L’expression « Quantified Self » accède à la visibilité médiatique entre 2008 et le milieu des années 2010. « Pour une partie des observateurs, l’intérêt émergent pour la « quantification du soi » ou le « Soi quantifié » doit en premier lieu être rapporté à la diffusion croissante d’objets connectés (capteurs, bracelets, montres et applications mobiles, etc.) résolument attachés aux personnes (portés sur soi de façon particulièrement continue). Pour d’autres analystes, le « Quantified Self » désigne un prolongement et un renouvellement des façons de mesurer les corps, les états mentaux et les activités humaines ».
Ce dossier de la revue Réseaux se propose de « poser un regard distancié sur le développement des quantifications de soi, à en explorer les origines et la variété en prenant au sérieux l’importance du tournant numérique ».
- Ce dossier s’ouvre par un état des lieux des travaux de sciences sociales consacrés au Quantified Self (QS) : au carrefour de la sociologie, de l’anthropologie et des STS (Science, Technologie et Société). Éric Dagiral, Christian Licoppe et Anne-Sylvie Pharabod y rendent rend compte des publications dédiées à l’analyse du mouvement sociopolitique du Quantified Self, thématisent « les grandes questions qui organisent ces travaux (éthique et management de soi ; discipline, contrôle et surveillance ; usages et expériences du QS) », avant de proposer une classification des études d’usages disponibles qui tient compte des méthodes d’enquête mises en œuvre et des types de terrains privilégiés.
- Minna Ruckenstein et Mika Pantzar reviennent sur le traitement du Quantified Self par le magazine techno-optimiste américain Wired à travers l’analyse d’une quarantaine d’articles publiés entre 2008 et 2012. Ouvrant « la boîte noire des principes qui président à leur conception », Moustafa Zouinar catégorise et analyse les grandes fonctions des dispositifs de self-tracking, avant de proposer une analyse inédite des théories de la conception inscrites dans ces technologies à travers un large spectre d’ancrages disciplinaires.
- Les chercheurs impliqués dans le projet ANR QUANTISELF examinent « la place conséquente des chiffres dans l’attention à soi aux différents âges de la vie » : ils pointent les différences entre hommes et femmes quant à l’adoption des outils numériques (application, bracelets ou montres). Ils montrent que « les enjeux de la quantification de soi évoluent selon le cycle de vie : régulation d’une vie instable chez les plus jeunes, rationalisation des vies professionnelle, domestique et personnelle après la naissance des enfants, prévention contre les menaces de l’avancée en âge après 50 ans ».
- Anne-Sylvie Pharabod propose, en conclusion, « une plongée dans la fabrication et l’usage des chiffres personnels sur soi en zoomant sur une pratique centrale du Quantified Self paradoxalement tout à fait méconnue : la quantification de la marche grâce aux podomètres présents dans de nombreux smartphones et bracelets ». Elle explique, notamment, « pourquoi les podomètres numériques ne contribuent que marginalement à la transformation des pratiques de marche ».
- Éric Dagiral, Christian Licoppe et Anne-Sylvie Pharabod : Le Quantified Self en question(s) Un état des lieux des travaux de sciences sociales consacrés à l’automesure des individus
- Éric Dagiral, Christian Licoppe, Olivier Martin et Anne-Sylvie Pharabod : Par-delà le Quantified Self. Exploration thématique d’un paradigme dataïste
- Minna Ruckenstein et Mika Pantzar. Théories et principes de conception des systèmes d’automesure numériques. De la quantification à la régulation distribuée de soi
- Moustafa Zouinar : Faire place aux chiffres dans l’attention à soi. Une sociologie des pratiques de quantification et d’enregistrement aux différents âges de la vie
- Éric Dagiral, Séverine Dessajan, Tomas Legon, Olivier Martin, Anne-Sylvie Pharabod et Serge Proulx : Faire place aux chiffres dans l’attention à soi. Une sociologie des pratiques de quantification et d’enregistrement aux différents âges de la vie
- Anne-Sylvie Pharabod : « Faire ses 10 000 pas », vraiment ? Une enquête sur les pratiques de self-tracking ordinaires.
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