La possibilité (voire l’obligation) de réaliser de plus en plus de démarches administratives sur internet a longtemps poussé de plus en plus de personnes à passer par internet pour effectuer leurs démarches administratives.
Le Baromètre du numérique suit, année par année, la manière dont les Français s’approprient (ou pas) la possibilité (et parfois l’obligation) de réaliser des démarches administratives en ligne.
Selon l’édition 2016 du Baromètre, 90 % des personnes ayant accompli des démarches administratives en ligne estimaient que « cela avait été facile » : (41 % les jugeaient « très faciles » et 49 % « assez faciles »).
Si 94 % des personnes les plus diplômées, 96 % des cadres supérieurs ou 95 % des personnes à hauts revenus jugeaient ces démarches administratives en ligne faciles à effectuer, ce jugement recueillait des niveaux relativement élevés chez les non-diplômés (79 %) ou chez les personnes disposant de bas revenus (82 %) ou chez les 60-69 ans (92 %).
Le principal résultat, le plus commenté, c’est qu’environ 15 % des adultes se déclaraient en 2016 incapables d’obtenir des informations administratives sur internet, de télécharger ou remplir en ligne des formulaires administratifs. De nombreuses études, depuis, et notamment les alertes des associations et du Défenseur des droits ont documenté les difficultés que rencontrent un grand nombre de nos concitoyens face à la dématérialisation des services publics.
Le Baromètre enregistrait en 2018, pour la première fois, une baisse de la proportion d’individus qui avait recours à l’e-administration.
Références :
Proportion d’individus ayant accompli une démarche administrative sur internet au cours des douze derniers mois (2005-2018)
Après un sommet atteint en 2017 (67 %), elle n’était plus que 65 % en 2018. « Une baisse plus conséquente pour les jeunes adultes (18-24 ans), les indépendants et les personnes qui résident dans les grandes agglomérations de province (- 9 points) ».
Afin de mieux saisir les attentes et les frustrations des Français dans leurs relations avec les administrations, l’Agence du numérique a introduit dans le Baromètre du Numérique 2019 plusieurs questions nouvelles.
Moins d’un Français sur cinq estime que les relations avec l’administration se sont simplifiées
A la question « ces dernières années, s’agissant de vos relations avec les administrations publiques, diriez-vous plutôt qu’elles se sont simplifiées, complexifiées ou qu’elles n’ont pas changé », seules 19 % des personnes interrogées répondent qu’elles se sont simplifiées.
Perception de l’évolution des relations avec les administrations publiques
Pour 41%, les relations avec l’administration publique n’ont pas changé, ou pire, se sont complexifiées (37 %).
Le jugement est sévère. Il se décline différemment selon la position sociale des individus.
L’âge est un premier critère déterminant : pour 53 % des jeunes de moins de 25 ans, les relations avec l’administration n’ont pas changé (12 points de plus que la moyenne). 29 % pensent qu’elles se sont simplifiées (12 points de plus que la moyenne) et complexifiées pour 14 % d’entre eux. (-5 points). « Pour ces jeunes adultes, l’historique des relations avec l’administration est, il est vrai, relativement court ce qui tend à accroître le sentiment de stabilité ».
Le jugement s’inverse chez les plus âgés : avec l’âge, la part des individus qui pensent que les relations sont inchangées diminue tandis que le sentiment de complexification tend à augmenter : 50 % pour les 60-69 ans (+ 9%)
Les personnes les plus diplômées (26 %), les titulaires des plus hauts revenus (26 %), les cadres (30 %), les indépendants (23 %) ou les habitants de Paris et son agglomération (30 %) se montrent plus réceptifs a l’idée que se sont simplifiées.
Symétriquement, c’est parmi les retraités (44 %), les personnes ayant des bas revenus et les classes moyennes inférieures (40 %), les habitants des communes rurales (40 %) et ceux des petites villes (42 %) que la perception d’une complexification est la plus marquée.
Le numérique contribuerait autant à la simplification des relations avec les administrations qu’à leur complexification
Les réponses à la question « quel a été le rôle du numérique dans ces évolutions » semblent vérifier cette ambivalence des Français quant aux changements perçus dans les relations avec les administrations.
86 % des personnes jugent que le numérique a joué un rôle important dans les évolutions, quels que soient ses effets, simplification ou complexification.
Perception en 2019 du rôle du numérique dans l’évolution des relations avec les administrations publiques ces dernières années
Ceux qui constatent une simplification ont plus tendance à en imputer la responsabilité au numérique (93 %) que ceux qui déplorent une complexification (82 %)
La complexité des démarches en ligne : principal frein à l’e-administration
Une autre question introduite cette année par l’Agence du Numérique visait à qualifier les freins à la réalisation de vos démarches administratives en ligne. Si un tiers des Français (32 %) déclarent ne pas connaître de frein à l’utilisation de l’e-administration, une majorité d’entre eux évoque différents types de freins.
25 % des personnes interrogées mentionnent la complexité des démarches (« Les démarches administratives sont trop compliquées en elles-mêmes »), 20 % leur manque d’aisance avec l’informatique et internet, 18 % la difficulté a contacter un interlocuteur pour les assister dans leurs démarches.
18 % invoquent une mauvaise conception des sites administratifs. 14 % pointent le trop grand nombre de sites administratifs, 13 % « manquent d’information sur les démarches » tandis que 9 % font état de leurs « difficultés à gérer leurs comptes, identifiants et mots de passe ».
La complexité des démarches en elle-même est mise en avant par les personnes les plus âgées (30 % des 70 ans et plus, +5 points par rapport à l’ensemble de la population), par les non-diplômés (31 %, +6 points) et par les habitants de petites communes de 2 000 à 20 000 habitants (34 %).
On retrouve un peu les mêmes caractéristiques chez les personnes qui se décrivent comme n’étant pas à l’aise avec l’outil numérique, c’est-à-dire principalement celles qui ont dû apprendre à utiliser les outils numériques tardivement : les 60-69 ans (31 %, +11 points) et les 70 ans et plus (46 %, +26 points), les non-diplômés (53 %), les retraités (41 %) et, dans une moindre mesure, les personnes au foyer (30 %).
A l’inverse, les personnes n’ayant rencontré « aucun frein » à la réalisation de leurs démarches administratives en ligne sont les plus jeunes (41 % des 18-24 ans et 42 % des 25-39 ans), les catégories sociales supérieures (46 % des cadres et 39 % des membres des professions intermédiaires) et les titulaires des hauts revenus (41 %, +9 points par rapport à l’ensemble de la population).
L’obligation administrative à se connecter s’avère ainsi « très inégale entre les individus : une personne bénéficiaire de droits sociaux soumis à déclaration de ressources trimestrialisées a mécaniquement davantage l’obligation de se connecter qu’une personne ne percevant pas de prestations sociales ». On retrouve ici la fameuse double peine, évoquée par le Credoc en 2016. Ce sont les individus les plus précaires, aussi bien économiquement que sur le plan de l’isolement social qui sont le moins connectés alors que, dépendants davantage de droits et prestations sociales, ils ont davantage l’obligation de le faire.
A noter, cependant, que les publics les plus à l’aise face à l’informatique ou Internet, les mieux armés pour surmonter la complexité des démarches en ligne, expriment, sur certains sujets, une forme d’agacement. 21 % des diplômés du supérieur déplorent « la difficulté à contacter un interlocuteur pour les assister dans leurs démarches » (+4 %). De même, 24 % des 18-24 ans mentionnent la mauvaise conception des sites administratifs.
Mentionnons, à ce propos, sans souci d’exhaustivité, outre le Plan Numérique Inclusif (qui s’adresse aux personnes éloignées du numérique) et FranceConnect (qui simplifie la gestion des comptes, identifiants et mots de passe), plusieurs initiatives en cours :
- L’observatoire de la qualité des démarches en ligne. Lancé en mai 2019, cet observatoire qui suit l’avancée de 250 démarches administratives et évalue l'expérience usager à travers plusieurs indicateurs (31 % de ces 250 démarches ne sont pas encore faisables en ligne).
- VoxUsagers. Ce site permet depuis quelques mois aux usagers de partager leur expérience, bonne ou mauvaise, pour améliorer le service public. 597 expériences ont été publiées. 79 % d’entre elles ont reçu une réponse
- Démarches Simplifiées. Depuis le mois de mars 2018, la plateforme Démarches-simplifiées.fr permet aux administrations et collectivités locales de mettre en ligne, très rapidement et à très faible coût, les démarches encore gérées sur papier ou de remplacer des services en ligne anciens et coûteux. Ce générateur de formulaires a déjà permis de dématérialiser 8 130 démarches.
- AidantsConnect. Ce dispositif permettra prochainement à un professionnel habilité préalablement de réaliser des démarches administratives en ligne à la place d’une personne qui peine à les faire seule
Une complexité perçue qui varie, en fait, selon la nature des démarches
Les résultats d’autres enquêtes, avec des questionnements moins globaux ou plus gradués permettent de nuancer ces jugements qui peuvent paraître abrupts.
Le Baromètre de la complexité administrative (réalisé auprès de 7 700 personnes par BVA pour le compte de la Direction interministérielle de la Transformation publique, DITP) entreprend, par exemple, de mesurer la « complexité ressentie » au travers de 26 « événements de vie », comme « je conduis un véhicule », « je pars à la retraite », « je suis résident étranger », « je cherche un emploi », « je perds un proche », « je suis victime d'un délit », « j'établis mes papiers d'identité » ou « je déménage »
Selon la dernière édition de ce Baromètre, qui porte sur l’ensemble des démarches, quel que soit le canal (guichet, téléphone ou internet), 21% des usagers jugent les démarches administratives qu’ils ont effectuées au cours des deux dernières années assez ou très compliquées.
On constate, surtout, que la complexité ressentie varie considérablement selon la situation des personnes ou l’événement auquel elle doit faire face : elle va de 6 % pour l’emploi d’un salarié à domicile à 46 % pour les résidents étrangers (hors Union européenne).
Selon le baromètre Digital Gouv’ 2018 (Sopra Steria & Ipsos), 66 % des personnes interrogées considèrent que ces nouveaux services sont faciles à utiliser. Si 86 % constatent une augmentation significative du nombre de services aujourd’hui numérisés, 51 % tardent à voir les effets de cette transformation numérique. 52 % considèrent notamment que les contenus devraient être simplifiés. 82 % considèrent que les services publics numériques seront plus difficiles d’accès pour certains Français qui ne sont pas à l'aise avec les technologies.
Références :