Un mois après trouvé un accord autour d’une loi sur les marchés numériques (Digital Markets Act, DMA), le Conseil et le Parlement européens sont parvenus à un accord autour d'une législation sur les marchés numériques (Digital Services Act, ou DSA) « pour faire de l'internet un espace plus sûr pour les citoyens européens ».
Alors que la loi sur les marchés numériques (Digital Markets Act, ou DMA) vise à mieux encadrer les activités économiques des plus grandes plateformes, la loi sur les services numériques (DSA) « vise à protéger l'espace numérique contre la diffusion de contenus illicites et à garantir la protection des droits fondamentaux des utilisateurs ».
Cette législation obéit au principe selon lequel « ce qui est illégal hors ligne doit également être illégal en ligne ».
De nouvelles obligations pour les fournisseurs de services et notamment pour les plateformes
La loi sur les services numériques (DSA) cherche à limiter la diffusion de contenus illicites (incitations à la haine ou à la violence, harcèlement, pédopornographie, apologie du terrorisme…) et la vente de produits illicites en ligne.Cette loi ne remet pas en cause la responsabilité limitée des plateformes vis-à-vis des contenus et produits illicites qu’elles hébergent (notion d’ « hébergeur passif ») : celles-ci devront en revanche proposer un outil permettant aux utilisateurs de les signaler. Une fois ce signalement effectué, elles devront alors retirer ces contenus et produits ou en désactiver rapidement l’accès.
Les plateformes auront l’obligation de coopérer avec des « signaleurs de confiance ». Il s’agit d’organes, associations ou individus labellisés au sein de chaque État en vertu de leur expertise et qui verront leurs notifications traitées en priorité.
La loi sur les services numériques (DSA) interdit par ailleurs de cibler des personnes avec des publicités en ligne basées sur leur religion, leurs préférences sexuelles, des informations sur leur santé ou leurs convictions politiques. La publicité ciblée est également interdite vis-à-vis des mineurs.
La publicité ciblée et la politique de modération des plateformes sont soumises à des obligations de transparence. Les plateformes devront notamment expliquer le fonctionnement de leurs systèmes de recommandation, qui renforcent la visibilité de certains contenus pour un utilisateur en fonction de ses intérêts personnels. Les très grandes plateformes en ligne et les très grands moteurs de recherche auront également l’obligation de proposer aux utilisateurs un système de recommandation alternatif non fondé sur leur profilage.
Les « pièges à utilisateurs » (« dark patterns »), ces interface utilisateur spécialement conçues pour tromper ou manipuler un utilisateur, seront interdits.
Les très grandes plateformes, elles, seront tenues d’évaluer et de prendre des mesures pour atténuer les risques qui découlent de l’utilisation de leurs services : diffusion de contenus illicites, effets négatifs sur la vie privée et familiale, atteintes à la liberté d’expression. Elles devront réaliser chaque année cette analyse de réduction des risques sous le contrôle de la Commission européenne.
Les places de marché en ligne, qui réunissent des vendeurs et des consommateurs comme Amazon ou AirBnb, devront quant à elles afficher un certain nombre d’informations relatives aux produits et services qu’elles vendent, et détenir des informations permettant de tracer les vendeurs de biens et services illicites.
Quels sont les acteurs visés ?
Alors que la loi sur les marchés numériques (DMA) vise exclusivement des grandes plateformes (celles qui « ont une forte incidence sur le marché intérieur, qui constituent un point d’accès important des entreprises utilisatrices pour toucher leur clientèle, et qui occupent ou occuperont dans un avenir prévisible une position solide et durable »), la loi sur les services numériques (DSA) concerne, en revanche, toutes les entreprises proposant des « services intermédiaires » aux utilisateur.trice.s européen.ne.s : fournisseurs d’accès à internet, services en nuage, messageries, places de marché, réseaux sociaux…Des obligations supplémentaires sont prévues pour les hébergeurs, dont les plateformes, et plus encore pour les « très grandes plateformes » (plus de 45 millions d’utilisateur.trice.s actif.ve.s chaque mois) ainsi que les « très grands moteurs de recherche en ligne » (plus de 45 millions d’utilisateur.trice.s).
Plusieurs dispositions de cette législation visent à contrebalancer les mesures de contrôle des contenus afin de garantir le respect de la liberté expression : l’auteur.trice.d’un contenu illicite devra être informé.e avant le retrait de ce dernier. Il pourra contester gratuitement cette décision auprès de la plateforme (en plus de la justice) et demander une compensation financière à l’entreprise si celle-ci ne respecte pas le texte.
Si la loi sur les services numériques (DSA) vise à encourager la suppression des contenus illicites, les contenus préjudiciables (désinformation, canulars, manipulation…) licites ne sont pas concernés au même plan. Le texte vise à limiter leur propagation non par leur suppression, qui serait contraire à la liberté d’expression, mais en exigeant des plateformes qu’elles revoient les mécanismes (algorithmes) permettant leur amplification.
Ces contenus préjudiciables font l’objet aujourd’hui d’un code de bonnes pratiques contre la désinformation, signé par plusieurs grandes entreprises du numérique.
Quelles sont les sanctions prévues ?
Dans le cadre de cette législation, chaque État membre déterminera les sanctions applicables dans la limite de 6 % du revenu ou du chiffre d’affaires annuel de la société (plafond abaissé à 1 % en cas d’informations incorrectes ou de refus d’enquête sur place).Les astreintes seront limitées à 5 % du chiffre d’affaires quotidien. Pour les très grandes plateformes, la Commission pourra contrôler elle-même le respect de la législation. Les entreprises qui ne respecteraient pas les règles de manière répétée pourront être interdites.
Références :
Sources
- 1. Toute l’Europe : Numérique : que sont le DMA et le DSA, les projets européens de régulation d’internet ?
- 2. Commission européenne: The Digital Services Act: ensuring a safe and accountable online environment
- 3. Parlement Européen : Législation sur les services numériques: accord provisoire entre le Conseil et le Parlement pour faire de l'internet un espace plus sûr pour les citoyens européens