88 % des institutions culturelles en France (bibliothèques, services d’archives et musées) numérisent tout ou partie des œuvres et collections de documents qu’elles détiennent et 76 % procèdent à leur mise en ligne, selon une enquête réalisée par Wikimédia France et l’agence Phare auprès de 145 bibliothèques, services d’archives et musées.
L’enquête de Wikimédia France attire toutefois l’attention sur le fait qu’un tiers seulement (31 %) des institutions adoptent des « licences ouvertes ».
Wikimédia France relance ainsi le débat sur les restrictions apportées à la réutilisation des contenus culturels numériques.
Au cœur de ce débat, la notion d’Open Content (contenus ouverts) ; qui « caractérise des démarches spécifiques et distinctes de démarches Open Data (données ouvertes) ou Open Access (accès ouvert) autour de deux objectifs :
« Faciliter l’ouverture, la mise en ligne et la mise à disposition de contenus culturels d’une part ;
Faciliter la réutilisation optimale de ces contenus culturels à partir d’un certain nombre de paramètre (choix de licence, taille et qualité des images, etc.) ».
Pour les promoteurs de l’Open Content, celui-ci implique non seulement la mise en ligne et la mise à disposition de contenus culturels et patrimoniaux mais aussi le fait de rendre possible leur réutilisation, y compris commerciale, par l’adoption de licences ouvertes de type CC-BY ou Etalab.
9 institutions culturelles sur 10 numérisent des contenus
Parmi les pratiques numériques passées au crible dans cette enquête, la numérisation des contenus culturels est la plus mentionnée.
Au total, près de 9 institutions culturelles sur 10 (88%) déclarent avoir déjà numérisé des contenus de leurs collections. Parmi celles-ci, 72% déclarent qu’il s’agit d’une activité régulièrement développée et 16% que celle-ci a un caractère plus ponctuel.
« Si les institutions culturelles, en général, sont très loin d’avoir numérisé l’ensemble de leurs collections et de leurs œuvres (…) il existe désormais une profusion de fonds numérisés par les institutions culturelles, et donc un réservoir potentiel d’œuvres accessibles et réutilisables par le public. Ce potentiel, très souvent, est inégalement développé car les institutions culturelles présentent une grande disparité de moyens et de ressources humaines ».
L’étude met en évidence une relation croissante entre le niveau d’adoption de la numérisation et la taille de l’institution : « plus l’institution est de taille importante, plus des pratiques de numérisation fréquentes sont observées ».
Tandis que 55% des institutions comprenant 2 à 5 salariés déclarent numériser régulièrement leurs contenus, ce ratio s’élève à 80% pour les institutions de 15 à 50 salariés et de 100% pour les institutions de plus de 50 et 99.
66% ides institutions culturelles recourent aux médias sociaux
Les institutions culturelles s’appuient depuis quelques années sur les réseaux sociaux (Twitter, Facebook, Instagram) pour valoriser des contenus et atteindre de nouvelles audiences.
66% des institutions déclarent y avoir régulièrement recours. 19% seulement de temps en temps. Seuls 15% des répondants ne déclarent pas utiliser ces outils ou n’ont pas répondu à la question.
Cette pratique est plus fréquente dans les musées (80%) et les bibliothèques (71%) que dans services d’archives (48%).
56% déclarent fréquemment mettre en ligne des images issues de leurs collections
Parmi les pratiques de mise en ligne d’images ou de contenus patrimoniaux (aussi appelées versements), l’enquête distingue la mise en ligne de données textuelles (notices) sur les collections et la mise en ligne d’images issues des collections.
35% des instituions déclarent mettre en ligne régulièrement des données sur leurs collections (23% parfois et 38% jamais) et 56% des images issues de leurs collections.
Parmi les institutions qui mettent en ligne les images de leurs collections, 61% le font sur portails dédiés, 15% sur des sites extérieurs.
Ces pratiques de versement d’images sur un portail dédié ou sur un portail extérieur, loin d’être exclusives, sont complémentaires. « Elles traduisent l’attention d’un nombre important d’institutions culturelles en France à rendre possible la consultation des images de leurs collections par une divers canaux ».
Des conditions de réutilisation des images des collections encore hétérogènes
« L’utilisation de licences pour définir les conditions de mises à dispositions des images en ligne par les institutions culturelles est fréquente, mais non-systématique ».
Si 41% des institutions déclarent mettre en ligne des images de leurs collections en s’appuyant sur des licences, 26% seulement des répondants déclarent utiliser des licences libres (type CC-BY ou Etalab) ;
Le choix de telle ou telle licence varie selon les types d’institutions culturelles :les licences libres (de type CC-BY), sont surtout adoptées par les bibliothèques (18%) et musées (12%), moins fréquemment par les services d’archives (4%) ;
« La proportion d’institutions inscrites dans des démarches Open Content, définie par le fait d’utiliser des licences (de type CC-BY ou licence ouverte Etalab) permettant une réutilisation libre et gratuite – à visée commerciale et non commerciale - demeure donc relativement faible », concluent les auteurs de l‘étude. Plus faible dans les musées que dans les bibliothèques. Et inférieure aux pratiques observées chez nos voisins européens.
Référence :
Ouverture des contenus dansles institutions culturelles : une tendance mondiale
Depuis le début des années 2010, des musées, des bibliothèques et des services d’archives déploient dans pratiques d’ouverture et de partage de leurs contenus sans restriction spécifique pour les utilisateur.rice.s.
Trois institutions font notamment référence à l’international dans le domaine et inspirent encore aujourd’hui nombre d’institutions dans ces démarches :
Le Rijksmuseum à Amsterdam, a donné à partir de 2012 un libre accès et une autorisation sans restriction pour les images en haute définition de ces collections ;
Le Getty Museum, en 2013 a mis en ligne les reproductions des œuvres de ses collections en permettant un usage commercial et non-commercial ;
Le Metropolitan Museum de New York a mis en ligne pour des usages non-commerciaux une partie de ses collections en 2014 puis en 2017 a décidé de mettre à disposition plus largement les images des œuvres du domaine public pour toute réutilisation sans restriction.
« Pour un bon nombre de ces institutions culturelles et du patrimoine, mener une démarche Open Content constitue une opportunité d’élargir la diffusion de leurs contenus auprès d’une audience beaucoup plus large, transnationale sinon mondialisée. . Cependant, les pratiques peuvent fortement varier d’une institution à une autre (restriction des usages commerciaux ou non, etc.) »
Référence :
Grenoble, Paris, Rennes, Toulouse, Marseille… Les annonces d’ouverture des données culturelles en France se multiplient depuis trois ans. Paris Musées propose depuis 2020 en Open Content (mise à disposition gratuite et sans restriction) plus de 150 000 reproductions numériques des œuvres des collections des musées de la Ville de Paris en haute définition. En 2020, la Ville de Marseille a adopté le principe d’ouverture pour plus de 200 000 ressources patrimoniales (écrits, objets et œuvres) déjà numérisées par la ville.
« La diffusion massive du numérique et d’internet au tournant du siècle a accéléré plusieurs tendances à l’oeuvre au cours des décennies précédentes (…) À bien des égards, c’est la conception même de la culture – ses contours et ses découpages, son autonomie et ses hiérarchies internes, ses fonctions sociales – qui s’est trouvée ébranlée»observait en 2008 Olivier Donnat, chef d’orchestre au Ministère de la Culture de l'enquête sur les pratiques culturelles des Français.L'édition 2008 de cette enquête (reconduite tous les dix ans) avait mis en relief la convergence de la plupart des pratiques culturelles devant les « écrans » : « visionnage d’images et écoute de musique bien entendu, mais aussi lecture de textes ou pratiques en amateur, sans parler de la présence désormais banale des écrans dans les bibliothèques, les lieux d’exposition et même parfois dans certains lieux de spectacle vivant. Tout est désormais potentiellement visualisable sur un écran et accessible par l’intermédiaire de l’internet ». Olivier Donnat, observait cependant qu’entre 1997 et 2008, « les sorties et visites culturelles ont beaucoup moins souffert dans les arbitrages imposés par la montée en puissance des pratiques numériques que certains loisirs du temps ordinaire comme l’écoute de télévision ou la lecture d’imprimés ».Depuis 2008, les équipements culturels se sont saisis des technologies numériques pour numériser leurs collections. Chacun peut désormais consulter des archives, échanger avec d’autres passionnés sur leur contenu, emprunter une oeuvre, visiter un musée. Parfois sans jamais se rendre dans les établissements culturels concernés.Les musées, les bibliothèques, les archives sont ils pour autant appelés à se transformer en centres de ressources, voués à devenir des prestataires de services à distance ?Principal instrument de suivi des comportements des Français dans le domaine de la culture, l’édition 2018 de l’enquête Pratiques culturelles permettra de mieux comprendre les hybridations que le numérique noue entre la fréquentation des équipements culturels (« culture in situ ») et « culture en ligne ». Les premiers résultats sont attendus pour le 2ème semestre 2018.En attendant ces résultats, les indicateurs et études fragmentaires publiés par le Ministère de la Culture et par Archives de France suggèrent d’ores et déjà que ces hybridations « culture in situ/culture en ligne » dessinent des trajectoires très contrastées selon les équipements culturels.
La disponibilité de ressources numériques en ligne n’a pas diminué la fréquentation des bibliothèques. Il a sans doute même contribué à la croissance du nombre d’usagers des bibliothèques (+ 23% depuis 200). Ce sont les jeunes qui fréquentent le plus les bibliothèques.
En revanche, la numérisation des archives a litteralement vidé les salles de lecture des archives. Plus de 562 millions de de pages et images ont été numérisées par les services d’archives : 72 % de ces documents numérisés sont disponibles en ligne. Désormais, en archives départementales, le rapport entre le nombre de lecteurs inscrits en salle et celui des visiteurs uniques est de un à cent.
S’agissant des musées et monuments, le constat est plus nuancé. En 2016, 44 % des Français ont fréquenté un musée ou une exposition, soit 9 % de plus qu’il y a 4 ans. Dans quelle mesure cette hausse est-elle imputable aux outils numériques mis en œuvre par les musées et monuments (billetterie, en premier lieu) pour stimuler la fréquentation ? Quant aux visites virtuelles d’une exposition, d’un musée ou d’un monument, elles n’ont concerné en 2016 que 15% des Français.
Le numérique ne nuit pas à la fréquentation des bibliothèque. Au contraire…
Le développement de l’internet, celui des moteurs de recherche, la numérisation d’un nombre croissant d’ouvrages, ont confronté le monde des bibliothèques à une crise existentielle : pourquoi le public continuerait-il de se déplacer dans les bibliothèques s’il trouve les informations et les livres qu’il cherche en ligne ?L’enquête consacrée aux usages des bibliothèques municipales en 2016 mettait en lumière une modification en profondeur et sur le long terme du rapport qu’entretiennent les Français avec leurs bibliothèques.
40 % des Français de 15 ans et plus a fréquenté une bibliothèque municipale au moins une fois lors des 12 derniers mois (35 % en 2005, 25,7 % en 1997). Ce taux de fréquentation ne tient pas compte du public des moins de 15 ans, qui représente 40 % du public inscrit.
Le nombre d’usagers des bibliothèques municipales a augmenté de 23 % depuis 2005, soit une hausse de plus de 4 millions d’usagers, alors que dans le même temps la population française ne s’est accrue que de 4 %.
Ce sont les jeunes qui fréquentent le plus les bibliothèques : la fréquentation des bibliothèques municipales par les jeunes de 15 à 24 ans a progressé de 14 % entre 2005 (39 %) et 2016 (53 %). On note également une progression sensible pour les personnes de 35 à 49 ans, avec une hausse de six points de la part des usagers entre 2005 et 2016. La fréquentation des autres tranches d’âge, en revanche, reste stable.43 % des usagers des bibliothèques ont eu une activité utilisant l’informatique ou les services en ligne de la bibliothèque. Ce constat contredit « l’hypothèse – selon laquelle les bibliothèques seraient progressivement rendues obsolètes par les services en ligne disponibles sur Internet" observent les auteurs de l'étude. "Bien que la bibliothèque municipale continue de bénéficier d’une forte légitimité, y compris chez les non-usagers, la tendance selon laquelle elles ne constituent plus un lieu « sacralisé » mais un équipement dont on peut interroger la fonction progresse chez ces derniers, notamment au regard des évolutions numériques de la société ».
Les bibliothèques, lieux de médiation numérique
Depuis une dizaine d’années, les bibliothèques du monde entier repensent leurs bâtiments, leur accueil et leurs services à l’aune de la révolution numérique. Elles ont entrepris de rassembler en un même lieu les livres traditionnels et les livres numériques (e-books), des rayonnages et des ordinateurs. Cette « bibliothèque hybride » donne accès aux ouvrages numérisés, (les « bibliothèques numériques ») ainsi qu’à des bouquets de services numériques.97 % des bibliothèques de 40 000 habitants et plus sont dotées d’un site internet dédié (56% pour les bibliothèques de moins de 5 000 habitants).L’acquisition de ressources numériques reste encore marginale dans le budget documentaire des bibliothèquesL’équipement des bibliothèques en postes de lecture et en wifi a ainsi transformé les attentes du public ; s’ils fréquentent les bibliothèques, c’est désormais aussi pour profiter d’une connexion Internet.
20% de progression en 2017 pour les services en ligne de la Bibliothèque nationale de France
La Bibliothèque Nationale de France (BNF) fait état de 1,3 millions de visiteurs sur l’ensemble des sites de la BnF : bnf.fr, Gallica, Retronews, ressources catalographiques, data.bnf.fr. Elle enregistre ainsi une progression de 20% de son audience, avec 36 millions de visites.La progression des usages numériques ne nuit pas mais contribuerait plutôt à dynamiser la fréquentation des sites et salles de lecture de la BnF : celle-ci a progressé de 13% par rapport à 2016. Les salles de lecture ont reçu 920 000 visiteurs, retrouvant ainsi un niveau de fréquentation qui n’avait pas été atteint depuis 5 ans. La fréquentation des manifestations a, quant à elle, augmenté de 60 %.
Services des archives : l’essor de la consultation en ligne a vidé les salles de lecture
La numérisation des archives a démocratisé la consultation des archives. Plusieurs millions de Français y ont recours, majoritairement pour des recherches généalogiques. Plus de 2,2 milliards de documents ont été consultés sur les sites des services des archives, nationales, régionales, départementales et communales en 2016.En 2016, les sites des services d’archives ont totalisé 52 millions de connexion, enregistrant 2,2 milliards de pages vues : la baisse de 4 % enregistrée en 2016 résulte d’une meilleure indexation permettant d’atteindre plus facilement le document recherché.Pour les seules archives départementales, le nombre de visiteurs uniques atteint le nombre de dix millions, un visiteur pouvant être comptabilisé plusieurs fois s’il consulte les archives de plusieurs départements. 93% d’entre eux se tournent vers les services d’archives pour des recherches de généalogie.Comme le note Gaël Chenard, Directeur des archives départementales des Hautes-Alpes , « cette transformation des usages a pris les archivistes par surprise en raison de sa rapidité et de son ampleur. Nous pensions que notre aide était indispensable pour bien utiliser les archives et que l’impossibilité de faire oeuvre de médiation par internet était un frein insurmontable à la dématérialisation. Nous pensions également qu’il fallait défendre nos salles de lecture comme des lieux de sociabilité. Il est en réalité discutable qu’une salle de lecture, présumée silencieuse, soit un véritable lieu de sociabilité, contrairement à internet qui est aujourd’hui le réseau d’entraide et de partage le plus vaste du monde. Les archives départementales ont en fait été débordées par les conséquences de leur propre politique et ont commencé à découvrir avec inquiétude – voire horreur – que les internautes étaient en fait très autonomes, et qu’ils n’avaient aucun besoin d’un contact direct avec le document original».
Le numérique dynamise la fréquentation des musées, expositions et monuments… sans élargir pour autant leur(s) public(s)
44 % des Français se sont servis d’internet en lien avec une visite patrimoniale au cours des 12 derniers mois (+ 7 points par rapport à juin 2014).Les usages en plus forte croissance poursuivent des finalités plutôt pratiques comme la recherche d’informations (+9 %) et la réservation de billets (+7 %).Le profil des personnes qui utilisent internet pour préparer ou accompagner ces visites correspond sensiblement à celui qui fréquente déjà les musées et monuments « in situ » : 79 % des diplômés de niveau bac plus 3 et plus utilisent internet pour préparer ou accompagner leurs visites, contre 49 % des diplômés de niveau bac et 31 % des diplômés de niveau brevet.« Les clivages persistent malgré l’amorce d’un décloisonnement social ».Seuls 15 % des Français interrogés ont effectué la visite virtuelle d’une exposition, d’un musée ou d’un monument.La visite en ligne se conjugue avec une visite physique « in situ » dans plus de 9 cas sur 10. Inversement, 9 % des Français ayant eu une activité en ligne en lien avec les musées et monuments ne se sont pas rendus dans ce type de lieu durant l’année.Selon le responsable des études à la Direction générale des patrimoines, « les données actuelles ne permettent pas de confirmer l’hypothèse d’un élargissement des publics par le numérique, même si des usages en ligne, sans visite physique, émergent pour certaines populations ».
Un visiteur en ligne vaut-il moins qu’un visiteur in situ ?
« Les politiques culturelles sont traditionnellement pensées en France en termes d’aménagement culturel du territoire et de fréquentation des équipements »,observe Christopher Miles, Secrétaire général Ministère de la Culture. « En faisant émerger de nouveaux espaces, de fait massivement investis par l’ensemble de la population (et très souvent autour de contenus culturels), l’ère numérique oblige à réinterroger ces missions historiques : les politiques culturelles doivent-elles continuer à donner la priorité à la fréquentation des établissements ? Un visiteur en ligne vaut-il moins qu’un visiteur in situ ? »Si les archives sont appelées à devenir des "prestataires de services à distance", ce n’est pas pas le cas des bibliothèques.Les attentes et usages du public, ainsi que l’évolution des offres, dessinent le passage vers une « bibliothèque-troisième lieu » : des zones silencieuses y côtoient des espaces de travail (coworking), des salles de réunion, des espaces de détente, des cafés, des lieux pour visionner des films.« En rupture avec une vision élitiste de la culture, la bibliothèque-troisième lieu refuse d’être un lieu de prescription du savoir. Elle s’adresse à toute forme de cultures populaire et son offre culturelle est diverse et variée ».La transition numérique confronte, en revanche, les musées et monuments à de nouveaux arbitrages : mobiliser prioritairement le numérique pour stimuler et améliorer la fréquentation des établissements ? Ou diversifier l'offre numérique pour atteindre de nouveaux publics, élargir a visibilité des oeuvres et leur circulation ?
Ouverture des contenus et des données dans les institutions culturelles : où en sommes-nous ?
88 % des institutions culturelles en France (bibliothèques, services d’archives et musées) numérisent tout ou partie des œuvres et collections de documents qu’elles détiennent et 76 % procèdent à leur mise en ligne, selon une enquête réalisée par Wikimédia France et l’agence Phare auprès de 145 bibliothèques, services d’archives et musées.
L’enquête de Wikimédia France attire toutefois l’attention sur le fait qu’un tiers seulement (31 %) des institutions adoptent des « licences ouvertes ».
Wikimédia France relance ainsi le débat sur les restrictions apportées à la réutilisation des contenus culturels numériques.
Au cœur de ce débat, la notion d’Open Content (contenus ouverts) ; qui « caractérise des démarches spécifiques et distinctes de démarches Open Data (données ouvertes) ou Open Access (accès ouvert) autour de deux objectifs :
« Faciliter l’ouverture, la mise en ligne et la mise à disposition de contenus culturels d’une part ;
Faciliter la réutilisation optimale de ces contenus culturels à partir d’un certain nombre de paramètre (choix de licence, taille et qualité des images, etc.) ».
Pour les promoteurs de l’Open Content, celui-ci implique non seulement la mise en ligne et la mise à disposition de contenus culturels et patrimoniaux mais aussi le fait de rendre possible leur réutilisation, y compris commerciale, par l’adoption de licences ouvertes de type CC-BY ou Etalab.
9 institutions culturelles sur 10 numérisent des contenus
Parmi les pratiques numériques passées au crible dans cette enquête, la numérisation des contenus culturels est la plus mentionnée.
Au total, près de 9 institutions culturelles sur 10 (88%) déclarent avoir déjà numérisé des contenus de leurs collections. Parmi celles-ci, 72% déclarent qu’il s’agit d’une activité régulièrement développée et 16% que celle-ci a un caractère plus ponctuel.
« Si les institutions culturelles, en général, sont très loin d’avoir numérisé l’ensemble de leurs collections et de leurs œuvres (…) il existe désormais une profusion de fonds numérisés par les institutions culturelles, et donc un réservoir potentiel d’œuvres accessibles et réutilisables par le public. Ce potentiel, très souvent, est inégalement développé car les institutions culturelles présentent une grande disparité de moyens et de ressources humaines ».
L’étude met en évidence une relation croissante entre le niveau d’adoption de la numérisation et la taille de l’institution : « plus l’institution est de taille importante, plus des pratiques de numérisation fréquentes sont observées ».
Tandis que 55% des institutions comprenant 2 à 5 salariés déclarent numériser régulièrement leurs contenus, ce ratio s’élève à 80% pour les institutions de 15 à 50 salariés et de 100% pour les institutions de plus de 50 et 99.
66% ides institutions culturelles recourent aux médias sociaux
Les institutions culturelles s’appuient depuis quelques années sur les réseaux sociaux (Twitter, Facebook, Instagram) pour valoriser des contenus et atteindre de nouvelles audiences.
66% des institutions déclarent y avoir régulièrement recours. 19% seulement de temps en temps. Seuls 15% des répondants ne déclarent pas utiliser ces outils ou n’ont pas répondu à la question.
Cette pratique est plus fréquente dans les musées (80%) et les bibliothèques (71%) que dans services d’archives (48%).
56% déclarent fréquemment mettre en ligne des images issues de leurs collections
Parmi les pratiques de mise en ligne d’images ou de contenus patrimoniaux (aussi appelées versements), l’enquête distingue la mise en ligne de données textuelles (notices) sur les collections et la mise en ligne d’images issues des collections.
35% des instituions déclarent mettre en ligne régulièrement des données sur leurs collections (23% parfois et 38% jamais) et 56% des images issues de leurs collections.
Parmi les institutions qui mettent en ligne les images de leurs collections, 61% le font sur portails dédiés, 15% sur des sites extérieurs.
Ces pratiques de versement d’images sur un portail dédié ou sur un portail extérieur, loin d’être exclusives, sont complémentaires. « Elles traduisent l’attention d’un nombre important d’institutions culturelles en France à rendre possible la consultation des images de leurs collections par une divers canaux ».
Des conditions de réutilisation des images des collections encore hétérogènes
« L’utilisation de licences pour définir les conditions de mises à dispositions des images en ligne par les institutions culturelles est fréquente, mais non-systématique ».
Si 41% des institutions déclarent mettre en ligne des images de leurs collections en s’appuyant sur des licences, 26% seulement des répondants déclarent utiliser des licences libres (type CC-BY ou Etalab) ;
Le choix de telle ou telle licence varie selon les types d’institutions culturelles :les licences libres (de type CC-BY), sont surtout adoptées par les bibliothèques (18%) et musées (12%), moins fréquemment par les services d’archives (4%) ;
« La proportion d’institutions inscrites dans des démarches Open Content, définie par le fait d’utiliser des licences (de type CC-BY ou licence ouverte Etalab) permettant une réutilisation libre et gratuite – à visée commerciale et non commerciale - demeure donc relativement faible », concluent les auteurs de l‘étude. Plus faible dans les musées que dans les bibliothèques. Et inférieure aux pratiques observées chez nos voisins européens.
Référence :
Ouverture des contenus dansles institutions culturelles : une tendance mondiale
Depuis le début des années 2010, des musées, des bibliothèques et des services d’archives déploient dans pratiques d’ouverture et de partage de leurs contenus sans restriction spécifique pour les utilisateur.rice.s.
Trois institutions font notamment référence à l’international dans le domaine et inspirent encore aujourd’hui nombre d’institutions dans ces démarches :
Le Rijksmuseum à Amsterdam, a donné à partir de 2012 un libre accès et une autorisation sans restriction pour les images en haute définition de ces collections ;
Le Getty Museum, en 2013 a mis en ligne les reproductions des œuvres de ses collections en permettant un usage commercial et non-commercial ;
Le Metropolitan Museum de New York a mis en ligne pour des usages non-commerciaux une partie de ses collections en 2014 puis en 2017 a décidé de mettre à disposition plus largement les images des œuvres du domaine public pour toute réutilisation sans restriction.
« Pour un bon nombre de ces institutions culturelles et du patrimoine, mener une démarche Open Content constitue une opportunité d’élargir la diffusion de leurs contenus auprès d’une audience beaucoup plus large, transnationale sinon mondialisée. . Cependant, les pratiques peuvent fortement varier d’une institution à une autre (restriction des usages commerciaux ou non, etc.) »
Référence :
Grenoble, Paris, Rennes, Toulouse, Marseille… Les annonces d’ouverture des données culturelles en France se multiplient depuis trois ans. Paris Musées propose depuis 2020 en Open Content (mise à disposition gratuite et sans restriction) plus de 150 000 reproductions numériques des œuvres des collections des musées de la Ville de Paris en haute définition. En 2020, la Ville de Marseille a adopté le principe d’ouverture pour plus de 200 000 ressources patrimoniales (écrits, objets et œuvres) déjà numérisées par la ville.