Le rapport final de la mission chargée de formuler des propositions pour développer les espaces de travail collaboratif, animée par Patrick Levy Waitz, apporte de nombreuses données sur le maillage territorial « tiers lieux ».
Les auteurs du rapport estimaient, en debut de mission qu’il en existait 600 tiers lieux en France. «On les appelle «coworking» « Fablab », « atelier partagé », « Living Lab », « garage solidaire », « social place », « makerspace », ou encore « friche culturelle » : ils visent la création, la formation, l’apprentissage. Ils valorisent le partage, la solidarité, « le faire ». Ils sont en mouvement dans une société, hybride dans un environnement en profonde mutation ».
Plutôt que de procéder à un nouvel (et impossible) recensement, la mission s’est appuyée sur les résultats de 15 bases de données existantes et procédé à leur recoupement par géolocalisation. La mission estime, à l’issue de ses travaux, à 1800 le nombre des tiers lieux existants : 1463 tiers lieux identifiés et près de 1800 si on y ajoute les 20% de tiers lieux que la mission estime n’avoir pas encore repérés).
Deux grands types de tiers lieux ont ainsi été distingués :
- Tiers lieux à dominante coworking, où les espaces de travail partagés constituent le coeur de l’activité ;
- Tiers lieux à dominante fablab, où la fabrication, à travers la mise à disposition de machines et d’outils, est le coeur de l’activité.
Les tiers lieux à dominante coworking représentent 76% des 1463 tiers lieux identifiés.
Une forte concentration dans les métropoles
Sur ces 1 463 tiers lieux, 674, soit près de la moitié du total, se trouvent en dehors des 22 métropoles.https://datawrapper.dwcdn.net/CMv6x/1/
Les 22 métropoles représentent à peine 1/3 de la population alors qu’elles concentrent plus de la moitié des tiers lieux existants.
Rapporté au nombre d’habitants, le nombre de tiers lieux par habitant est près de trois fois plus important en métropole que dans le reste du territoire : 1 tiers lieu pour 24 000 habitants en métropole et 1 tiers lieu pour 67 000 habitants hors métropoles.
Rapporté à leur superficie respective, les écarts sont beaucoup plus grands : plus de 54 tiers lieux pour 1 000 km2dans les métropoles et à peine plus d’un tiers lieu pour 1 000 km2 sur le reste du territoire.
De fortes disparités entre régions
Cinq régions se démarquent en termes de nombre de tiers lieu: Ile-de-France (316 tiers lieux), Nouvelle-Aquitaine (222), Auvergne-Rhône-Alpes (200), Occitanie (163) et Provence-Alpes-Côte d’Azur (127).https://datawrapper.dwcdn.net/7O97P/1/
La Nouvelle-Aquitaine et l’Occitanie se distinguent par une présence importante de tiers lieux hors métropole.
Si l’on observe la seule répartition des tiers lieux hors métropoles, les régions avec le plus grand nombre de tiers lieux sont :
- La Nouvelle-Aquitaine avec 157 tiers lieux hors métropoles (23% du total hors métropoles)
- L’Occitanie avec 105 tiers lieux hors métropoles (16% du total hors métropoles)
- L’Auvergne-Rhône-Alpes avec 69 tiers lieux hors métropoles (10% du total hors métropoles)
- La Bourgogne-Franche-Comté avec 54 tiers lieux hors métropoles (8% du total hors métropoles)
- La région Provence-Alpes-Côte d’Azur avec 54 tiers lieux hors métropoles (8% du total hors métropoles)
Cinq régions apparaissent en avance en termes de nombre de tiers lieux existants : l’Ile-de-France, la Nouvelle-Aquitaine, l’Auvergne-Rhône-Alpes, l’Occitanie, la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Ce constat s’explique, selon a mission, par deux effets croisés :
- Le dynamisme des métropoles influe sur le nombre des tiers lieux sur l’ensemble du territoire régional (effet particulièrement visible en Auvergne-Rhône-Alpes, région qui compte le plus de métropoles, quatre sur le territoire régional) ;
- Les politiques régionales influent sur le développement des tiers lieux : les régions les plus en avance sont les régions ayant mis en oeuvre des politiques régionales de soutien aux tiers lieux (Nouvelle-Aquitaine, Bourgogne- Franche-Comté, Occitanie, Provence-Alpes- Côte d’Azur, Ile-de-France…).
Une zone d’emploi sur trois dépourvue de tiers lieu
Partant du constat que les tiers lieux constituent des lieux d’accueil des nouvelles formes de travail, des nouveaux métiers, en grande partie liés au numérique, et afin d’analyser plus finement la répartition de ces tiers lieux sur le territoire français, la mission a étudié les tiers lieux à l’échelle des 321 zones d’emploi.Afin de différencier les métropoles du reste du territoire, la mission a exclu de l’analyse les 29 zones d’emploi dans lesquelles plus de 30% de la population de la zone d’emploi travaille en métropole. En effet, l’ensemble des zones d’emploi rattachées à des métropoles concentrent 886 tiers lieux, soit 60% du total de l’ensemble des tiers lieux.
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Dans les 292 zones d’emploi hors métropoles, les tiers lieux se concentrent dans les zones d’emploi les plus densément peuplées.
- 287 tiers lieux, soit 50% du total hors métropoles, sont situés dans les 65 zones d’emplois hors métropoles de plus de 200 000 habitants
- 290 tiers lieux sont répartis dans les 227 autres zones d’emplois.
Pas de tiers lieux dans 94 zones d’emploi
La mission observe , en outre, qu'il n'y a pas de tiers lieux dans 94 zones d’emploi, soit près d’une zone d’emploi sur trois, il n’y a pas de tiers lieu. Ces zones d’emploi sont plutôt de taille moyenne, la grande majorité d’entre elles ayant une population inférieure à 100 000 habitants (73 zones d’emplois sans tiers lieu).
L’absence de tiers lieu concerne aussi des zones d’emploi plus denses.
75 zones d’emploi, enfin, n’ont qu’un seul tiers lieu.
28 recommandations de la mission Mission "Coworking : faire ensemble pour mieux vivre ensemble"
Structurer la filière- Créer un mouvement national des tiers lieux porteur des actions de soutien
- Soutenir l’émergence de 300 Fabriques des Territoires
- Adosser le mouvement à un fonds d’amorçage pour lancer le dispositif d’accélération
- Mettre en place un appel à projets permanent pour accompagner dans la durée les porteurs de projets
- Lancer un chantier de simplification des normes pour les tiers lieux
- Professionnaliser le métier d’animateur de tiers lieux
- Reconnaitre et valoriser la formation d’animateur de tiers lieux
- Encourager et accélérer la structuration de réseaux régionaux de tiers lieux
- Faire des tiers lieux la porte d’entrée de la numérisation des territoires
- Faire des tiers lieux un lieu de transmission et d’apprentissage intergénérationnel
- Encourager la coordination entre les acteurs publics et les tiers lieux
- Soutenir les activités à impact positif environnemental mises en oeuvre par les tiers lieux
- Mettre en place des outils qui facilitent l’accès à l’immobilier sur le long terme
- Encourager la mise à disposition de locaux par la collectivité
- Encourager la location avec loyer progressif en fonction du chiffre d’affaires
- Alléger les taxes sur les tiers lieux d’utilité sociale
- Dédier des soutiens financiers au développement et à la consolidation des tiers lieux dans les
- territoires en difficulté
- Encourager la création de fonds de dotation régionaux dédiés aux tiers lieux
- Encourager l’accès de certains publics aux tiers lieux via des dispositifs d’inclusion
- Encourager la gouvernance partagée et les modèles partenariaux
- Former les agents publics aux tiers lieux pour faciliter la coordination et encourager l’entrepreneuriat dans la fonction publique d’État et les collectivités territoriales pour créer des vocations d’animateurs de tiers lieux
- Mettre en place un système de mentorat pour les projets de tiers lieux
- Créer un réseau d’élus ambassadeurs sur les tiers lieux
- Développer les incitations au télétravail
- Mettre en place des dispositifs de reconnaissance et de valorisation des tiers lieux pour rassurer les entreprises et les administrations (label, charte)
- Envisager un rééquilibrage de la fiscalité économique au profit du territoire d’accueil du télétravailleur
- Développer des outils d’observation des nouvelles formes de travail (travail à distance, télétravail), de leurs impacts dans les territoires et des besoins qui en sont issus
- Créer une instance d’évaluation du dispositif
110 millions d’euros pour développer les tiers-lieux dans les territoires
Le Gouvernement va lancer, dès 2019, un programme national de développement des tiers lieux à hauteur de 110 millions d’euros sur trois ans, afin de favoriser la création de 300 Fabriques des territoires.« Les Ministres, Jacques Mézard et Julien Denormandie, veulent soutenir la dynamique des tiers-lieux. Il ne s’agit pas de faire à la place des acteurs mais de les accompagner dans la consolidation de ce mouvement. Le but est de favoriser le retour de l’activité dans les territoires et d’accompagner de nouvelles façons de travailler.Cette aide prendra la forme d’un fonds d’amorçage de 20 millions d’euros par an, pour permettre aux porteurs de projets de trouver le bon modèle économique. S’y ajouteront un fonds de dotation et un fonds d’investissement dans les sociétés qui portent les tiers lieux à hauteur de 50 millions d’euros ».Ce programme se concrétisera par :
- la création ou le développement de 300 « Fabriques de territoires » dans les petites et moyennes villes et les quartiers prioritaires de la politique de la ville ;
- la création ou le développement de petits tiers-lieux ruraux ;
- la création d’une instance nationale pour organiser et valoriser la filière.
Références :