L’agence du Numérique a introduit dans l’édition 2019 du Baromètre (comme en 2018) une série de questions qui visent à mieux comprendre comment les Français font face aux difficultés qu’ils rencontrent quand ils utilisent des outils informatiques et numériques.
L’entourage, principal recours en cas de difficultés à utiliser les outils numériques
Les réponses à la question « Quand vous rencontrez une difficulté en utilisant des outils informatiques et numériques : que faites vous ? » mettent en relief une grande diversité de comportements.
On observe en premier lieu une forme de symétrie aux deux extrémités du spectre : 8 % des personnes interrogées déclarent ne jamais rencontrer de difficultés alors que 5 % abandonnent dès qu’elles rencontrent une difficulté (11 % des personnes interrogées n’utilisant jamais d’outils informatiques et numériques).
En cas de difficultés avec l’utilisation des outils numériques, 42 % cherchent de l’aide. 35 % le font auprès de leurs proches , 2 % auprès de collègues de travail, 4 % vers des acteurs (vendeurs de matériel informatique, notamment) et seulement 1% vers un professionnel ou un bénévoles présents dans un lieu public d'accès à internet (espace public numérique ou multimédia, médiathèque...).
A la suite des analystes du Credoc, on peut décomposer la population en quatre groupes:
- Les personnes « autonomes » (39 %) : elles déclarent ne jamais rencontrer de difficultés (8 %) ou déclarent se débrouiller seules (31 %).
- Les personnes qui cherchent de l’aide (42 %) : très majoritairement auprès de leur entourage
- Les personnes qui abandonnent dés lors qu'elles rencontrent une difficulté (5%)
- Les non-utilisateurs (11 %)
Le sentiment d’autonomie croît avec le niveau de diplôme…
Plus le niveau de diplôme est élevé, plus les individus interrogés affirment se débrouiller seuls ou ne pas avoir de problèmes.
Références :
La proportion d’utilisateurs autonomes atteint 48 % chez les titulaires du baccalauréat et 49 % parmi les diplômés du supérieur. « Il est vraisemblable que les diplômés du supérieur ont bénéficié d’une meilleure initiation et formation à l’informatique au cours de leurs études initiales et que les personnes ayant un revenu élevé ont plus de chances d’être confrontées au quotidien dans leur travail à des outils informatiques, ce qui induit soit une formation préalable pendant les études soit un apprentissage au cours de la carrière professionnelle ».
Et décroît avec l’âge
La proportion d’utilisateurs autonomes (qui se débrouillent seuls ou qui ne rencontrent pas de difficultés) décroît régulièrement avec l’âge : elle passe de 66 % chez les 18- 24 ans, 56 % chez les 25- 39 ans, 41 % chez les 40-59 ans, 24 % chez les 60- 69 ans, 15 % chez les 70 ans et plus. (Les écarts se sont même creusés entre les éditions 2018 et 2019 du Baromètre).
Symétriquement, la propension à demander de l’aide auprès de l’entourage ou des collègues croît avec l’âge : elle passe de 25 % chez les 18- 24 ans à 44 % chez les plus de 40 ans, 47 % chez les 60-69 ans, mais chuté à 34 % chez les plus de 70 ans.
Les hommes plus autonomes ?
Alors que la population des internautes est constituée d’autant d’hommes que de femmes, les hommes affirment plus souvent savoir se débrouiller seuls (38 %) que les femmes (25 %). Ils affirment plus souvent ne pas rencontrer de difficultés (12 %) que les femmes (7 %).
Symétriquement, les femmes seraient plus enclines (45 %) que les hommes (28 %) à chercher de l’aide auprès de l’entourage ou de collègues de travail.
L’interrogation sur les “effets de genre” dans la relation des hommes et des femmes au numérique traverse depuis 15 ans les travaux qui se penchent sur les usages et les compétences numériques. De nombreux travaux ont ainsi mis en relief une moindre confiance des femmes dans leurs compétences numériques.
L’enquête Capacity conduite en 2017 avait mis en relief des différences particulièrement fortes entre hommes et femmes quant à la perception de leurs compétences numériques. « Le score de compétences, compilant les réponses données à l’ensemble des questions portant sur les différents types de compétences (opérationnelles, informelles, sociales, créatives et mobiles) montrait des écarts selon le sexe : un écart particulièrement marqué pour le niveau le plus bas, où l’on trouve beaucoup plus de femmes, et le score le plus élevé, qui compte au contraire beaucoup plus d’hommes».
Ces écarts de compétences perçues selon le sexe se retrouvent dans la plupart des enquêtes qui tentent d’évaluer les compétences numériques des internautes. L’une des explications avancées classiquement en ce qui concerne ces écarts chez les adolescents est que les garçons développent davantage de compétences numériques que les filles car ils passent plus de temps sur les ordinateurs.
Un sentiment d’autonomie variable selon les professions
La proportion d’utilisateurs autonomes est la même chez les personnes disposant de bas et de hauts revenus : 40 %
La profession exercée creuse, en revanche, les écarts. La proportion d’utilisateurs autonomes atteint 57 % dans les professions intermédiaires, 42 % chez les employés, 42 % chez les ouvriers. Elle décroît nettement chez les « inactifs » : personnes au foyer (28 %) et retraités (19 %).
On observe chez les indépendants, les employés et les professions intermédiaires ainsi que chez les personnes au foyer des niveaux de recours à des proches supérieurs à la moyenne (35 %).
« Plus on a d’usages numériques, plus on a d’ennuis »
Contrairement à certaines idées reçues, les difficultés numériques ne concernent pas que les personnes âgées ou les foyers les plus pauvres.
On ne peut plus se contenter de catégoriser les « exclus » ou les « empêchés » du numérique en fonction des seuls critères d’âge, de diplôme ou de catégorie sociale. Contrairement à certaines idées reçues, les difficultés numériques ne concernent pas que les personnes âgées ou les foyers les plus pauvres.
Les seniors peuvent être parfaitement socialisés mais peu attirés par le numérique ou au contraire socialement et géographiquement isolés mais actifs sur les réseaux ; des femmes élevant seules leurs enfants peuvent trouver dans le numérique une opportunité pour ne pas se désocialiser ou au contraire le vivre comme une contrainte supplémentaire dans une vie déjà épuisante.
L’enquête Capacity avait d’ailleurs montré que, de manière un peu paradoxale, « plus on a d’usages numériques, plus on a d’ennuis … En clair, lorsque certaines personnes se contentent d’aller sur Google et de transférer des photos à des proches, elles ont peu de soucis avec Internet », observe Jean-François Marchandise, délégué général de la FING (Fondation Internet Nouvelle Génération). « C’est lorsque l’on a plusieurs dizaines d’usages différents – ce qui est le cas pour un internaute moyen – que les problèmes apparaissent. On perd des documents, on ne sait pas comment publier et dépublier des messages sur certains sites, on est parfois angoissé par certains actes sur une appli bancaire ou en traitant ses impôts… Ces nouveaux embarras numériques, concernent les gens qui sont déjà connectés. Plus les Français ont d’usages numériques non choisis, plus ils ont des ennuis ».