Une nouvelle génération d’outils numériques (applications mobiles, portails, « requêteur ») est en passe de transformer les pratiques d’observation de la faune et de la flore pour le grand public comme pour les professionnels.
Les sciences participatives sont des programmes de collecte d’informations impliquant une participation du public dans le cadre d’une démarche scientifique. Les sciences de la nature, se sont ouvertes depuis longtemps, aux démarches dites de « science participative ». Le plus ancien programme de suivi participatif des oiseaux en Amérique du Nord, le Christmas bird count, a été mis en place en 1900.
En France, c’est dans les années quatre-vingt que des programmes de science participative ont vu le jour, comme le programme STOC ( qui permet à des ornithologues volontaires de participer au suivi standardisé des populations nicheuses d’oiseaux communs) ou le programme Vigie-Nature, animé par le Muséum national d’Histoire naturelle
Dans le sillage de Vigie-Nature, de multiples initiatives ont vu le jour dans des disciplines aussi diverses que l’archéologie, l’astronomie ou la géologie.
On observe, depuis dix ans, un renouveau des sciences participatives. Tiré par une demande croissante de connaissances sur l’état de la biodiversité, ce renouveau des sciences participatives doit beaucoup au « déferlement du numérique, qui va permettre de massifier ces dispositifs ».
Référence :
Romain Julliard (Muséum national d'Histoire naturelle) : le numérique va permettre de massifier les dispositifs de sciences participatives
Afin de répondre à une demande croissante de la part des chercheurs ou d’organismes désireux d’ouvrir leur recherche à la société civile, Romain Julliard vient de mettre sur pied au Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN), Mosaic, une unité entièrement dédiée à l’accompagnement de projets participatifs.Dans un entretien accordé à Uzbek et Rica, il revient longuement sur l’histoire des sciences participatives, leur renouveau qu’il attribue pour partie « au déferlement du numérique, qui va permettre de massifier ces dispositifs.
« On a beaucoup reproché aux tenants des sciences participatives de faire des bénévoles de simples collecteurs de données, en somme de pallier les manques de moyens de la recherche académique par la mobilisation d’une nouvelle « armée de réserve ... Pourtant, grâce au numérique, le rapport de force tend à s’inverser (…) Prenons l’exemple de l’observatoire SPIPOLL [ consistant à photographier les insectes qui se posent sur une fleur pendant 20 minutes : le protocole est très standardisé mais l’observation laisse une part de liberté. On peut prendre des photos quand on veut, où l’on veut et recommencer au rythme que l’on souhaite. Nous, chercheurs, allons ainsi dépendre de la manière dont les contributeurs collectent les données pour faire nos analyses. Les participants orientent ainsi implicitement les questions que l’on se pose, ce dont ils ont probablement conscience et qui devient de plus en plus explicite avec l’expérience ». « Nous avons ainsi plein d’indices qui montrent qu’à l’échelle individuelle et surtout collective les contributeurs, à travers leurs échanges, animent pour partie eux-mêmes le projet. On peut presque inverser l’image d’Épinal des chercheurs qui « exploitent » les contributeurs : je dirais même que, dans une certaine mesure, les contributeurs nous instrumentalisent pour valoriser leurs données. C’est un partenariat entre chercheur et contributeur, chacun devinant l’intention de l’autre en essayant de faire au mieux »À une autre échelle, ajoute Romain Julliard, « en faisant des sciences participatives, on renforce son esprit critique. On développe ce qu’on appelle la « data literacy », c'est-à-dire l’alphabétisation à la donnée. En produisant soi-même des données en toute conscience, en maîtrisant les tenants et les aboutissants des projets, en intégrant une communauté, on développe une véritable culture de la donnée ».
Référence :
Des applications pour saisir et partager les observations sur le terrain
Les dispositifs intégrés aux smartphones - GPS, appareil photo, enregistreurs sonores, boussole – ont ouvert la voie à de nouvelles méthodes de recueil de données liées au patrimoine naturel. La simplicité d’emploi des applications mobiles de « science participative » permet à des naturalistes novices de participer au recueil des connaissances tout en prenant la mesure des enjeux liés à la biodiversité.Ces applications proposent un socle commun de fonctionnalités : saisie des observations sur le terrain, localisation GPS, localisation sur une carte, transmission en temps réel vers une plateforme, accès à des listes ou à des taxonomies.
Certaines d’entre elles proposent permettent de savoir quelles espèces (rares ou non) ont été vues dans un endroit donné. D’autres fonctionnent un peu comme un réseau social et permettent d'obtenir de l'aide pour l'identification des animaux observés.
- NaturaList pour relever les observations relatives à la faune. NaturaList est un carnet de terrain virtuel, qui permet de pointer sur une carte précise la localisation de vos observations concernant une vingtaine de groupes faunistiques, de saisir ces informations en temps réel ou en différé, de savoir quelles sont les espèces qui ont été observées dans un rayon de 5 km et, pour les espèces rares, dans un rayon de 100 km
- « Spipoll » pour le Suivi photographique des insectes pollinisateurs. Ce programme de sciences participatives porté par l'Office pour les insectes et leur environnement (OPIE) propose à ses participants de choisir un type de plante en fleurs, puis de photographier pendant 20 minutes précisément tous les insectes venant y butiner. Cela permet de constituer des collections de photographies, que les autres participants pourront consulter afin d'aider à l'identification des insectes.
- « Rivages » pour améliorer la connaissance des évolutions du trait de côte. Cette application permet de relever le trait de côte sous forme de traces GPS simplement en marchant et illustrer le relevé par des photographies. Le Cerema centralise les relevés, les traite et les diffuse sur le site Géolittoral à travers une cartographie dynamique.
- AGIIR pour signaler les insectes invasifs et/ou ravageurs
- L’application AGIIR permet de reconnaître plusieurs insectes invasifs à partir de divers. paramètres (stade de développement, période de l'année, zone géographique et de déclarer leur présence en un lieu.
- « Sauvages de ma rue » pour étudier la flore urbaine non cultivée. Cette application permet aux citadins de reconnaître les espèces végétales qui poussent dans leur environnement immédiat, les plantes qu’ils croisent quotidiennement dans leur rue, autour des pieds d’arbres, sur les trottoirs, dans les pelouses et d’envoyer ces données aux chercheurs pour mieux comprendre répartition des espèces en ville.
Références :
Plus de 100 000 français impliqués en 2019 dans des programmes de sciences participatives liées à la biodiversité
L’Office Français de la Biodiversité a recensé en 2019 101 000 participants actifs (au moins) à des programmes de sciences participatives en lien avec la biodiversité. Selon cet indicateur (un des nombreux indicateurs tenus à jour par l’OFB dans le cadre de la Strategie Nationale pour la Biodiversité), le nombre de participants a progressé de 16 % en 2019 par rapport à 2018. Il a été multiplié par cinq depuis 2011.Résilience et débrouillardise des sciences participatives en temps de confinement
Au printemps dernier, les sciences participatives en biodiversité ont été mises à l’épreuves par le confinement. Face à cette crise, de nombreux observatoires n’ont pu éviter la paralysie de leurs activités qui reprennent maintenant progressivement. Pour d’autres, cette situation exceptionnelle a permis de capter de nouveaux publics. Les espaces de jardins et balcons ont ainsi été privilégiés par les observateurs. Les outils numériques ont aussi été largement sollicités pour faire vivre les sciences participatives.OPEN, le portail national des sciences participatives
Créé par le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), le portail Observatoires participatifs des espèces et de la nature (OPEN) rassemble 158 programmes de sciences participatives autour de l’étude de la biodiversité.Animé par le MNHN, la Fondation pour la nature et l’homme et l’Union nationale des centres permanents d'initiatives pour l'environnement (UNCPIE), avec le soutien de l’Office français de la biodiversité et de la Fondation de France, Open référence les observatoires de sciences participatives nationaux, régionaux et locaux.
Références :
Avec OpenObs, l’Inventaire National du Patrimoine Naturel donne accès à 157 906 espèces recensées
L'Inventaire National du Patrimoine Naturel (INPN) le portail de la biodiversité française, « diffuse la connaissance sur les espèces animales et végétales, les milieux naturels, les espaces protégés et le patrimoine géologique. L'ensemble de ces données de référence, validées par des réseaux d'experts, sont mises à la disposition de tous, professionnels, amateurs et citoyens. »Une nouvelle fonctionnalité du portail, OpenObs permet desormais de visualiser et de télécharger les données d’observation sur les espèces disponibles dans l’Inventaire national du patrimoine naturel donne accès à 71 millions de données d'observation, 5 298 jeux de données et 157 906 espèces recensées dans l’Inventaire. Ce volume croît de 19 % par an. Deux nouvelles espèces sont décrites chaque jour en France. Pourtant, malgré ces efforts, les deux tiers des principaux groupes d’espèces sont encore considérés comme mal inventoriés en France. Les espèces des outremer, qui constituent 80 % de notre diversité, sont encore mal connues.
OpenObs est techniquement basé sur le projet « Atlas of Living Australia », porté par la communauté GBIF (Global Biodiversity Information Facility). Le GBIF (Système mondial d’information sur la biodiversité) est un réseau international et une infrastructure de données financés par les gouvernements ayant pour but de fournir à tous et partout un accès libre aux données sur toutes les formes de vie sur Terre.
Référence :
Sources
- 1. Vigie-Nature
- 2. « À travers les sciences participatives, on rentre soi-même en transition »
- 3. NaturaList
- 4. Spipoll
- 5. Rivages » : application smartphone du suivi des relevés du trait de côte
- 6. AGIIR Alerter Gérer Les Insectes Invasifs et/ou Ravageur
- 7. Sauvages de ma rue
- 8. Évolution de la participation aux actions d'éducation sensible et citoyenne à la biodiversité
- 9. Ce que nous avons appris du confinement
- 10. OPEN, le portail national des sciences participatives
- 11. Portail français d'accès aux données d'observation sur les espèces