« Contrairement à ce qui est souvent mis en avant dans les discours dominants, les jeunes n’ont pas démissionné de tout investissement dans la chose publique. Des enquêtes récentes ont montré qu’ils sont même plus engagés que les moins jeunes, relativisant certaines idées reçues, les décrivant comme massivement repliés sur un individualisme frileux et enfermé dans une apathie civique » observe, dans TheConversation, la politologue Anne Muxel, Directrice de recherches (CNRS) au Cevipof (Sciences Po).
De nombreux travaux ont mis en exergue la singularité de cette classe d’âge. S’agissant du vote, les enquêtes sur la participation électorale montrent que les jeunes sont globalement plus abstentionnistes que les plus âgés, même si la majorité d'entre eux votent de manière intermittente plus qu'ils ne s'abstiennent systématiquement. Le baromètre de la jeunesse soulignait l’an dernier (2023) que les 18-30 ans étaient davantage impliqués dans d’autres formes de participation (pétition, participation à une manifestation, une grève, à des actions de désobéissances civiles, etc.) que leurs aînés. La signature d’une pétition ou la défense d’une cause sur Internet ou les réseaux sociaux demeurait, par exemple, l’implication citoyenne la plus répandue parmi les 18-30 ans (40 % contre 32 % des 31 ans et plus en 2023.
Deux enquêtes récentes documentent ce constat d’un engagement des jeunes qui ne faiblit pas mais qui tend à se transformer » : le Baromètre 2024 de la jeunesse de la Direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA) et l’enquête « Jeune(s) en France » pour The Conversation France. Ces deux enquêtes permettent de mieux cerner l’état d’esprit des jeunes, leur confiance ou inquiétude face à l'avenir, les causes qu’ils défendent ainsi leurs modes d’engagement.
Références :
4 jeunes sur 10 ont signé en 2024 une pétition ou défendu une cause en ligne
Le Baromètre annuel de la jeunesse, réalisé par le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CREDOC), pour le compte de la DJEPVA, interroge depuis 2016, environ 4 000 jeunes âgé.e.s de 18 à 30 ans. Depuis 2023, l’échantillon du baromètre est élargi aux mineurs âgés de 15 à 17 ans.
En 2024, 30 % des jeunes âgé.e.s de 15 à 30 ans déclarent avoir donné bénévolement du temps au sein d’une association au moins une fois par mois, au cours des douze derniers mois. L’indicateur progresse de cinq points par rapport à 2023.
Au-delà du bénévolat associatif, le baromètre de la jeunesse documente les autres formes de mobilisation citoyenne des jeunes et de leurs aînés : pétition ou prise de position en ligne, participation à une manifestation, à une grève, à une concertation/consultation publique, etc.
23% déclarent ainsi avoir participé à une consultation publique.
En 2024, la principale forme de participation reste la signature d’une pétition ou la prise de position sur Internet, qui concerne 41 % des jeunes (+3 points), un chiffre stable après une baisse régulière entre 2021 et 2023.
Les jeunes femmes sont plus enclines en 2024 (44%) à signer une pétition ou à prendre position sur Internet que les jeunes hommes (38 %).
L’engagement numérique en 2024 ne retrouve toutefois pas son niveau de 2020, « ce qui pourrait confirmer l’hypothèse d’un mouvement de retrait consécutif au surinvestissement des écrans pendant la crise sanitaire » notent Sandra Hoibian, Charlotte Millot et Jörg Müller (CREDOC) et Amélie Charruault (INJEP).
Le Baromètre de la jeunesse avait enregistré en 2020 une progression pour l'ensemble des formes de participation citoyenne, par rapport à 2019, mais aussi, sur longue période. Ainsi, 47 % des 18-30 ans avaient signé en 2020 une pétition ou défendu une cause sur Internet.
Référence :
« Une participation numérique consistante »
Dans l’enquête Jeunes en France, commanditée par The Conversation et réalisée en octobre 2023 par l’institut George(s), 6 jeunes sur 10 parmi les 18-24 ans se disent engagé.e.s, et parmi eux/elles, 12 % très engagé.e.s. Seul un tiers des jeunes (35 %) se départit de toute idée d’engagement.
« La mise en œuvre concrète de l’engagement fait apparaître un certain nombre d’actions protestataires » , observe Anne Muxel : 23 % ont boycotté plusieurs fois des produits ou des entreprises, 18 % ont participé à une manifestation plusieurs fois, 14 % à une grève, 11 % à un blocage d’entreprise ou d’université. « Cette relative familiarité avec la culture politique protestataire est une caractéristique de la politisation des jeunes générations dans la plupart des démocraties européennes ».
Référence :
Un nombre non négligeable de jeunes mentionnent être ou avoir été membre d’un parti politique (19 %) ou d’un syndicat (16 %). Le secteur associatif apparaît toutefois plus attractif : 44 % des jeunes ont pu adhérer à ce type d’organisation. « Dans ce registre bénévole et militant, la disponibilité des jeunes est réelle ».
40 % des jeunes reconnaissent partager leurs opinions sur les réseaux sociaux (contre 27 % des Français en moyenne), et 43 % à relayer des posts d’influenceur.euse.s sur les causes qui leur tiennent à cœur (contre 25 % en moyenne).
Parmi les causes qui mobilisent le plus les jeunes interrogés, le gaspillage alimentaire arrive en premier, suivi par la défense de l’environnement. Plus de 4 jeunes sur 10 reconnaissent s’être déjà engagé.e.s pour l’une d’entre elles (respectivement 45 % et 43 %).
L’attention portée aux questions des discriminations et des violences s’impose également. La lutte contre les violences faites aux femmes mobilise plus de 4 jeunes sur 10 et combat contre le racisme et les discriminations (42 % déjà engagé.e.s, et 39 % qui pourraient s’engager). 42 % des jeunes se sont déjà engagé.e.s pour le bien-être animal.
« L’enquête enregistre aussi un regain pour le patriotisme. Un jeune sur cinq (20 %) reconnaît que c’est une cause pour laquelle il s’est déjà engagé et 40 % déclarent envisager de le faire (…) Aujourd’hui, ce sont près des deux tiers des jeunes Français (65 %) qui affirment que si besoin est ils seraient prêts à s’engager pour défendre leur pays en cas de conflit, et un sur deux (51 %) se dit prêt à risquer sa vie pour cela ».
Référence :
Ambivalence face aux médias
« Parce qu’ils trouvent leurs repères dans cet environnement de proximité, les jeunes interrogés apparaissent très ambigus face au monde renvoyé par les médias » observe Fabrice Rousselot, Directeur de la rédaction de The Conversation France.
Quand les jeunes décident de s’informer, la priorité n’est pas donnée à la politique ou à l’économie. Ils/elles préfèrent se tourner vers de l’actualité culturelle (note d’intérêt déclaré de 7/10), liée à l’environnement, la santé ou la science (7/10) ou au sport (6/10) : l’intérêt déclaré est beaucoup plus faible pour la politique nationale.
Face à l’actualité, ils/elles se disent à la fois inquiet.e.s (41 %) et curieux.ses (36 %), fatigué.e.s (33 %) et optimistes (24 %). Mais l’angoisse (25 %) et la méfiance (29 %) n’aboutissent pas forcément à de l’indignation (14 %) ou de la mobilisation (10 %).
Les jeunes femmes se déclarent en moyenne plus inquiètes que les hommes (48 % vs 33 %), plus fatiguées (39 % vs 26 %), angoissées (32 % vs 18 %) ou dépassées (30 % vs 20 %).
Référence :
Sources
1. État d’esprit et engagement des jeunes en 2024 : résultats du Baromètre DJEPVA sur la jeunesse
3. État d’esprit et engagement des jeunes en 2024 : résultats du Baromètre DJEPVA sur la jeunesse
4. 18-25 ans : des jeunes étonnamment optimistes et résilients
6. 18-25 ans : des jeunes étonnamment optimistes et résilients