« Près de cinq millions et demi d’habitants vivent dans les 1 514 QPV de France métropolitaine et d’outre-mer. Résidant plus fréquemment dans des communes densément peuplées et dans des logements sur-occupés, ces habitants sont également plus vulnérables en raison de leurs conditions d’emploi. Ce sont les « nouvellement vulnérables » de la crise sanitaire ».
L’Observatoire national des politiques de la Ville (ONPV) dresse, dans son sixième rapport, une synthèse de diverses études et enquêtes sur le thème des vulnérabilités et des ressources des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV)*.
L’ONPV consacre un chapitre détaillé du rapport aux pratiques numériques des habitant.e.s des quartiers prioritaires.
Il s’appuie sur l'enquête Capuni réalisée en 2019 auprès de 7500 personnes.
Les chercheur.se.s du Groupement d'Intérêt Scientifique M@rsouin ont comparé les réponses des habitant.e.s des Quartiers Prioritaires de la politique de la Ville (QPV) avec celles des habitants des Unités Urbaines Englobantes** (métropoles et communautés urbaines, le plus souvent) et celles de la population générale.
Moins équipé.e.s d’ordinateurs personnels, smartphones ou tablettes ...
En 2019, 87 % des habitant.e.s des QPV métropolitaine âgés de 18 à 59 ans étaient équipé.e.s d’un smartphone (contre 91 % des habitant.e.s de France métropolitaine), 75 % d’un ordinateur à la maison (contre 89 %) et 48 % d’une tablette (contre 54 %).
Référence :
Leurs motifs de non-possession d’un smartphone sont d’abord le fait de ne pas maîtriser cet outil, puis le coût des abonnements.
... les résident.e.s des QPV utilisent moins le numérique pour leurs activités du quotidien
En 2019, 97 % des habitant.e.s de QPV âgé.e.s de 18 à 59 ans ont utilisé Internet au moins une fois au cours des trois derniers mois.
« Si les habitants des QPV âgés de 18 à 59 ans utilisent aussi souvent Internet que l’ensemble des habitants des unités urbaines englobant un QPV pour prendre un rendez-vous médical, ils l’utilisent moins que les habitants des unités urbaines englobantes pour faire leurs courses en ligne ou pour réaliser des opérations bancaires. »
Seuls 39% des habitant.e.s concerné.e.s des QPV ont déjà pris un rendez-vous médical par le biais d’Internet dans l’année précédente contre 46 % de ceux qui résident dans les unités urbaines (UU) englobantes. « En prenant en considération les variables de contrôle du modèle, l’écart visible entre les deux proportions n’est pas dû au quartier d’habitation mais plutôt au niveau d’études et à la catégorie socioprofessionnelle des individus : les plus diplômés et les catégories socioprofessionnelles supérieures étant plus disposés à ce type de pratique ».
L'équipe de M@rsoin pointe une plus grande difficulté ressentie par les habitant.e.s de ces quartiers à utiliser ces plates-formes numériques spécifiques : 27 % des résident.e.s de QPV estiment qu’utiliser le numérique pour faire ses courses rend la tâche plus difficile (contre 13 % celles et ceux des UU englobantes).
79 % des résident.e.s des QPV utilisent les plateformes numériques proposées par leur banque alors qu’ils sont 88 % dans les quartiers environnants.
Seuls 15 % des habitant.e.s des QPV font leurs courses en ligne contre 25 % dans les UU englobantes.
Les résident.e.s des QPV sont moins nombreux.ses à juger qu’il est facile de réaliser des opérations bancaires en ligne (79 % contre 92 %). « Au-delà des effets de l’âge, du diplôme, du niveau de vie ou de la possession d’équipements numériques donnant accès à Internet, les habitants des QPV ont une probabilité inférieure de 30 % de se tourner vers le numérique s’agissant des opérations bancaires par rapport aux habitants des UU englobantes ».
Des difficultés à réaliser des démarches administratives en ligne
14 % des résident.e.s des QPV estiment difficile de faire une demande de prestation auprès de la Caisse d’allocations familiales en utilisant le numérique (contre 11 % dans les UU englobantes).
L’écart le plus significatif concerne les démarches liées aux impôts : là où 80 % des résident.e.s des UU englobantes estiment qu’avec le numérique « c’est facile » de déclarer ses impôts, seuls 63 % en QPV partagent ce sentiment.
22 % des habitant.e.s des QPV jugent cette tâche en ligne difficile (12 % dans les UU englobantes) et 15 % que le numérique n’apporte rien (8 % dans les UU englobantes).
* Les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) sont définis à partir d’un critère de pauvreté des habitants en zones urbanisées. Les habitants de ces quartiers sont caractérisés par leur faible niveau de vie de même que par une proportion plus importante de jeunes, de chômeurs et d’immigrés.
** Une unité urbaine englobante constitue un territoire d'une ou plusieurs communes présentant une zone de bâti continu (pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions) et comprenant au moins un quartier prioritaire. Ces agglomérations comprennent au moins 10 000 habitants.
L’enquête CAPUNI est soutenue par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT, la Région Bretagne, et la Région Bourgogne-Franche-Comté. Elle tente de mesurer ce qu’apporte (ou n’apporte pas) le numérique aux individus en termes d’autonomisation (empowerment). Elle vise à rendre compte des usages, des représentations et du pouvoir d’agir en matière de numérique des habitants de France métropolitaine en 2019. Certains territoires spécifiques ont été étudiés grâce à des sur-échantillonnages : zones rurales isolées (communes éloignées des grands pôles urbains et de faibles densités, 1 500 questionnaires) et quartiers prioritaires de la politique de la ville (2 000 questionnaires). L’enquête CAPUNI s’est déroulée par téléphone du 21 janvier au 17 juin 2019. 7 500 habitant.e.s de France métropolitaine de 18 ans et plus y avaient répondu.