Destinées à favoriser l’économie locale et l’emploi local, ces devises (paritaires avec l’euro et dépourvues de centimes) ne peuvent être utilisées que pour les achats du quotidien, sur une zone restreinte et dans un réseau de commerces, entreprises et services s’engageant à respecter des critères sociaux et écologiques. La loi Économie sociale et solidaire (ESS) de 2014 avait donné une base légale aux monnaies locales complémentaires.
Associées à des applications mobiles, des monnaies locales numérique seraient plus facilement traçables, ce qui permettrait d’effectuer un suivi plus précis et de mesurer son impact.
Sur les 83 projets de monnaies locales existants en France, seuls un peu plus d’une dizaine font circuler une monnaie numérique en complément d’une monnaie papier.
Le passage au numérique représente pour les promoteurs des monnaies locales une épreuve « forçant les collectifs porteurs des projets à se réinterroger, et à faire évoluer le compromis souhaité entre capacité, maîtrise et ambition », observent cinq chercheurs du GIS Marsouin, François Coldefy, Karine Roudaut, Valérie Deruelle, Nicolas Jullien et Jorge Muñoz, dans l’enquête qu’ils consacrent aux monnaies locales en Bretagne.
« Informer, distribuer la monnaie, convaincre les utilisateurs prend du temps, organiser les échanges et les conversions aussi, dans un contexte où les ressources en bénévoles sont limitées. La numérisation, totale ou partielle des échanges, parce qu’elle diminue ces « coûts de transaction » apparaît comme une solution quasi « évidente ».Neuf monnaies locales complémentaires citoyennes (MLCC) bretonnes, sur les 12 existantes, ont annoncé fin 2020 leur décision de converger vers une monnaie numérique commune régionale, à l’horizon 2021. L’objectif est de mutualiser les efforts et coûts de la numérisation, de permettre des échanges avec une même monnaie entre plusieurs bassins de vie (notamment pour les professionnels) et d’étendre l’utilisation à des territoires non encore couverts par les associations.
Les cinq chercheurs du GIS Marsouin retracent les débats qui traversent les promoteurs des monnaies locales en Bretagne, à propos de ce projet de monnaie numérique et régionale.
« Les arguments énoncés sont de trois ordres : interne, sur la gestion des opérations de change, et externes, sur la diffusion de la monnaie locale (le nombre d’utilisateurs), et sur sa vitesse de circulation (le nombre de transactions par unité de monnaie locale en circulation). Le numérique permettrait de « toucher un public plus jeune » tout en constituant une alternative aux cartes bancaires, échappant ainsi aux usages potentiels du traçage numérique des habitudes d’achats. Il permettrait, en outre, « de simplifier et de faciliter la circulation entre professionnels « via le compte en ligne et l’application mobile ». …« Malgré tous ces avantages, et l’enthousiasme initial, l’expérimentation soulève autant de problèmes qu’elle n’en résout. ... La monnaie numérique implique de nouveaux engagements pour les bénévoles ».Le numérique ré-interroge les projets, et leurs porteurs, sur trois dimensions :
- « Quels acteurs (notamment institutionnels) impliquer ?
- Comment les impliquer et quel risque cela induit-il sur l'autonomie du projet ?
- Entre la réalité économique des échanges et la définition d'un lieu de vie, quel est le territoire pertinent ? ».
Références :