« Avec la crise sanitaire du printemps 2020, imposant d’abord le confinement puis des restrictions d’accès aux locaux professionnels dans le but d’éviter au maximum la contagion du Covid-19, le télétravail s’est imposé pour beaucoup comme la seule solution permettant d’assurer une continuité d’activité. Alors qu’il ne concernait en France qu’environ 7 % des actifs avant la crise, il est devenu familier pour un grand nombre d’entre eux. En mars 2021, environ un quart des salariés étaient en télétravail complet. Dix-huit mois plus tard, le télétravail s’est consolidé, organisé, et s’installe dans le paysage. Avec la sortie de crise, se pose la question du devenir du télétravail en rythme de croisière ».
S’appuyant sur une table ronde réunissant plusieurs experts au Sénat, la délégation à la prospective du Sénat a identifié huit questions sur l’avenir du télétravail. Elle assortit ses réponses d’une série de recommandations.
Pourrons-nous être tous télétravailleurs en 2050 ?
La réponse est clairement négative pour les trois rapporteurs de la délégation à la prospective : Céline Boulay-Espéronnier, Cécile Cukierman, et Stéphane Sautarel : « une partie encore significative du travail ne peut pas être exercée à distance. Au mieux la moitié des actifs pourraient être concernés par le télétravail en France. En outre, nous ne télétravaillerons pas tout le temps et alternerons probablement présentiel et distanciel ». Les rapporteurs recommandent des enquêtes régulières permettant de connaître les effectifs, les modalités précises du déploiement du télétravail dans les entreprises et les administrations et de mesurer ses effets sur les différentes catégories de travailleurs sont donc nécessaires.La croissance économique sera-t-elle stimulée par le télétravail ?
« Les perspectives de gains de productivité ne sont pas garanties mais elles sont probables dès lors que le télétravail sera bien organisé au sein des entreprises et des administrations ».Les sénateurs recommandent ici la mise en place d’un observatoire du télétravail pour « analyser les bonnes pratiques, mais aussi les cas d’échecs » et « construire pas à pas un référentiel qui serait utile à tous ».
Le télétravail peut-il conduire à de nouvelles délocalisations ?
Les rapporteurs ne pensent pas que le télétravail puisse conduire à de nouvelles délocalisations. « Le télétravail ne change pas forcément la donne, d’autant que les emplois les plus télétravaillables sont les plus qualifiés, sur lesquels il existe plutôt une pénurie mondiale ». Le vrai risque est celui d’une délocalisation des télétravailleurs, qui, « pour des raisons fiscales ou tout simplement de préférence personnelle, pourraient accroître leur mobilité au détriment de leur présence en France ».Les sénateurs recommandent néanmoins de veiller à préserver l’attractivité résidentielle de la France « pour faire de notre pays une terre d’accueil plutôt que d’exil des télétravailleurs ».
Le télétravail peut-il constituer une avancée sociale ?
S’il fait apparaître des risques nouveaux qu’il convient de gérer, préviennent les parlementaires, le télétravail, choisi et négocié, élargit l’éventail des possibilités offertes aux salariés. Il pourrait même devenir un des critères d’appréciation de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), « afin d’inciter à la recherche du bien-être social des télétravailleurs », avancent-ils.Le télétravail peut-il avoir un impact majeur sur nos lieux de vie et nos mobilités ?
Enfin, s’il est encore trop tôt pour proclamer la revanche des campagnes et la fin des embouteillages, un mouvement de relocalisation peut s’enclencher et prospérer dans les années à venir, notamment au profit d’une ruralité gagnante, prédit le rapport.Pour préparer cette mutation, ses auteurs jugent utile d’anticiper l’arrivée de nouveaux télétravailleurs dans les territoires à travers divers investissements : tiers-lieux, installation de la fibre, maintien de services publics locaux, infrastructures de loisirs et lieux de sociabilité, aide à la construction de logements adaptés. Dans les grandes agglomérations, il conviendrait d’encourager la requalification des surfaces de bureaux en logements ou de les rendre plus modulaires. Parallèlement, il est essentiel d’anticiper les nouvelles manières de se déplacer, en réorganisant l’offre de transports collectifs et en accélérant le passage de la propriété des véhicules à l’usage partagé, prône le rapport d’information.
Le télétravail peut-il améliorer notre environnement ?
« Le télétravail, en réduisant les déplacements, contribue à la transition vers la décarbonation de nos économies. Mais il rend encore plus indispensable la maîtrise de notre empreinte numérique ». Il conviendrait, selon les rapporteurs, « d’encourager dès maintenant la réutilisation et le partage des objets numériques pour éviter le suréquipement des entreprises et des ménages ».Le télétravail nous rend-il trop dépendants des outils informatiques ?
« Nous avons besoin d’un outillage informatique performant pour réussir l’expérience du télétravail. Des télétravailleurs mieux équipés et mieux formés seront plus à même de faire face aux nouveaux risques numériques qui devront être maîtrisés ». Il conviendrait d’achever le déploiement des infrastructures numériques comme la fibre sur tous les territoires, pour ne pas créer des zones blanches de télétravail, mais aussi davantage former aux métiers de la cybersécurité et encourager des data center localisés sur le territoire national, pour sécuriser les données ».Le télétravail constitue-t-il une perspective universelle ?
« Nous disposons d’instruments de plus en plus puissants permettant de travailler, d’étudier, d’échanger à distance. Télétravailler va dans le sens de l’histoire. Pour autant, l’être humain est un animal social qui a besoin d’échanges directs, qui se noueront peut-être moins au travail et devront donc trouver de nouveaux cadres ». Il appartient aux organisations de « transformer les modes de management pour les faire reposer davantage sur la confiance. Un effort de formation de l’encadrement, notamment de l’encadrement intermédiaire sera nécessaire ».Référence :