L’intelligence artificielle bénéficie depuis peu de progrès déterminants dans la puissance des processeurs et serveurs et dans l’expertise de masses croissantes de données, avec de nouveaux algorithmes et des investissements croissants dans la recherche.
Le gouvernement a chargé Cédric Villani d’une mission sur l’intelligence artificielle. L’objectif assigné à la mission consiste à étudier les actions nécessaires pour permettre à la France et à l’Europe d’être à la pointe de l’économie de l’IA, décrire les meilleures pratiques internationales d’application de ces technologies au service de la transformation et de l’amélioration des politiques publiques, identifier les applications prioritaires à déployer à l’intérieur de la sphère publique et ouvrir le champ à une réflexion nationale sur les impacts de l’IA, en considérant ses effets sur le travail les questions éthiques qu’elle soulève.
En parallèle, la ministre du Travail et le secrétaire d’État au numérique ont demandé à France Stratégie d’anticiper les impacts de l’intelligence artificielle sur le marché du travail.
Ces deux missions interviennent après la publication du rapport France IA de mars 2017 et celle du rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques (OPECST)
Dans un rapport publié en mars dernier, l’OPECTS s’inquiétait des représentations catastrophistes de l’IA dans les médias et la culture populaire et leur impact sur l’opinion. Recensant une série de sondages qui avaient mis en relief les inquiétudes de l’opinion vis-à-vis de l’IA, le rapport de OPECST jugeait indispensable « de démystifier l’IA ». « Il convient de faire savoir que les progrès en intelligence artificielle sont d’abord bénéfiques à la société, et que les risques éventuels doivent être anticipés et peuvent être maîtrisés » proposaient, en conclusion, notamment de « former et sensibiliser le grand public à l’intelligence artificielle par des campagnes de communication, l’organisation d’un salon international de l’intelligence artificielle et de la robotique et la diffusion d’émissions de télévision pédagogiques » (proposition n° 13), de « former et sensibiliser le grand public aux conséquences pratiques de l’intelligence artificielle et de la robotisation » (proposition n° 13).
Polarisation des opinions face au développement de l'intelligence artificielle
Toute une série de sondages ont mis en relief la polarisation de l’opinion vis à vis du développement de l’IA. Cette polarisation résulte, pour une large part, de la formulation binaire des questions : « Percevez-vous l'intelligence artificielle comme une chance, ou vous fait-elle peur ? » (comme dans les trois enquêtes réalisées par Odoxa, pour le compte de Microsoft, Stratégies, BFM, 01 net et l’Usine nouvelle).
La même question ayant été posée par Odoxa dans des termes identiques en 2016, mars 2017 et juin 2017, on observe une certaine stabilité dans les réponses.
On pressent, cependant, quand on examine le profil sociodémographique ou socioprofessionnel des répondants que la réponse a cette question est largement surdéterminée par le rapport que les personnes entretiennent avec les technologies numériques, l’intensité de leurs pratiques numériques ou encore par la perception que les personnes ont de leurs « compétences numériques », qui varient selon l’âge, le niveau de revenus, la situation professionnelle ou le niveau de diplôme.
Le sentiment de peur croît avec l’âge
Si le sentiment de peur croît presque mécaniquement avec l’âge, on observe cependant un écart modéré relativement (13 points) entre les réponses des plus jeunes (18-24 ans) et celles des plus âgés (65 ans et plus).
La confiance dans l’Intelligence artificielle croît avec les niveaux de diplôme et de revenus
Le niveau de peur ou de confiance apparaît là aussi indexé sur les diverses formes de stratification sociale (CSP, revenus et qualification).
L’écart dans les réponses est de 19 points entre CSP + et CSP - et de 18 points entre les plus bas et les plus hauts revenus,
Il est de 17 % entre les moins et les plus diplômés (A noter ici qu’Odoxa s’en tient a une classification de diplômes en 3 catégories (diplôme inférieur ou supérieur au bac : les écarts seraient probablement plus marqués si Odoxa avait retenu une catégorisation plus fine).
L’IA inquiète plus les femmes que les hommes
Le sentiment de peur face a l’IA est plus marqué chez les femmes que chez les hommes. L’écart dans les réponses entre hommes et femmes s’est même creusé en un an, passant de 12% à 17% en un an.
Cet écart est peut-être imputable au fait que les femmes se perçoivent (à tort ou à raison) comme moins compétentes dans leur relation au numérique que les hommes. Des régressions logistiques seraient ici précieuses afin de neutraliser les effets d’âge : les femmes vivant plus longtemps que les hommes, les écarts constatés sont probablement imputables pour une part à ce facteur d’âge ou à d’autres facteurs.
Les réticences vis-à-vis de l’IA sont assez largement partagées en Europe
La Commission européenne a entrepris de sonder les attitudes des Européens face à l’intelligence artificielle. (Elle avait déjà consacré deux enquêtes, en 2012 et 2015, aux attitudes des Européens face aux robots et aux systèmes autonomes).La question posée était la suivante : « de façon générale, avez-vous une image très positive, plutôt positive, plutôt négative ou très négative des robots et de l’intelligence artificielle ? ». La gradation des réponses proposées en quatre niveaux (Très positive, Plutôt positive, Plutôt négative, Très négative) débouche sur des jugements moins tranchés.
La moyenne des jugements positifs (très positifs et plutôt positifs) s’établit à 61 % pour les 28 pays-membres de l’Union : la France est légèrement en retrait (55 % de jugements positifs).
On observe d’importants écarts parmi les 28 pays-membres entre les pays qui accueillent le plus positivement l’IA et ceux qui sont les plus réservés. Les 28 pays-membres peuvent être classés en quatre groupes :
- Les plus positifs vis-à-vis de l’IA (moins de 20 % de jugements négatifs) : on y retrouve les pays scandinaves.
- Les moyennement positifs (entre 20 % et 30 % de jugements négatifs) : on y retrouve, notamment, la Pologne, le Royaume-Uni et l’Italie.
- Les réservés : (entre 30 % et 40 % de jugements négatifs) : on y retrouve, notamment, l’Allemagne, l’Autriche, l’Espagne, la Belgique, la Hongrie et la France.
- Les plus réservés : (plus de 40 % et plus de jugements négatifs) : on y retrouve, notamment, la Grèce et le Luxembourg.
88 % des Européens estiment que « les robots et l’intelligence artificielle sont des technologies qui nécessitent d’être gérées avec prudence » : 93 % en France.
44 % des Européens pensent que « leur travail actuel pourrait être fait par un robot ou par une intelligence artificielle à l’avenir » : ils ne sont que 37 % en France, 38% en Allemagne, 39% aux Pays-Bas.
Références :
Lancement d’une consultation publique sur l’intelligence artificielle par Cédric Villani
Cette consultation durera du 6 décembre au 6 janvier. Participez ! Elle est ouverte à tous et nous vous attendons nombreux. Cette consultation est structurée en 7 sous-thèmes:- Construire une politique de données adaptée aux enjeux de l’IA
- Un écosystème pour une recherche agile et diffusante
- Etablir un cadre de confiance éthique et de confiance pour le développement de l’IA
- Anticiper et maîtriser les impacts de l’IA sur le travail et l’emploi
- L’IA au service d’une économie soutenable et écologique
- Impulser une dynamique forte et catalyser des opportunités sur des secteurs clés
- Mettre en place un terreau général favorable au développement de l’IA
Sources
- 1. Oui à l’IA et aux robots… s’ils ne nous « volent » pas notre travail,
- 2. Intelligence Artificielle : Les Français l’utilisent déjà massivement mais en ont encore un peu peur,
- 3. L’intelligence artificielle emballe les « gagnants » du système mais fait peur aux autres,
- 4. Les Français et les robots
- 5. Attitudes towards the impact of digitisation and automation on daily life, Special Eurobarometer