la dématérialisation et de l'e-administration ? Quelle complémentarité au sein des villes ? »En 2020, le Bulletin des Bibliothèques de France consacrait un dossier aux pratiques et dispositifs d’inclusion numérique dans les bibliothèques, nourri d’expériences et d’études de cas.La loi relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique élargit en 2021 les missions des bibliothèques : « elles contribuent à la réduction de l'illettrisme et de l'illectronisme. Par leur action de médiation, elles garantissent la participation et la diversification des publics et l'exercice de leurs droits culturels ».Les bibliothèques figuraient, d'ailleurs, parmi les lieux d’intervention potentiels des 4000 Conseillers Numériques recrutés dans le cadre du Plan de relance.
Quelle spécificité pour la médiation numérique dans les bibliothèques ?Alors que l’État met en place les Espaces France Services (EFS) pour l'aide aux démarches administratives et déploie 4000 Conseillers Numériques pour fournir des offres de médiations numériques partout sur le territoire national, les bibliothèques s’interrogent sur leur positionnement, leur complémentarité et leur visibilité dans l’écosystème en évolution de l’inclusion numérique.La Commission numérique de l’Association des Bibliothécaires de France (ABF) a mené une enquête auprès de 37 médiateurs numériques actifs dans le cadre de bibliothèques.Si la majorité d’entre eux se déclarent légitimes pour exercer cette activité de médiation, plusieurs expriment « la nécessité de se remettre en question souvent, de se former en continu voire d’accepter d’apprendre par l’échec » ou expriment des bémols « en distinguant l’accompagnement culturel et l’accompagnement social et administratif ».« En bibliothèque aussi la mission d’accompagnement vers l’autonomie est importante tout comme le fait de transmettre des bonnes pratiques et des compétences de base en informatique. Il s’agit plus d’assistance à l’apprentissage et à la résolution de problèmes liés à la technologie que de dépannage technique proprement dit ».Cette mission « se double d’une mission de sensibilisation ou de transmission d’une culture numérique qui touche tout à la fois aux ressources numériques de la bibliothèque, à des ateliers de création numérique (Fablab, programmation robotique, MAO, création de jeux vidéo, etc.), à l’Éducation aux médias et à l’information ».Ils précisent aussi qu’ils ont aussi une mission de formation des autres agents de la bibliothèque dans l’optique de partager les bases d’une culture numérique commune.Jusqu’où aller ?Les démarches administratives sont majoritairement mentionnées comme « hors périmètre ». Ce point de vue n’est toutefois pas unanime : « Les missions d’un médiateur numérique sont l’accueil des publics, les rendez-vous personnalisés et les ateliers collectifs autour du numérique. Pour moi, le numérique est vaste et doit comprendre aussi bien l’aide aux démarches administratives que les loisirs numériques ».Plusieurs précisent qu’ils sont d’abord bibliothécaires et que le numérique n’est qu’une spécificité de leur poste. Ils ne font pas que de la médiation numérique mais « plus globalement de la médiation culturelle. Ils assurent par exemple des animations de type lectures à voix haute, des ateliers créatifs, des animations jeux de société, de la médiation de collections autres que numériques ».S’ils estiment que le niveau de moyens techniques est globalement bon, plusieurs pointent l’absence de réseau WIFI parfois et les dispositifs de sécurité pas toujours compatibles avec les activités.Interrogés sur l’activité des médiateurs numériques qui exercent hors bibliothèques, ils considèrent que ceux-ci font plutôt face à des demandes liées à la résolution d’un problème technique ou administratif (accès aux droits, accès aux soins, etc.). Hors bibliothèque, l’approche serait selon eux essentiellement pragmatique liée à un besoin souvent urgent, « quand en bibliothèque on construit une offre plus large de services permettant au public de trouver des réponses à un besoin mais aussi de découvrir des services lui permettant de s’acculturer plus globalement au numérique ».Invités à imaginer la médiation numérique de demain, ils estiment « que la médiation numérique évoluera vers une sensibilisation accrue aux médias et au développement de l’esprit critique, afin de permettre aux gens de faire le tri, de remettre en contexte, de conscientiser et de développer un regard critique », que « les partenariats avec les autres acteurs du numérique sur un même territoire vont se développer ce qui pourrait positionner les médiateurs numériques en bibliothèque plus sur des tâches d’animation et de formation liées au numérique créatif et culturel que sur des tâches de dépannage ».
Les bibliothèques sont-elles prêtes pour l’intelligence artificielle ?Face à l’irruption des intelligences artificielles génératives, les bibliothécaires s’interrogent sur leur rôle et sur la place de l’IA dans le monde des bibliothèques.La Bibliothèque publique d’information (Bpi) du centre Pompidou et le Service du Livre et de la Lecture du ministère de la Culture organisaient le 7 novembre 2023 une journée d’étude : Les bibliothèques sont-elles prêtes pour l’intelligence artificielle ?« La question de la réception et de l’usage de l’intelligence artificielle se pose de manière aiguë pour le corps enseignant et en bibliothèque. L’IA peut-elle devenir l’alliée des apprentissages, y compris dans l’éducation aux médias et à l’information ? Comment former les médiateurs à ces nouvelles pratiques en évolution constante afin que les usages de l’IA soient bénéfiques à tous, pour une appropriation raisonnée dans un contexte où la vérification des faits semble de plus en plus complexe ? »L’École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques (Enssib), pour sa part, avait consacré le 11 mai 2023 une journée, à explorer les liens de l’IA avec le monde des bibliothèques.Pour la profession, l’IA implique un changement dans ses missions de médiation et de nouvelles compétences. Elle :« suppose une connaissance en matière de recherche, gestion, conservation ;génère des informations, textes ou images, qui doivent être vérifiées et validées, elle demande donc des compétences en analyse des données, savoir détecter des œuvres ou des auteurs créés par une IA ;demande une expertise en utilisation de ces outils, comme le prompt ingénieur, expert dans l’utilisation des chatbots IA comme ChatGPT ».L’IA peut aussi être une aide aux bibliothécaires dans l’analyse et l’exploitation de masse de données. « Afin de vérifier la qualité des données, il faudra repenser les compétences à enseigner, l’IA est un nouveau défi qui appelle au changement comme ce fut le cas à l’arrivée d’Internet, puis des réseaux sociaux ».Selon les intervenants, plusieurs points de vigilance émergent quant à l’utilisation de l’IA en bibliothèque. « Il est important qu’elle demeure un ensemble d’outils au service des humains ; la sensibilisation des professionnels et des publics doit se faire dans ce sens. Leur développement nécessite non seulement des compétences métiers et informatiques encore rares mais aussi une réflexion longue et une consultation large des professionnels. En effet, leur développement et évolution restent très complexes. Enfin, les questions d’éthique s’invitent largement dans le débat sachant que les IA sont entraînées par les populations les plus pauvres du monde et qu’elles demeurent très consommatrices d’énergie carbonée car nécessitant des infrastructures énergivores ».Peu de bibliothécaires semblent aujourd’hui directement concernés par des projets IA, hormis ceux de la Bibliothèque nationale de France (BnF). « Une crainte semble poindre, répétant celle qu’avait provoquée l’arrivée d’Internet et des moteurs de recherche : l’IA pourrait-elle remplacer les bibliothécaires ? Si l’hypothèse est peu probable, l’humain étant nécessaire au déploiement de l’IA, une grosse acculturation s’avère nécessaire de la part des professionnels de l’information et des bibliothécaires pour prendre en compte ce qui ne relève plus seulement d’un petit cercle d’initiés. Les bibliothécaires gardent certains atouts : la relation humaine, l’expertise, la capacité de jugement, la médiation ».Au regard de la mission de service public des bibliothèques, et de leur engagement pour le bien commun, David Lankes Professeur de bibliothéconomie à l’Université du Texas plaide pour une posture active des bibliothécaires face à l’IA, et énonce trois domaines interconnectés dans lesquels ils doivent développer leurs compétences : les données, les algorithmes et l’apprentissage automatique. « La littératie des données, des ontologies et taxonomies, la compréhension approfondie des algorithmes inductifs, la capacité à évaluer et à gérer des processus d’apprentissage automatique, l’analyse des enjeux juridiques et politiques permettront aux professionnels des bibliothèques de prendre directement part aux processus de développement et de régulation de l’écosystème IA. Ils y assumeront – au bénéfice des usagers – un rôle d’advocacy pour une IA interprétable respectueuse de principes éthiques, d’équité et de représentativité, et garante de la loyauté et de la transparence des modèles algorithmiques, des données publiques et privées utilisées et des contenus produits. » Pour David Lankes, il s’agit pour la profession surtout de ne pas se contenter de réagir à l’IA, « mais de s’en saisir en tant qu’objet de politique publique ».
85% des Français disposent d'une bibliothèque dans leur commune de résidenceNé d'une collaboration entre le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et le service Livre et Lecture du ministère de la Culture, unAtlas cartographie pour la première fois, de manière précise et selon différents critères, les 15 500 lieux de lecture de l’ensemble du territoire métropolitain et de l’outre-mer. Il renseigne notamment sur la répartition de l'offre, et sa proximité avec les populations...« Les 15 500 bibliothèques et points d’accès au livre permettent à 85 % des Français d’accéder à ce service culturel dans leur commune de résidence. La France compte en moyenne 23 établissements de lecture pour 100 000 habitants. Les collectivités urbaines sont plus équipées en lieux de lecture (neuf communes urbaines sur 10). Cependant, un tiers des communes rurales disposent d’un établissement de lecture publique, desservant ainsi près de 22 % des Français. La distribution dans l’espace métropolitain et ultramarin des bibliothèques publiques offre une remarquable couverture du territoire et un accès de grande proximité à la population ».« L’implantation des équipements est ainsi très liée à la densité de la population sur le territoire : les établissements majeurs et les établissements de taille moyenne se localisent généralement dans les zones les plus peuplées et urbanisées de l’hexagone et de l’Outre-mer ; les espaces moins denses en population (zones très rurales, zones montagneuses, ou encore l’intérieur des terres en Outre-mer par opposition aux littoraux) accueillent moins d’établissements de lecture publique ».La qualité du service proposé peut cependant différer au sein d’une région selon leur lieu d’implantation« L’écosystème propre aux villes, permettant de concentrer et de polariser les acteurs économiques, culturels, éducatifs et institutionnels, favorise des partenariats plus nombreux et les bibliothèques desservent des populations plus importantes. A l’inverse, les populations habitant en milieu rural sont moins bien desservies, même si les bibliothèques offrent ce service culturel en France à 66 % des ruraux dans leur commune de résidence ».Qualifiées de premier établissement culturel de proximité, les bibliothèques ne sont pourtant parfois pas accessibles à moins de 10 minutes (en voiture) pour une partie de la population. Ainsi, « sur l’ensemble du territoire français, 2,2 millions de personnes n’ont pas accès à une bibliothèque en moins de 10 minutes en voiture », établit l'Atlas.
Des différences d’équipement informatique selon l’implantation urbaine ou rurale des bibliothèquesL’Atlas des bibliothèques territoriales apporte aussi un éclairage sur la qualité de l’équipement informatique des bibliothèques. Quatre critères simultanément présents dans un établissement de lecture publique permettent d’observer la qualité de leur niveau d’équipement informatique : site Internet, catalogue en ligne, accès WiFi et ordinateurs connectés.« Les niveaux élevés d’équipement informatique des établissements de lecture publique par département sont rarement reliés à la présence d’un fort effectif de bibliothèques dans le département. Il s’agit peut-être davantage d’un engagement politique des territoires visant au développement informatique en direction des usagers des bibliothèques et des habitants » observent les auteurs de l’Atlas.« Des marges de progression demeurent sur l’équipement informatique en bibliothèque puisque la moitié des départements français comptent moins de 17 % de bibliothèques équipées ».« Généralement, en milieu rural, l’équipement informatique des établissements est faible ; la moitié des départements enregistrent moins de 12 % des bibliothèques rurales équipées ».Les auteurs de l'Atlas soulignent le rôle des bibliothèques départementales, dont nombre d’entre elles sont d’ailleurs inscrites dans le programme « Bibliothèques numériques de référence » (BNR) qui fournissent des ressources numériques à leurs réseaux en milieu rural.
Six bibliothèques sur dix proposent des ressources numériquesConcernant les ressources numériques, selon l'Atlas des bibliothèques territoriales, 73 % des établissements de lecture publique desservant plus de 2 000 habitants déclaraient proposer des ressources numériques en 2021.Ce chiffre témoigne de l’ampleur de la couverture numérique des bibliothèques ainsi que du travail de desserte des bibliothèques départementales : 94 % des petites et moyennes bibliothèques se tournent vers la bibliothèque départementale pour bénéficier de ressources numériques à titre gratuit et 86 % de bibliothèques départementales proposent un portail de ressources numériques à leur réseau.Parmi les ressources numériques les plus proposées, les contenus d’autoformation sont en tête (79 %), suivis par la presse (78 %) et les vidéos (72 %). La musique (64 %), les livres numériques (63 %) et les livres audio en flux (50 %), sont également en fort développement depuis quelques années.
La sobriété numérique s’invite sur l’agenda des bibliothèquesLes bibliothèques de toute taille sont confrontées à l'impact écologique leurs offres et services numériques, qu’il s’agisse du matériel (postes informatiques publics, consoles de jeux vidéo, tablettes, liseuses) ou des logiciels (catalogues en ligne, portails, ressources en ligne).Les Journées du numérique en bibliothèque publique, qui se sont tenues à Nîmes les 7 et 8 mars 2024, avaient retenu comme thème central l’impact environnemental et sociétal des services numériques.En mai 2024, le ministère de la Culture a publié un document de synthèse pour engager les bibliothèques dans la transition écologique. « Au cours des dernières décennies, le numérique a profondément bouleversé positivement les pratiques professionnelles et les usages en bibliothèque : il offre un potentiel important en matière de création et a entraîné une diversification des ressources et des services accessibles en bibliothèque (documentation mais aussi des Fablab avec imprimantes 3D, réalité virtuelle, réalité augmentée ».« Par la mutualisation des matériels qu’elles proposent à leurs usagers, les bibliothèques entrent dans une démarche de sobriété numérique… Les bibliothèques, à l’instar d’autres acteurs culturels, élaborent leur stratégie en matière de sobriété numérique grâce à une réflexion sur le renouvellement des équipements, sur la croissance du flux de données – particulièrement pour les fichiers lourds – et un engagement dans une démarche d’éco-conception de leur offre numérique».
Accessibilité numérique des ressources : des avancées modestesLes bibliothèques publiques ont pour obligation de rendre accessibles les services numériques à toutes les personnes porteuses de déficiences, qu’elles soient physiques, sensorielles (handicap visuel ou auditif), mentales ou cognitives. Cela concerne les portails ou sites web, les ressources ou bibliothèques numériques, ainsi que tous les services que la bibliothèque propose en ligneLe Baromètre de l’accessibilité numérique en lecture publique du ministère de la Culture mesure, à échéances régulières, le niveau de prise en compte par les bibliothèques de lecture publique des standards de l’accessibilité numérique (WCAG, RGAA).28% des sites et portails étudiés ont une page « Politique d’accessibilité ». Seuls 8% affichent une déclaration d’accessibilité.Les catalogues publics en ligne proposés par les éditeurs de logiciels répondent en grande partie aux normes d’accessibilité. « Il suffit », toutefois, notent les auteurs du Baromètre « d’un défaut d’accessibilité sur une des principales fonctionnalités pour que le parcours utilisateur soit impacté et que l’utilisateur soit totalement bloqué ».S’agissant des plateformes de ressources numériques, « certains acteurs du marché semblent avoir intégré la démarche d’accessibilité et proposent des plateformes avec un bon niveau d’accessibilité ».
Une nouvelle feuille de route pour la Commission numérique de l’association des bibliothécaires de France (ABF)Un groupe de travail s’est mobilisé pour définir la nouvelle feuille de route de la Commission Numérique de l’ABF.Son périmètre est volontairement étendu afin d’appréhender le numérique pour ce qu’il implique dans les services et les usages en bibliothèque. En ce sens, l’inclusion, l’accessibilité et la médiation numériques seront des sujets traités aux côtés des ressources numériques ou des questions de règlementation (RGPD par exemple).
[Dossier] Ouverture des données publiques en France : où en sommes nous ?
Une dynamique bien lancéePlusieurs initiatives ont vu le jour, au cours des 18 derniers mois, autour de l'ouverture des données publiques :la mise en œuvre des feuilles de route ministérielles sur la politique de la donnée ;un tableau de suivi permet désormais de suivre l’ouverture de nouveau jeux de données, algorithmes, codes sources et API publics ;la refonte du portail data.gouv.fr ;la création d’un « datalab » au sein de la Direction interministérielle du Numérique (DINUM) qui permettra d’accélérer les projets data grâce à une aide matérielle, technique, humaine et juridique ;l'ouverture d’un guichet de financement pour cofinancer des projets autour de la donnée dans les ministères ;la mise en place à l'Insee d'un catalogue de données, qui met à disposition des fonctions de recherche et de consultation variées.Cette dynamique d'ouverture des données publiques met en lumière, toutefois, des enjeux de découvrabilité et de standardisation.Découvrabilité : comment identifier facilement les jeux de données pertinents ? Pour faciliter les recherches de données, le département Etalab, qui anime la plateforme data.gouv.fr, réalise, avec la coopération des producteurs de données, un travail de recensement le plus complet possible des bases et jeux de données existants sur certaines thématiques clefs.Qu'il s'agisse de simplifier l'accès aux données dans un domaine spécifique, autour d'une politique publique, ou d'organiser un écosystéme sectoriel de données, on voit émerger des plateformes et des portails qui rassemblent les données ouvertes autour de thématiques comme les données de recherche, avec le portail Recherche.Data.Gouv.fr, la cartographie (avec le projet Cartes.gouv.fr), la transition écologique, avec le projet Ecosphere(s), les informations et statistiques locales (avec Open Collectivités) ou les données territoriales sur le marché du travail (avec Data Emploi).Standardisation : l'usage de formats ouverts ne suffit pas à assurer une large réutilisation des données. Il faut aussi que les jeux de données soient standardisés. Malgré les initiatives de l’État (comme schema.gouv.fr), d’OpenDataFrance (Socle commun des données locales) ou du Conseil national de l'information géolocalisée, la standardisation des données ouvertes est loin d’être la norme. Chaque territoire s’appuie sur des spécificités et une sémantique propre, ce qui entrave l’interopérabilité non pas au sein des systèmes et des infrastructures mais entre eux.La Commission européenne, pour sa part, donne une nouvelle impulsion à l’ouverture des données publiques avec un règlement qui liste les six catégories de « données (ensemble de données à forte valeur) » que les acteurs du secteur public devront mettre gratuitement à disposition et qui précise les modalités de leur diffusion.
La France en tête en Europe pour l’ouverture des données publiquesL’année 2023 s’est conclue sur une double reconnaissance pour la politique d’ouverture des données française, avec une 1e place européenne au classement de l’Open Data Maturity Report (pour la 3e année consécutive) et une 2e place au niveau mondial attribuée par l’OCDE dans son OURdata Index.Les deux rapports ont vocation à évaluer les efforts déployés par les pays étudiés et à documenter leurs progrès dans le domaine de l’open data. L’Open Data Maturity Report examine 4 dimensions :La politique publique (politiques et stratégies en matière de données ouvertes, modèles de gouvernance, mesures mises en œuvre, etc.) ;Le portail national (fonctionnalités, activités d’analyse des besoins et des comportements des usagers, catalogue, etc.) ;La qualité des données (collecte et qualité des métadonnées, conformité avec la norme de métadonnées DCAT-AP, etc.) ;L’impact (suivi des réutilisations, observation et mesure de l’impact politique, social, économique et environnemental, etc.).
Data.gouv.fr : 47 000 jeux de données et 153,4 millions de ressources téléchargées47 000 jeux de données sont disponibles sur Data.gouv.fr, la plateforme nationale de données ouvertes, provenant de 4 900 organisations.Data.gouv.fr a enregistré en un an 54,2 millions de visites (entre décembre 2022 et décembre 2023). Les 112 900 utilisateurs de la plateforme ont téléchargé 153,4 millions de ressources. Data.gouv.fr fait état de 3,7 millions de réutilisations.Des jeux de données très attendus ont été publiés en 2022 et 2023 :Les indices de position sociale (IPS) dans les écoles, les collèges et les lycées, qui permettent d’appréhender le statut social des élèves à partir des professions et catégories sociales de leurs parents (Ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse) ;Le registre d’immatriculation des copropriétés, qui fournit des données techniques et juridiques sur les copropriétés (Agence nationale de l’habitat) ;La base de données nationale des bâtiments (BDNB), qui cartographie et qualifie les bâtiments existants (résidentiels et tertiaires) (Centre scientifique et technique du bâtiment) ;La carte des loyers, qui contient des indicateurs de loyers d’annonces, à l’échelle de la commune (Ministère de la transition écologique) ;Les bureaux de vote et adresses de leurs électeurs, par l’Insee ;Les données des élections agrégées ;« Carte des loyers » - Indicateurs de loyers d’annonce par commune en 2023.Météo-France met à disposition gratuitement, à partir du 1er janvier 2024, l’ensemble de ses données publiques. A cette occasion a aussi été lancée la plateforme thématique meteo.data.gouv.fr, dont l’objectif est de créer un socle pour référencer, héberger et diffuser les données publiques météorologiques produites par Météo-France.
Qui sont les usagers de Data.gouv.fr ?L’enquête réalisée auprès de ses usager.e.s par data.gouv.fr permet d’esquisser le profil actuel de la communauté de data.gouv.fr :26 % affirment avoir des compétences avancées en traitement de données ;38 % considèrent disposer d’un niveau intermédiaire ;25 % s’identifient comme novices ;7 % déclarent n’avoir aucune compétence.Concernant l’usage de la plateforme :60 % des répondant.e.s se rendent sur data.gouv.fr pour télécharger et exploiter des données ;30 % pour chercher rapidement une information (bien que data.gouv.fr soit une plateforme de données brutes et non d’informations) ;10 % pour publier des données ou consulter l’activité sur leurs jeux de données.
Refonte de data.gouv.frFace aux difficultés rencontrées par les usager.e.s à trouver une donnée lors d’une recherche, l’équipe de data.gouv.fr a entrepris une refonte complète du moteur de recherche et de l’expérience de recherche en général.Pour faciliter les recherches de données, elle réalise, avec la coopération des producteurs de données, un travail de recensement le plus complet possible des bases et jeux de données existants sur certaines thématiques clefs comme les données relatives au logement, à l'emploi ou les données relatives à la santé.
1 062 collectivités territoriales engagées dans l’ouverture des données publiquesDepuis octobre 2018, toutes les collectivités territoriales de plus de 3 500 habitant.e.s (et de 50 agents en équivalent temps plein) ont l’obligation de publier leurs données « par défaut ». Cette obligation répond à la fois à des objectifs de transparence vis-à-vis des citoyen.ne.s, d’efficacité de l’action publique et de développement économique. Cinq ans après, si 40 % des collectivités connaissent bien cette obligation (qui n’est assortie d’aucune sanction), moins de 16 % d’entre elles la respectent.Ce pourcentage progresse toutefois. En 2022, 168 collectivités nouvelles ont rejoint le mouvement.Selon l’Observatoire open data des territoires, en 2022, 1 062 collectivités publient des données en open data, soit une progression de 19 % en un an pour l’ensemble des collectivités : toutes les régions, 92 % des métropoles, 65 % des villes de plus de 100 000 habitants ou 64 % des départements. Mais seulement 10 % des communes et des EPCI de moins de 100 000 habitants.
60 % de la population réside dans une commune ou un EPCI engagé dans une démarche d’ouverture.59 % des collectivités publient leurs données sur un portail et 36% sur le Géoportail.Dans les collectivités les plus en pointe, les portails changent progressivement de nature. Les espaces de téléchargement de données du début, parfois arides et peu communicants, laissent la place à de véritables sites éditorialisés. Des informations et de nombreuses « data visualisations » sont organisées à l’attention des citoyen.ne.s (qui disposent toujours de la possibilité de télécharger les données). Des espaces sont réservés aux développeur.euse.s ou aux partenaires qui souhaitent se connecter en temps réel à différentes sources de données.43 % des collectivités ont opté pour la licence ouverte.L’Observatoire open data des territoire apporte des indications détaillées sur la gouvernance des 171 plateformes territoriales (mutualisées ou dédiées), sur la fréquence de mise à jour des jeux de données publiés, sur les retards dans la mise à jour des données.
Des portails et des plateformes thématiques pour découvrir et tirer parti des données ouvertesRecherche Data Gouv : un portail pour les données de recherche. Le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche a inauguré en juillet 2022 le portail Recherche Data Gouv, un écosystème au service du partage et de l’ouverture des données de recherche.Cartes.gouv.fr : le futur service public des cartes et données du territoire. A l’occasion de Numérique en Commun[s] 2023, qui se tenait à Bordeaux les 19 et 20 octobre, l’IGN (Institut national de l'information géographique et forestière) a annoncé l’ouverture prochaine du site cartes.gouv.fr. Cartes.gouv.fr contiendra d’abord des cartes et données publiques librement accessibles sur de nombreux thèmes (topographie, écologie, sécurité, foncier, réglementations…) et proposera aussi des services qui vont s’enrichir pour permettre à chacun de créer, héberger, contribuer, partager, visualiser et publier des données et des cartes en autonomie. Cartes.gouv.fr s’appuie sur une nouvelle infrastructure ouverte et collaborative, la Géoplateforme. Le futur service public des cartes et données du territoire.Ecosphère(s) pour développer l'écosystème de la donnée de la transition écologique. Le Ministère de la Transition Écologique ouvrira prochainement “Ecosphères”, la plateforme d’accès aux données produites par le pôle ministériel et mis en œuvre par l’équipe Ecolab, au sein du Commissariat général du développement durable. Ecospheres entend apporter une réponse aux conclusions des études récentes qui ont montré la complexité de la recherche de données due notamment à leur multiplicité, leur duplication, aux outils nombreux, à l’absence d’actualisation. Ecosphère(s) prend la forme d'un portail data thématique conçu dans le même esprit que transport.data.gouv.fr dans le domaine de la mobilité. Il s'appuie sur l'infrastructure et les outils de data.gouv.fr permettant de trier, d'extraire et de prévisualiser les données ou encore d'en évaluer la qualité. Ce portail n'héberge pas directement les données mais "moissonne" les métadonnées des bases de données environnementales ouvertes des administrations déconcentrées, d'agences de l'État et d'opérateurs. Le répertorie déjà plus de 27 000 jeux de données.Meteo.data pour centraliser les données sur la météo et le climat. La plateforme meteo.data.gouv.fr centralise des données téléchargeables et utilisables de manière libre et gratuite sur la météo et le climat. On y trouve des données climatologiques sur les stations de métropole et outre-mer ainsi que les données « mémoire du climat » qui permettent de constater les effets déjà observés du changement climatique. La plateforme s'enrichira progressivement de nouvelles données comme celles les données d’observation mesurées par les stations météorologiques, les alertes météorologiques, les données radar ou les modèles de données de prévision météorologique numérique (PNT).Open Collectivités pour simplifier l’accès aux informations et statistiques locales. Les informations statistiques relatives aux collectivités locales sont diffusées par de nombreux acteurs de la sphère institutionnelle. La dissémination de ces informations les rend peu visibles pour les utilisateurs. La diversité des formats – pages HTML, documents PDF, bases de données - les rend peu lisibles. Les statisticiens de la Direction Générale des Collectivités Locales (DGCL) ont développé, à cette fin, un portail, Open collectivités, qui centralise «les études, statistiques et outils locaux utiles aux prises de décision, aux recherches ou au débat public ». Le portail Open Collectivité s’adresse aux agents publics issus de collectivités locales, départements de statistique publique ou d’administrations centrales et à la société civile : citoyen.ne.s, journalistes, chercheur.euse.s.Data Emploi, un outil pour décrypter le marché du travail sur chaque territoire. Pôle emploi a ouvert au public le portail Data Emploi qui agrège toutes les données disponibles de suivi du marché du travail, à jour, sur l’ensemble du territoire, bassin d’emploi par bassin d’emploi. Cet outil présente, grâce à des cartes interactives, de multiples indicateurs portant sur le marché du travail sur un territoire donné, tels que la dynamique de l’emploi sur le territoire, les secteurs qui recrutent le plus, le nombre de demandeurs d’emploi ou les types de contrats signés. Ces informations sont issues de la base de données de Pôle emploi (que l’opérateur, en lien permanent avec les acteurs économiques du territoire, agrège au quotidien) mais également de quelques données externes (Insee, Dares, etc.).
Comment standardiser les données ouvertes ?Si la loi impose un principe d’ouverture généralisée, chaque service de l'Etat, chaque territoire publie les données selon ses compétences, son patrimoine de données et ses pratiques.« D’un producteur à l’autre, les fichiers ne contiennent pas nécessairement les mêmes champs ou ne donnent pas le même niveau de détail », , observe Data Publica dans un dossier très complet consacré à la standardisation des données ouvertes. Les données, en outre, ne sont pas nommées de la même manière selon les territoires. Sur la cyclabilité par exemple, il faudra alternativement chercher « aménagements cyclables » ou « pistes cyclables » et on retrouvera rarement le mot clef « vélo » dans les descriptions des jeux de données alors que le terme vient spontanément sur le sujet. Au delà des différences de terminologie entre collectivités, il existe plus généralement un décalage (un vocabulary mismatch) entre les producteurs, qui publient des documents avec leur propre vocabulaire, et des utilisateurs formulant leur besoin avec un autre.Depuis 2018, l’association OpenDataFrance, qui fédère les collectivités engagées dans une démarche d’ouverture des données, développe le Socle Commun des Données Locales (SCDL) pour homogénéiser la publication en open data de données essentielles produites par des acteurs territoriaux, aider les producteurs à améliorer la qualité des données qu’ils publient. Huit jeux de données préalablement sélectionnés comme prioritaires ont ainsi fait l’objet d’une démarche de standardisation.Le Socle Commun des Données Locales a impulsé une dynamique dans l’administration d’État avec le lancement en juin 2019 de schema.data.gouv.fr, qui référence les standards français qui ont été adoptés par voie réglementaire ou conçus par la communauté des producteurs et réutilisateurs de données.Les schémas de données permettent de décrire des modèles de données : quels sont les différents champs, comment sont représentées les données, quelles sont les valeurs possibles etc. Ils permettent, entre autres, de valider qu'un jeu de données se conforme à un schéma, de générer de la documentation automatiquement, de générer des jeux de données d'exemple ou encore de proposer des formulaires de saisie standardisés.Plusieurs schémas de données ont ainsi vu le jour au cours des derniers mois, comme la Base Adresse Locale (BAL), DATAtourisme, les dispositifs d'aides, les données essentielles des marchés publics français, les équipements (spécification du modèle de données relatif aux équipements collectifs publics d'une collectivité), un schéma de données pour l'indice de réparabilité, un schéma permettant de décrire des projets de travaux d'infrastructure, des schémas pour les infrastructures de recharges pour véhicules électriques, pour les Itinéraires de randonnée, les lieux de covoiturage ainsi que pour les lieux de médiation numérique etc…
Ces « données de forte valeur » que le secteur public doit mettre disposition en vue de leur réutilisationLa Commission européenne a publié le 21 décembre 2022 un règlement qui détaille les modalités d'application de l'article 14 de la directive 2019/1024 sur les données ouvertes et la réutilisation des informations du secteur public.Ce règlement liste six catégories de « données (ensemble de données à forte valeur) » que les acteurs du secteur public devront mettre gratuitement à disposition en vue de leur réutilisation dans un délai de 16 mois : données géospatiales, observation de la terre et environnement, météorologiques, statistiques, entreprises et propriété d'entreprises, mobilité.Ce règlement parachève le cadre juridique de la diffusion d’informations publiques initié dès 2007 avec la directive Inspire (Infrastructure for spatial Information in the European Community). Celle-ci oblige les États membres à la diffusion de données environnementales et leur description par des métadonnées harmonisées.Les producteurs concernés ont ainsi travaillé en 2023 à la publication des données qui n’ont pas encore été ouvertes, et à la vérification du respect des modalités établies dans l’annexe du règlement d’exécution.La liste complète des données de forte valeur et le suivi des ouvertures sera disponible sur ouverture.data.gouv.fr.
[Dossier] Administration proactive : quels enjeux, risques et perspectives ?
De quoi s'agit-il ?L’administration proactive inverse la logique administrative habituelle : plutôt qu’attendre l’usager au guichet, l’administration peut, à partir des informations dont elle dispose, anticiper ses besoins, ses droits et ses obligations. Ainsi, l’administration peut lui rappeler les échéances à venir, lui notifier des droits dont il pourrait se prévaloir et lui indiquer les moyens pour les faire valoir, voire un jour lui accorder ses droits sans attendre sa demande.La notion d’administration proactive se situe au croisement de trois thématiques récurrentes des politique publiques :Simplification : l’administration proactive s’inscrit dans le prolongement du programme « Dites le nous une fois » qui évite aux citoyen.ne.s, lors de leurs démarches en ligne, de communiquer des informations ou pièces justificatives déjà détenues par les administrations, en s’appuyant sur le partage automatique de données.Non-recours aux droits. Alors qu’il incombe, habituellement, aux personnes de déposer une demande, qui doit ensuite être instruite, ici, c’est l’administration qui informe la personne de son éligibilité potentielle à des aides et prestations, sans attendre une démarche de sa part.Aller vers : la notification spontanée par l’administration de l’éligibilité à certains droits ou l’accès automatisé à certaines prestations relèvent aussi, comme l’observe le Défenseur des droits « de ce qu’on appelle l’aller-vers : mot-clé désormais incontournable dans les politiques menées au nom de l’accès aux droits et aux services publics, conçu notamment comme une réponse aux ratés de la dématérialisation ».Les travaux autour de « l'administration proactive » comportent plusieurs volets : techniques, avec les échanges de données entre administrations et développements dédiés, juridiques, notamment pour traiter le consentement et opérationnels avec grande diversité de dispositifs :Détection proactive des erreurs ;Dispensation de déclaration, des lors que l’administration dispose de toutes les informations ;Détection par recoupement de données des personnes éligibles à certains droits et pré-remplissage des formulaires : revenu de solidarité active, prime d'activité, aide personnalisée au logement ;Versement automatique d’aides ou de prestations sans démarche préalable : chèque énergie, allocation de rentrée scolaire, bourses scolaires.Parmi ses 12 propositions pour garantir le « dernier kilomètre » des politiques publiques, le Conseil d'État recommandait récemment de généraliser le recours au « dites le nous une fois ».
Un socle juridique et technique pour l’administration proactiveLa démarche « Dites-le-nous une fois » a posé les bases techniques et juridiques de l’administration proactive. En supprimant la collecte et l’analyse des pièces justificatives auprès des usagers, en complétant les dossiers avec des informations récupérées « à la source » auprès de l’administration de référence et donc plus fiables, il s’agissait d’éviter aux citoyen.ne.s et aux entreprises de fournir lors de leurs démarches en ligne, des informations ou pièces justificatives déjà détenues par d’autres administrations, en s’appuyant sur le partage automatique de données entre administrations via des API (interfaces de programmation).Mis en œuvre en 2014 pour les entreprises, le principe « Dites-le-nous une fois » a été étendu aux personnes en 2018 avec la « loi pour un État au service d’une société de confiance ». Un décret en janvier 2019 définissait le cadre technique et organisationnel relatif aux échanges d'informations et de données entre administrations. La direction du numérique (DINUM) mettait alors en place un guichet « dites-le-nous une fois » avec des outils service de la circulation et l’exploitation des données : un point d’accès unique aux API de l’administration (Api.gouv.fr) et des hubs pour les données des particuliers (Particulier.api.gouv.fr), des entreprises (Entreprise.api.gouv.fr ) et pour les données géographiques (Geo.api.gouv.fr).La logique du « Dites-le-nous une fois » est entrée dans une nouvelle phase avec la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration (dite loi 3DS) et deux décrets publiés le 11 mai 2023. L’article 162 de cette loi facilite encore davantage l’échange d’informations entre administration. Auparavant, chaque API devait être mentionnée dans un décret, soumis a la CNIL. Désormais, l’ouverture est la règle. Le premier décret organise les échanges de données entre administrations en vue « quand celles-ci sont nécessaires pour traiter les déclarations ou les demandes présentées par le public, pour informer les personnes sur leurs droits au bénéfice éventuel d'une prestation ou d'un avantage et pour attribuer, le cas échéant, lesdits prestations ou avantages ». Un second décret précise de son côté la liste des administrations qui devront partager leurs données pour permettre la mise en place de cette administration proactive, ainsi que la nature des informations à partager.Un dispositif encadré par la CNILDans une délibération du 6 octobre 2022, la CNIL note que les échanges de données entre administrations « participent à la simplification des formalités administratives des usagers lorsqu'ils ont pour finalité de dispenser les usagers, personnes physiques ou morales, de fournir les mêmes justificatifs plusieurs fois ». Elle prend acte que les données ainsi collectées « ne seront pas utilisées ou réutilisées à des fins de « détection ou pour la sanction d'une fraude » ».
L'administration proactive en actes : premières réalisationsVersement automatique du chèque énergieGénéralisé en 2018 pour remplacer les tarifs sociaux de l'énergie, le chèque énergie est une aide versée, sous conditions de ressources, pour le paiement des factures d’énergie, l'achat de combustible, certains travaux énergétiques. Le chèque est nominatif, c'est-à-dire que le nom du bénéficiaire est indiqué sur le chèque. Le chèque énergie est destiné aux personnes ayant des ressources modestes. L'administration fiscale établit chaque année la liste des bénéficiaires en fonction du revenu fiscal de référence (RFR) du ménage et de la composition du foyer déterminé en unité de consommation (UC). Le chèque énergie est adressé automatiquement par courrier, à la dernière adresse indiquée à l'administration fiscale.Détection proactive des erreursA l’été 2019, la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) a lancé une campagne nationale de régularisation spontanée qui permet aux Caf de cibler certain.e.s allocataire.trice.s pour les inviter à signaler, même tardivement, une situation de vie maritale ou la perception par un enfant à charge d’un salaire excédant 55% du SMIC. Et ce, sans risquer une pénalité financière (alors qu’un contrôle classique aurait dû déboucher sur une sanction pour fraude). Ce dispositif a d’abord été testé plusieurs mois à Paris avant d’être généralisé. L’administration fiscale déploie des actions similaires pour lutter contre l’évasion fiscale. Grâce à la déclaration sociale nominative (DSN) fiabilisée, les Urssaf peuvent détecter plus facilement des erreurs matérielles commises par les employeurs, pouvant impacter leurs cotisations sociales, grâce à des croisements de données plus efficaces. Et ainsi les corriger en prévenant l’employeur si besoin.Environ 2 millions d’erreurs ont été détectées de manière proactive depuis 2019, dont 75 006 grâce à la recherche automatique d’incohérence entre données, relevées par les URSSAF, avec un outil en ligne pour faciliter le calcul et le recouvrement des cotisations sociales auprès des employeurs (déclaration sociale nominative).Attribution automatique de la complémentaire santé solidaire pour les bénéficiaires du RSALa loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 a permis de faciliter les démarches d’accès à la complémentaire santé solidaire pour plusieurs bénéficiaires de minima sociaux. A ce titre, les nouveaux bénéficiaires du RSA bénéficient depuis février 2022 d’une attribution automatique de la complémentaire santé solidaire. Concrètement, les personnes qui réalisent leur demande de RSA en ligne via le téléservice dédié se voient systématiquement proposer la complémentaire santé solidaire à la fin de cette démarche. Sauf s’il s’y opposent, un droit leur est alors ouvert, ainsi qu’aux membres de leur foyer s’ils remplissent bien les conditions d’éligibilité au RSA.Versement automatique de l’indemnité inflationL'indemnité inflation est une aide exceptionnelle et individuelle de 100 € versée à 38 millions de personnes résidant en France, pour préserver leur pouvoir d'achat face à la forte hausse du coût des énergies. A partir de décembre 2021, l'indemnité inflation de 100 euros a été versée automatiquement aux personnes percevant moins de 2 000 euros par mois sans qu’elles aient besoin d’en faire la demandeMise en place automatique de l’intermédiation du paiement des pensions alimentairesDepuis le 1er mars 2022, le versement de la pension alimentaire fixée par un juge s'effectue automatiquement par la CAF ou la MSA. Ce nouveau service public des pensions alimentaires a été mis en place pour éviter les retards de paiement et les impayés, protéger les familles monoparentales en situation de précarité et simplifier le quotidien des parents séparés. À partir de janvier 2023, le dispositif est étendu à toutes les séparations extrajudiciaires dès qu'une pensionCollèges et lycées : automatisation de l’attribution des bourses aux famillesPour la rentrée 2024, à l’issue de l’inscription au collège et au lycée, les familles n’auront aucune autre démarche à réaliser ni justificatif à transmettre pour l’obtention et la reconduction des bourses scolaires tout au long de la scolarisation (7ème Comité interministériel de la Transformation publique).
Administration proactive et accès aux droitsConséquence de la complexité du système de prestation sociales, le non-recours est un phénomène massif avec des conséquences sociales importantes.Plusieurs études récentes, portant sur différentes prestations sociales, montrent que le non-recours atteint fréquemment des niveaux supérieurs à 30 % en France. C’est le cas du RSA (34 % de non-recours) ou encore du minimum vieillesse (50 % de non-recours pour les personnes seules).Une dématérialisation qui complique l'accès aux droitsDe nombreuses études pointent la dématérialisation parmi les facteurs qui entravent l'accès aux droits.Le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion (CNLE) évoque le fonctionnement parfois qualifié de « dégradé » des administrations, les démarches complexes, les possibilités d’accueil physique très rares, l’injonction au recours aux démarches en ligne en hausse.Pour l'Observatoire de l’éthique publique (OEP), si « la dématérialisation constitue à certains égards, une garantie supplémentaire de la continuité du service public » (en permettant de réaliser des démarches en tout lieu et à toute heure), elle emporte, toutefois, en contrepartie, « une complexification technique des démarches administratives et une dépendance technologique, susceptibles de créer de nouvelles ruptures ».Une étude réalisée en 2021 par le Secours Catholique et l'Odenore constatait que « pour accéder à ses droits et s’y maintenir, des exigences croissantes reposent désormais sur les épaules des allocataires qui sont incités à faire preuve d’autonomie numérique. Ils doivent en effet disposer d’une messagerie électronique et savoir s’en servir, conserver des identifiants et changer les mots de passe régulièrement, se connecter pour effectuer la mise à jour de leur dossier… Autant de “conditionnalités implicites” extérieures au droit, qui peuvent provoquer des difficultés et du non-recours pour ceux qui ne maîtrisent pas les savoirs numériques ».« Hier parfaitement autonomes pour effectuer leurs démarches administratives, nombre de bénéficiaires de prestations sociales sont aujourd’hui confrontés à des services sociaux qui ne sont accessibles qu’en ligne. Le taux de non-recours risque fort d’augmenter pour ce public précaire moins équipé et moins compétent pour l’interaction numérique que le reste de la population » conclut, un rapport d’enquête commandité par la direction régionale de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion sociale (DRJSCS) des Hauts-de-France.Un Comité de coordination pour l’accès aux droitsUn Comité de coordination pour l’accès aux droits a été installé le 30 janvier 2023 par le ministre des Solidarités. Il aura pour mission de suivre l’expérimentation Territoires zéro non-recours, puis de construire la vaste réforme de la solidarité à la source.« Solidarité à la source » : une première étape de simplification des démarches à partir de 2024Le projet de « solidarité à la source » permettra à une personne, quel que soit le « guichet social » auquel elle s’adresse, de savoir à quelles prestations elle a droit. Cette réforme source se fera finalement en deux étapes :La première, à partir du second semestre 2024, consistera à simplifier massivement les démarches administratives pour bénéficier des prestations de solidarité : le RSA et la prime d’activité dans un premier temps. L’objectif est de s’inspirer de la logique de la déclaration fiscale préremplie, pour en finir autant que possible avec les chiffres à chercher et les justificatifs à rassembler. Les formulaires de demande et de renouvellement du RSA et de la prime d’activité seront pré-renseignés à partir des informations déclarées par les entreprises, et les allocataires n’auront plus qu’à les valider. Grâce à la mise en commun des données de revenus dont disposent les différentes caisses et administrations, des travaux d’exploration de données pourront être menés : les personnes potentiellement éligibles mais non recourantes pourront être identifiées, puis contactées et invitées à faire valoir leurs droits.La seconde étape de la « solidarité à la source » consiste à repenser les paramètres des prestations de solidarités, pour en harmoniser les bases ressources.Le Conseil d'état, dans son rapport consacré au « dernier kilomètre » des politiques publiques, recommande qu’il n’y ait plus que deux types de bases ressources :une première pour toutes les prestations relevant de la famille et du RSA ;une seconde pour les ressources fondées sur des notions fiscales.
Promesses et risques de l’administration proactiveUn colloque, consacré au non-recours aux prestations sociales, organisé par la direction des études du ministère de la Solidarité (DREES) a permis d'explorer les « effets de bord » de l'automatisation des aides sociales.Une première difficulté réside dans la capacité des algorithmes à intégrer les situations complexes : ce sont justement les personnes les plus précaires qui ont souvent les dossiers administratifs les plus complexes, du fait de changements de situation dans le travail, le logement ou encore la situation familiale. Pour ces personnes, l’automatisation pourrait engendrer des besoins d'accompagnement. Une autre difficulté résulte du mode de calcul du dispositif de ressources mensuelles (DRM) qui sous tend le projet de solidarité à la source. Daniel Agacinski, Délégué général à la médiation auprès de la Défenseure des droits, alerte sur un risque d'effet « boîte noire », la difficulté étant « ne pas avoir la possibilité d’entrer humainement dans ce DRM pour changer et rectifier les erreurs ».Dans un chapitre de son rapport annuel d'activité 2021, consacré aux « promesses de l’administration proactive », la Défenseure des droits prend acte, comme la CNIL, que « les informations (…) ainsi recueillies (…) ne peuvent être ultérieurement utilisées à d’autres fins, en particulier à la détection et à la sanction d’une fraude ».Pour la Défenseure des droits, « il est permis de s’interroger sur les effets durables d’une automatisation du calcul et du versement de certaines prestations. D’une part, l’automatisation n’exclut pas tout dysfonctionnement, comme (on) a pu l’observer depuis la mise en place du chèque-énergie ou du nouveau calcul des aides au logement. D’autre part, c’est courir le risque d’aller encore plus loin dans l’effacement des services publics, dans la perte de leur dimension relationnelle, pourtant fondamentale dans le rôle que ces services jouent en faveur du lien social et du sentiment de légitimité que chacune et chacun peut ressentir au moment de revendiquer et de faire valoir ses droits ».
Prochaine étape : « Dix moments de vie »Le 7ème comité interministériel de la transformation publique, réuni le 9 mai 2023 à Matignon, a décidé la mise en œuvre d'une nouvelle méthode de simplification autour de 10 « moments de vie » : Je deviens étudiant, J’établis mon identité, Je pars-je vis-je reviens de l’étranger, Je rénove mon logement, Je perds un proche, je deviens parent, je vote, je m’engage dans la vie associative, je déménage, je prends ma retraite.Pour l’année 2023, la priorité est donnée à cinq de ces dix moments de vie : Je deviens étudiant, J’établis mon identité, Je pars-je vis-je reviens de l’étranger, Je rénove mon logement, Je perds un proche.
Rapport
Voir tous les rapportsBilan et impact du dispositif Conseiller numérique
Deux programmes nationaux de rechercheVéritable pilier de la politique nationale d’inclusion numérique, le dispositif Conseiller numérique (initialement intitulé Conseiller numérique France Services) a fait l’objet d’évaluations in itinere et ex post issues de deux programmes nationaux de recherche permettant de documenter son déploiement et d’évaluer son impact auprès de la population française. Ces recherches complètent les données d’activité des conseillers numériques en poste.1) Un programme de recherche portant sur le déploiement du dispositifPourquoi un programme de recherche ?Au-delà de combler un déficit constaté de professionnels de l’accompagnement au numérique, le dispositif Conseiller numérique porte une hypothèse d’action forte :Son déploiement sur les territoires va permettre de lancer, d’initier, ou de consolider des dynamiques ou des stratégies locales d’inclusion numérique, visant la réduction des inégalités numériques et la montée en compétences numériques des Français.Cette hypothèse suppose de considérer le dispositif non pas comme une fin – le déploiement de 4 000 conseillers numériques sur le territoire national – mais comme le moyen d’une action de l’Etat visant la réduction des inégalités numériques et la montée en compétences des Français, par les territoires, sur les territoires. Dans cette perspective, le déploiement des conseillers numériques constitue un levier à disposition des acteurs territoriaux, pour engager et mener à bien une stratégie d’inclusion numérique au niveau local ; celle-ci étant entendue, de manière large, comme visant à équiper les Français pour le numérique du quotidien, les accompagner aux démarches administratives et les engager dans un processus de montée en compétences numériques.ObjectifsL’objectif général de ce programme de recherche était de décrire la manière dont les territoires s’emparent du dispositif Conseiller numérique pour développer des stratégies/politiques locales d’inclusion numérique.Il s'est développé et appuyé sur deux types de méthodologie :Une enquête quantitative par questionnaire à l’adresse des conseillers numériques d’une part, des responsables de structures employeuses d’autre part. L’objectif est de recueillir le point de vue (informations, perceptions, représentations) sur le dispositif des principaux acteurs du dispositif.Une enquête qualitative, par entretiens et observations, sur 5 territoires. L’objectif est de pouvoir répondre à la question dans sa dimension locale et territoriale, en adoptant une approche qualitative compréhensive (documentation du dispositif, entretiens semi directifs, suivi d’instances ad hoc etc.) permettant de saisir les logiques d’acteurs au niveau local.Cette recherche possédait une dimension longitudinale, afin de pouvoir suivre et observer le déploiement du dispositif dans le temps. Le présent article rend compte de la phase finale dudit programme de recherche. Les résultats intermédiaires sont disponibles ici.Équipe de rechercheCe programme national de recherche était financé par le programme Société Numérique de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Il est réalisé par le centre de recherche d'Askoria, et placé sous la direction scientifique de Pierre Mazet[1] (équipe : Florian Pedrot[2], Jordy Stefan[3], Alice Valiergue[4]). Il s’inscrit par ailleurs dans le cadre du programme de recherche-action Labaccès. Le volet "Recherche" du Labaccès étant lui-même le fruit d’un partenariat entre le Ti Lab (laboratoire régional d’innovation publique breton) et le centre de recherche d'Askoria.[1] Chercheur en sciences social, associé au LabAcces / [2] Docteur en sociologie, membre du programme LabAcces et chercheur associé au Labers (Lorient/Brest) / [3] Psychologue, docteur en psychologie sociale, chargé de recherche au centre de recherche d’Askoria / [4] Post-doctorante à la Chaire santé de Sciences Po, Chercheure associée au Centre de Sociologie des Organisations (Sciences Po/CNRS).2) Un programme de recherche portant sur l'impact du dispositifPourquoi un programme de recherche ?Les données nationales sur les usages numériques des Français mettent en avant l’existence d’inégalités fortes entre les citoyens dans leur rapport au numérique. De nombreux travaux, et notamment le travail mené récemment pour l’ANCT par le Centre de recherche sur l’éducation, les apprentissages et la didactique (CREAD), le Centre de Recherche pour l’Étude et l’Observation des Conditions de Vie (CREDOC) et le GIS M@rsouin, mettent en avant les dynamiques et contextes qui caractérisent les situations d’éloignement du numérique.Afin de lutter contre l’éloignement du numérique, différents dispositifs existent, et notamment les actions de « médiation numérique ». Le dispositif Conseiller numérique visait justement le recrutement et la formation de 4 000 médiateurs numériques (en l’occurrence, des conseillers numériques), répartis sur le territoire national, chargés de proposer des ateliers d’initiation et de formation au numérique aux Français éloignés du numérique.A ce jour, nous disposons de peu de données ou d’étude nationale sur les effets de la médiation sur la réduction des inégalités numériques, et sur la montée en compétence de ses publics. C’est la raison pour laquelle ce programme de recherche vise à explorer l’effet de la médiation numérique sur les publics qui en bénéficient, en s’appuyant sur le dispositif Conseiller numérique, qui regroupe un ensemble de professionnels au sein d’un réseau structuré et animé par l’ANCT. Toutefois, il est important de souligner la diversité et la richesse du champ de la médiation numérique, qui ne saurait se résumer à ces professionnels et aux publics présentés dans cette étude.Cette étude repose sur une enquête quantitative par questionnaire disponible dans la Base ANCT.ObjectifsDans la continuité des travaux menés sur l’éloignement du numérique, cette recherche a pour enjeu de proposer une approche renouvelée de l’impact de la médiation numérique sur les publics, en adoptant un ensemble de variables subjectives permettant de replacer le numérique dans ses contextes d’usage (car le numérique n’est jamais sans objet) et de saisir ce que la médiation change dans le rapport des publics au numérique.L’objectif général de cette recherche est de décrire les profils des publics qui viennent à la rencontre des médiateurs numériques, en l’occurrence des conseillers numériques, la nature de l’accompagnement dont ils ont bénéficié, mais aussi ce que l’accompagnement a changé dans leur rapport au numérique.Plusieurs éléments sont étudiés :Les profils des publics des conseillers numériques, du point de vue de leurs caractéristiques sociodémographiques mais aussi de leurs usages du numérique ;Les mécanismes et les contextes de recours des publics à l’accompagnement d’un conseiller numérique ;Les éléments généraux sur le rapport des publics aux accompagnements et sur les sujets abordés au sein des accompagnements ;Le changement du rapport au numérique généré par les accompagnements, en étudiant le sentiment de compétence des usagers.Équipe de rechercheCe programme national de recherche était financé par le programme Société Numérique de l'ANCT et a été réalisé par Asdo études dont l'équipe de recherche était composée de Loïcka Forzy, Marie Dubus, Julien Gaffiot et Mathilde Caro.
Rapports et infographie
Les principaux résultatsLe présent article s'inscrit dans le cadre des publications du Laboratoire Société Numérique et comporte, à ce titre, des choix éditoriaux reflétant le positionnement de ce site d'information.Des accompagnements au numérique partout, pour tousEn moins de trois ans, les conseillers numériques ont réalisé plus de 4 millions d’accompagnements partout en France (territoires d’Outre-mer compris). Aussi bien pratiqués en individuel qu’en ateliers collectifs, ces accompagnements bénéficient majoritairement aux individus les plus vulnérables (peu ou pas diplômés, retraités, employés ou demandeurs d’emploi), résidant principalement dans des zones périurbaines ou rurales. S’ils ne sont pas moins équipés en termes d’outils numériques que la moyenne des Français, les bénéficiaires des conseillers numériques se décrivent pour autant comme étant très peu à l’aise avec le numérique. Si l’on regarde les motifs d’accompagnements, on constate que les conseillers numériques accompagnement en premier lieu leurs bénéficiaires à l’utilisation quotidienne des outils numériques (prendre en main un équipement, naviguer sur internet, communiquer avec ses proches), mais ils incarnent aussi un tiers de confiance auprès duquel les personnes accompagnées cherchent à être rassuré vis-à-vis du numérique (second motif de recours). Par ailleurs, avec près de 73% des conseillers numériques qui interviennent sur plusieurs sites, ce dispositif tendrait à être au plus proches des personnes éloignées du numériques dans une logique « d’aller vers ».Des conseillers numériques qui répondent aux attentes de leurs publicsPrès de 99% des bénéficiaires interrogés estiment que l’aide des conseillers numériques a répondu à leurs attentes. Concrètement, ils sont 93% à réussir aujourd’hui des tâches avec le numérique qu’ils n’arrivaient pas à faire avant l’accompagnement et 97% à avoir le sentiment d’avoir progressé. En outre, suite aux accompagnements, ils sont 60% à être plus à l’aise et moins stressé à l’idée de manipuler des outils numériques, il s’agit donc d’un dispositif contribuant à lever les freins psycho-sociaux à l’usage du numérique. D’ailleurs, à l’issue des accompagnements, le numérique est moins perçu comme un danger, et un risque, mais davantage comme une opportunité par les bénéficiaires.La création d’une communauté de professionnels qualifiésLe dispositif Conseiller numérique repose sur la mobilisation de 4 000 professionnels de la médiation numérique, recrutés et formés dans le cadre du dispositif. Il s’agit d’une communauté assez jeune, en moyenne 37 ans, de niveaux d’étude très variés (bac ou inférieur, Bac + 2 et Bac +3 et supérieur à parts égales), tout en étant paritaire (49% de femmes).Il convient de noter qu’il s’agit d’un dispositif créateur d’emploi puisque 83% des postes de conseiller numérique sont des créations de poste. D'ailleurs, 70% des structures employeuses interrogées indiquent qu'elles n'auraient pas recruté de médiateur numérique sans le dispositif. En outre, avec près de la moitié des conseillers numériques (48%) en recherche d’emploi lors de leur recrutement, le dispositif apparaît comme un levier d’insertion par l’emploi.Des structures employeuses investissant le champ de l'inclusion numériqueLes 4 000 conseillers numériques ont été recrutés par près de 2 900 structures employeuses, autant dans le secteur public (collectivités territoriales) que privé (associations et entreprises de l’économie sociale et solidaire). Les structures publiques étaient principalement des communes (40%) et des communautés de communes (28%). Les structures privées, quant à elles, intervenaient principalement dans les champs de l'éducation populaire (30%) et de l'accompagnement social (29%).Pour beaucoup de structures employeuses, le dispositif Conseiller numérique a été une opportunité d'investir le champ de l'inclusion numérique (surtout pour les structures publiques) ou de consolider leur investissement antérieur (surtout pour les structure privées). A ce titre, 60% des structures interrogées n'employaient pas de médiateur numérique avant la mise en place du dispositif et 70% déclarent qu'elles n’auraient pas engagé de médiateur.ice.s numériques sans le dispositif.Dans cette lignée, les structures employeuses interrogées sont d'accord pour dire que le dispositif a permis de répondre aux besoins de leur territoire en matière d’inclusion numérique ou à prendre conscience des besoins du territoire/des publics en matière d’inclusion numérique. D'ailleurs, les structures évoquent un haut degré de satisfaction de leur(s) conseiller(s) numérique(s) sur le terrain. De manière intéressante, selon elles, le dispositif est venu combler un manque, en particulier sur le besoin d'avoir des interlocuteur.ice.s physiques pour se repérer dans les questions numériques.Même si plus de 70% des structures employeuses ont complètement renouvelé leur(s) poste(s) de conseiller numérique, les structures interrogées indiquent qu'une visibilité à long terme des postes aurait pu être davantage présente au sein du dispositif.Un dispositif porteur de dynamiques territoriales d’inclusion numériqueLe dispositif Conseiller numérique a fait l’objet d’un appel à manifestation d’intérêts (AMI) auprès des collectivités, associations et entreprises de l’économie sociale et solidaire. Dans cadre, les observations réalisées sous forme de monographies de territoires montrent "l’émergence de coordinateurs territoriaux", à l’échelle départementale, pour répondre à l’AMI. L’endossement de ce rôle de chef de file dépendait principalement de l’implication historique des acteurs locaux sur le sujet de l’inclusion numérique et pouvait donc aussi bien être incarné par le Conseil départemental, la Préfecture département ou encore, le cas échéant, la Métropole. En tout état de cause, en faisant émerger ces coordinations territoriales, le dispositif Conseiller numérique semble avoir contribué à lancer ou à renforcer le sujet de l'inclusion numérique au niveau local.En outre, l'enquête met en lumière le fait que "l’un des aspects remarquables de l’émergence de coordinateurs territoriaux est qu’elle génère de multiples séquences d’intéressement des acteurs locaux, en particulier sur et à partir de la question de la répartition des conseillers numériques : identification et mobilisation des acteurs, réunions, mise en discussion de la pertinence de la répartition, questionnements sur les besoins des territoires, utilisation d’outils pour objectiver les données locales, rédaction de fiches projets, formalisation des objectifs, etc". La génération de ces séquences d’intéressements sur les territoires s'est déclinée « en cascade ». En effet, par incidence, on constate ces mêmes logiques de concertation au niveau des communautés de communes, voire au sein même des communes (implication des médiathèques, centres sociaux, etc). D'ailleurs, les structures employeuses interrogées sont d'accord pour dire que le dispositif a permis de faire du lien entre acteurs sur les questions d’inclusion numérique à l’échelle locale.Ces dynamiques territoriales sur le sujet de l’inclusion numérique, liées au déploiement du dispositif Conseiller numérique, sont fragiles. En effet, certains coordinateurs territoriaux sont sortis du dispositif, notamment pour des raisons "budgétaires et politiques", entraînant parfois avec eux "la disparition de la fonction de coordination".Dans une perspective de territorialisation de la politique publique d'inclusion numérique, dans le cadre de la feuille de route France Numérique Ensemble, ces dynamiques territoriales pourraient être consolidées auprès des gouvernances locales de l’inclusion numérique.
Les carnets des NEC Locaux
Les carnets des NEC locaux regroupent les reportages des événements et les approches, outils, territoires et personnes qui construisent les leviers de l’encapacitation au numérique des treize millions de Français·es éloigné·es de ce dernier.
Découvrir les carnets NEC