Trois chercheurs du CNRS, de la MSH Paris Saclay etde Télécom ParisTech viennent de publier une étude qui estime pour la première fois le nombre des travailleurs du clic en France.
« L’économie numérique connaît actuellement une prolifération des plateformes de « micro- travail : il s’agit de services spécialisés où des prestataires acceptent de réaliser des tâches fragmentées et standardisées, généralement payées à la pièce. Ces activités ne prennent que quelques minutes et leurs rémunérations peuvent être aussi faibles que quelques centimes. Souvent répétitives et peu qualifiées, elles consistent, par exemple, à identifier ou nommer des objets sur des images, transcrire des factures, traduire des morceaux de texte, modérer des contenus (comme des vidéos), trier ou classer des photographies, répondre à des sondages en ligne ».Selon les auteurs, Clément le Ludec, Paola Tubaro et Antonio Casilli, « ces tâches font souvent partie de processus data-intensive et de chaînes logistiques longues, nourrissant des activités aussi variées que la numérisation d’archives, les études de marché, la gestion d’opérations de back-office et surtout le développement de l’intelligence artificielle. Le micro-travail sert, d’une part, à qualifier l’information nécessaire pour ces algorithmes d’apprentissage automatique, d’autre part, à contrôler la qualité des résultats et, éventuellement, à y apporter des corrections ».
L’ampleur de cette nouvelle forme de travail reste mal connue. La statistique publique saisit encore mal l’économie des plateformes, et les (peu nombreuses) enquêtes menées jusqu’ici ont regroupé le micro-travail avec d’autres activités inter-médiées par les plateformes. La seule information largement relayée sur le sujet est que la principale plateforme française, Wirk, fait état de 50.000 contributeurs et a dû fermer ses inscriptions.
Trois modèles d’implication
En vue d’estimer le nombre de personnes concernées par le micro-travail en France, les auteurs ont combiné trois méthodes : la prise en compte des chiffres déclarés par les plates-formes qui recrutent en France, poster des offres de tâche sur les plates-formes pour voir qui y répondait et, enfin, mesurer l’audience de ces plates-formes.Ils détectent ainsi trois modèles d’implication dans ces activités, qui correspondent à trois bassins d’usagers de plateformes de micro-travail
- un groupe de 14 903 micro-travailleurs « très actifs », car présents sur des plates-formes de micro-travail au moins une fois par semaine
- un deuxième de 52 337 utilisateurs réguliers, plus sélectifs et présents au moins une fois par mois ;
- enfin, un troisième groupe de 266 126 travailleurs qu’ils estiment occasionnels.
Les principales plateformes de micro-travail en France
Les auteurs de l’enquête ont développé une méthodologie pour extrapoler le nombre de travailleurs du clic, soit le nombre d’inscriptions françaises enregistrées sur les principales plateformes et se connectant depuis la France.- Amazon Mechanical Turk : 1 250
- Microworkers : 12 766
- Clickworker : 72 720
- Clixsense : 130 900
- Wirk : 50 000
- Ferpection : 14 460
- Appen : 37 000
Selon les auteurs de l’enquête, celle-ci montre « que le micro-travail a une incidence comparable voire supérieure aux effectifs des plateformes VTC et de livraison-express en France. Il n’est donc pas un phénomène anecdotique et il mérite une grande attention de la part des chercheurs, des partenaires sociaux et des décideurs publics ».
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