En réponse à la lettre de mission adressée par la Ministre de la transition écologique et le Secrétaire d'État au numérique, France Stratégie fait le point sur les impacts de l'Internet des Objets (IdO) sur l'environnement et sur la vie quotidienne des citoyen.ne.s. Cette réflexion s’inscrit dans le cadre des travaux de la feuille de route "Numérique et Environnement" du Gouvernement.
L’Internet des objets, rappelle France Stratégie, en ouverture de son rapport, désigne « la mise en réseau, au moyen d’Internet, d’objets physiques. D’abord simple solution technologique, l’Internet des objets (IdO en français ou IoT en anglais pour « Internet of Things ») est devenu l’un des éléments clés de la transformation numérique et de l’Internet que nous connaissons ».
En 2021, la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement l’avait distingué parmi les onze technologies dites de « rupture ».
Si l’Internet des objets est porteur de promesses, comme l’illustre la soixantaine de cas d’usage répertoriés dans ce rapport, « son déploiement massif est aussi porteur d’interrogations et de nombreuses inconnues ».
- La première partie du rapport s’attache à comprendre l’Internet des objets et à expliciter les principales notions.
- La deuxième partie analyse les enjeux sociaux et environnementaux que soulève de façon singulière l’IdO.
- La troisième partie présente des pistes pour agir et pour accompagner le développement de l’Internet des objets dans le respect d’un certain nombre d’exigences sociales et environnementales.
Une réalité complexe à quantifier
L’IdO est partout, mais il n’existe pas encore de définition globalement acceptée au niveau mondial, du fait de la diversité des objets à considérer. France Stratégie en propose une définition englobante, soulignant notamment les interactions possibles entre les objets et leur environnement. France Stratégie a choisi de considérer seulement les objets qui n’étaient pas déjà constituants d’Internet :- « L’internet des objets est un ensemble d’objets connectés et de technologies de réseaux qui, à l’exclusion des stations de travail, des tablettes, des téléphones portables et des smartphones, se conjuguent en associant ;
- des objets physiques qui possèdent des capteurs connectés, éventuellement dotés de capacités de calcul et qui sont en mesure d’interagir avec leur environnement ;
- des réseaux de communication numériques filaires ou non filaires qui permettent de communiquer les données issues de ces objets ;
- des espaces de stockage distants pour les données recueillies ;
- des applications de traitement des données qui engagent des processus décisionnels à même de rétroagir sur des objets physiques inanimés ou vivants. »
France Stratégie constate « l’absence aujourd’hui d’outils statistiques fiables permettant de mesurer la volumétrie et l’ampleur de la croissance du nombre d’objets concernés, la part des réseaux utilisés pour ces nouveaux usages ou même le volume de données générées par les applications IdO ».
De 18 milliards à 78 milliards d'objets connectés au niveau mondial.
Le nombre d’objets connectés estimés pour l’année 2020 selon les sources consultées varie dans une fourchette allant de 18 milliards à 78 milliards au niveau mondial.- L’ADEME et l’Arcep estiment leur nombre à 1,8 milliard en Europe dont 244 millions pour la France.
- Malgré ces écarts importants, si l’on considère les tendances sur les six dernières années, quelle que soit la source, qu’il s’agisse de prévisions ou d’estimations du réalisé, toutes concordent sur le constat d’une très forte croissance des objets connectés, dont le nombre aurait doublé en six ans.
- Pour établir ses projections relatives à la consommation énergétique du numérique, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime que le stock du nombre d’objets connectés va plus que doubler de 2020 à 2030, passant de 20 milliards (soit la borne basse de la fourchette mentionnée supra) à environ 45 milliards.
- En termes de marché, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) estime que ce marché s’élevait à 130 milliards de dollars en 2018 et qu’il devrait être multiplié par plus de dix d’ici 2025 pour atteindre 1 500 milliards de dollars. Selon ces mêmes estimations, la France et le Royaume-Uni représentent 3 % chacun du marché mondial, soit 45 milliards de dollars, une part légèrement inférieure à leurs parts dans le PIB mondial.
Cinq principaux constats
France Stratégie dresse cinq principaux constats qui montrent que l’Internet des objets est bien plus qu’une simple évolution technologique.- L’IdO a déjà et va avoir un impact croissant sur la société, les citoyens et les entreprises. Il va transformer nos rapports au numérique et en particulier les interactions humain-machine. Son omniprésence et sa relative invisibilité vont avoir des conséquences sur la vie privée ainsi que sur le travail et son organisation. L’ampleur et la diversité du phénomène sont telles qu’il est difficile d’en évaluer de manière robuste l’évolution, ne serait-ce qu’à cinq ans. Il faut disposer de moyens d’observation plus précis pour améliorer la compréhension des enjeux – techniques, éthiques, environnementaux ou économiques –, par la puissance publique et par la société en général.
- L’IdO va constituer une composante importante de l’impact environnemental du numérique. La massification des usages et des infrastructures (réseaux, edge, cloud, équipements) conduit à une augmentation significative de la consommation énergétique et de l’empreinte carbone – hausse à mettre en regard des bénéfices potentiels sur la maîtrise des autres dépenses énergétiques et des engagements de l’accord de Paris. Nous proposons plusieurs recommandations pour réduire cet impact en tenant compte de l’ensemble des dimensions de l’IdO, du choix des réseaux au recyclage des équipements.
- L’IdO accroît les surfaces de vulnérabilité et présente des risques renouvelés en matière de cybersécurité. Aux risques déjà connus de vols de données ou d’actes de malveillance s’ajoutent des risques d’attaques systémiques à très grande échelle. Nos propositions visent à améliorer la coordination de l’action publique dans ce domaine.
- Les développements de l’IdO se jouent largement hors de nos frontières. Les technologies impliquées sont de maturité inégale, avec des incertitudes techniques qui restent à lever. Les défis ne sont pas seulement techniques mais aussi géo-politiques. La France comme l’Europe disposent d’atouts pour jouer un rôle dans cette compétition. Nos propositions soulignent l’importance de la recherche et d’une présence plus active dans les instances de gouvernance de l’Internet mondial.
- L’IdO se fonde sur un cadre de régulation déjà riche, avec de nombreuses dispositions au niveau européen et national, mais fragmenté et générateur de complexité, pour les entreprises notamment. Pour la protection des données personnelles, le cadre juridique actuel fondé sur le RGPD couvre la majorité des situations d’utilisation de l’IdO. Mais certaines applications ne permettent pas la mise en œuvre d’un consentement libre et éclairé et il reste des incertitudes sur le statut des données non personnelles produites dans le cadre d’applications IdO, ainsi que sur la protection des consommateurs. Les propositions de France Stratégie visent à assurer une meilleure protection de la vie privée et des droits fondamentaux des utilisateurs mais aussi à lever des incertitudes sur le statut des données non personnelles tout en proposant de favoriser leur valorisation.
Le rapport propose, en conclusion, des pistes d’action organisées autour de cinq axes.
- Donner les moyens de développer une vision stratégique de l’Internet des objets : observer, mesurer, comprendre, protéger.
- Développer la recherche et intensifier la présence française dans les instances de gouvernance de l’Internet.
- Permettre le développement d’un IdO éthique et respectueux des utilisateurs.
- Soutenir le développement d’un IdO sobre et responsable.
- Concevoir un IdO de confiance pour les entreprises, les citoyens et les acteurs publics.
Références :
Sources
- 1. Le monde de l’Internet des objets : des dynamiques à maîtriser
- 2. Ademe et Arcep Évaluation de l’impact environnemental du numérique en France et analyse prospective, 2022
- 3. AIE, Total Energy Model for Connected Devices, 2019
- 4. CNUCED, Technology and Innovation Report 2021
- 5. Insee (2020), Les TIC et le commerce électronique dans les entreprises en 2020. Enquête Technologies de l’information et de la communication (TIC) auprès des entreprises, 2021