Dans le cadre de l’Appel à projets « Formes de l’économie collaborative » lancé par les services d’études des Ministères du travail et des solidarités (DARES et DREES), Yannick Fondeur, chercheur en sciences sociales au Cnam, a entrepris d’étudier le freelancing, au croisement de trois sphères porteuses d’enjeux majeurs en termes de travail et d’emploi :
- le freelancing, régulièrement présenté comme la plaque avancée de « l’avenir du travail » ;
- la plateformisation et l’« économie collaborative » ;
- les métiers du numérique, segment « en tension » du marché du travail et réservoir d’emplois qualifiés pour les années à venir.
Plateformes de freelancing ...
Être freelance est généralement une identité revendiquée par les individus.Les tensions sont fortes sur l’offre de travail dans le numérique, « ce qui confère un pouvoir de marché important aux travailleurs : de surcroît, « certaines pratiques des sociétés de services dominant le marché des services numériques aux entreprises depuis plusieurs décennies font également souvent figure de repoussoir ».
Face aux Entreprises de services numériques (ESN, ex-SSII, Sociétés de Services en Ingénierie Informatique), les plateformes de freelancing mettent en avant un modèle « désintermédié » et fondé sur une commission réduite et transparente. Elles déploient depuis plusieurs années beaucoup d’efforts pour se faire référencer par les services achats des grands comptes ».
En France, plusieurs dizaines d’acteurs se désignent comme plateformes de freelancing. « Ce vocable partagé masque une très forte hétérogénéité de modèles ». Il s’agit souvent de dispositifs hybrides entre « plateforme » et SSII.
... et collectifs autonomes de freelances
Les collectifs autonomes de freelances revendiquent eux de pouvoir former à la demande de véritables équipes d’indépendants. « Constitués sous des formes extrêmement variées et souvent seulement partiellement formalisées sur le plan juridique, ils partagent l’objectif d’articuler le respect de l’indépendance de chaque membre, la mutualisation pérenne de ressources communes et la possibilité de réaliser collectivement des prestations ».Le mouvement de création de collectifs de freelances semble s’être accéléré dans la période récente.
En effet, si les freelances membres de ces collectifs sont nombreux à être inscrits sur les plateformes, et si certain d’entre eux travaillent de temps à autre par ce biais, « leur objectif est clairement de se passer de ces intermédiaires qui les mettent en concurrence et dont ils considèrent qu’ils tirent les prix vers le bas. Globalement, pour les freelances, le réseau, au sens le plus fort, constitue le meilleur pourvoyeur d’opportunités de travail de qualité. Et pour les collectifs, cette caractéristique est décuplée par le développement d’une « marque » qui devient alors un bien commun ».
« Les plateformes ne sont en général pour les freelances qu’une modalité parmi d’autres pour trouver des missions : les SSII et agences Web demeurent pour eux des intermédiaires importants, et tous cherchent à développer leur réseau pour se passer des acteurs tiers, observe l'auteur en conclusion. Les collectifs de freelances relèvent d’ailleurs en grande partie d’une logique de mise en commun des opportunités de missions ».Référence :