En France, plus de 12 millions de Français sont en situation de handicap. Ces personnes ont besoin d’une information fiable sur l’accessibilité des établissements recevant du public (ERP) pour faciliter leur mobilité.
Le dispositif réglementaire français impose la mise en accessibilité des bâtiments d’habitation, des ERP, de la voirie et des transports publics pour les personnes en situation de handicap. Encore faut-il permettre aux personnes concernées de savoir quels lieux sont correctement aménagés et leur sont accessibles.
En pratique, le quotidien des personnes en situation de handicap reste souvent contraint par un manque d’information de qualité et en temps réel concernant l’accessibilité des moyens de transport.
Dans The conversation, Élise Ho-Pun-Cheung, chercheuse associée en science politique à Aix-Marseille Université (AMU) dresse un tableau des difficultés que rencontrent les opérateurs de transport et les collectivités pour collecter, harmoniser et rendre des données accessibles. « Il est par exemple parfois difficile voire impossible de savoir en avance si un bus sera bien équipé d’un planché bas ou si le cheminement précédent l’arrêt est suffisamment large pour permettre le passage d’un fauteuil roulant ».
Dans un cahier très complet consacré à la standardisation des données ouvertes, Data Publica commente le cas des données relatives à l’accessibilité des lieux et des moyens de transport.
Référence :
Une obligation d’ouverture des données liées à l’accessibilité des transports
La loi d'orientation des mobilités impose aux gestionnaires de voirie et aux autorités organisatrices de transports de créer des bases de données décrivant l’accessibilité à l’horizon décembre 2023. L’objectif de cette obligation est de permettre aux personnes handicapées ou à mobilité réduite de se déplacer et d’accéder à tous les espaces urbains de la même manière qu’une personne valide. La loi pour une République numérique de 2016, pour sa part, impose le principe d’ouverture par défaut des données publiques et d’intérêt général. Afin de s’assurer que ces données, à vocation d’être ouvertes, soient homogènes partout en France et répondent aux attentes des personnes en situation de handicap, la délégation ministérielle à l’accessibilité (DMA) aujourd’hui rattachée au ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a lancé plusieurs chantiers. Ils ont abouti à la publication de plusieurs standards de données ouvertes à valeur réglementaire.
Beaucoup de collectivités n’ont pas encore à disposition l’intégralité des données d’accessibilité voirie et transport de leur territoire. Un important travail de collecte est donc nécessaire.
Le standard d’échange de données d’accessibilité voirie, validé par le CNIG fin 2021, permet d’harmoniser cette collecte d’informations géographiques de description de l’accessibilité des cheminements de la voirie, de l’espace public, et des établissements recevant du public (ERP).
Le profil accessibilité France de NeTEx permet quant à lui d’échanger des informations liées à l’accessibilité du transport public (d’une gare, d’un quai…). Des spécifications communes et des règles de conversion doivent assurer l’interopérabilité des données entre ces deux standards.
La direction ministérielle à l’accessibilité encourage par ailleurs les collectivités à aller au-delà des seules obligations légales en collectant et publiant également des données sur l’accessibilité des établissements recevant du public en utilisant un troisième standard, également compatible avec les deux autres.
Ces trois standards répondent à des besoins complémentaires et ont été conçus sous l’impulsion de la direction ministérielle à l’accessibilité, à travers des groupes de travail réunissant des profils légèrement différents (des spécialistes de la description de la voirie ou des transports selon le sujet). Ils se sont attachés à traduire dans des schémas de données les besoins exprimés par les associations de personnes handicapées.
« Publier des données sur l’accessibilité des transports et des ERP ne garantit pas qu’ils soient effectivement accessibles. Les standards de données ne sont pas de stricts objets techniques, qui devraient être l’affaire de quelques techniciens déconnectés de la réalité des usagers », conclut Élise Ho-Pun-Cheung, « mais des objets politiques, devant être conçus dans le respect de principes de concertation ».
Depuis le 7 octobre 2016, l’ouverture des données est devenue la règle pour l’ensemble des acteurs investis d’une mission de service public disposant de plus de 50 agents et pour les territoires de plus de 3500 habitants. « Si la loi impose un principe d’ouverture généralisée, chaque territoire publie les données selon ses compétences, son patrimoine de données et ses pratiques », observe Data Publica dans un dossier très complet consacré à la standardisation des données ouvertes.Ce cahier présente un état des lieux très complet de la standardisation des données ouvertes : il porte une attention particulière aux défis liés à la conception et à la réutilisation des données ouvertes dans les collectivités territoriales.Après avoir rappelé l’importance croissante de la standardisation dans l’informatique, mis en relief le travail considérable de standardisation qui sous-tend la production de statistiques, les auteurs du cahier retracent les nombreuses initiatives en faveur de la standardisation des données ouvertes. Ils reviennent en détail sur des cas de standards sectoriels (les données de mobilité, notamment), pointent les défis de la conception de standards (enjeux de la concertation, la difficulté de choisir le « bon » format), puis ceux de la production des données standardisées (standardiser des données déjà publiées, accompagner la production de nouvelles données), avant de s’interroger, en conclusion, sur les alternatives à la standardisation.Des données ouvertes différentes d’un territoire à l’autre« D’un producteur à l’autre, les fichiers ne contiennent pas nécessairement les mêmes champs ou ne donnent pas le même niveau de détail », observent les auteurs de ce cahier. « Les valeurs dans les champs eux-mêmes ne sont pas normalisées ».Les données ne sont pas nommées de la même manière selon les territoires. « En plus des différences de terminologie entre collectivités, il existe plus généralement un décalage (un vocabulary mismatch) entre les producteurs, qui publient des documents avec leur propre vocabulaire, et des utilisateurs formulant leur besoin avec un autre ».« Concrètement, ces enjeux de découvrabilité et de normalisation des données limitent l’impact de l’open data. Sans harmonisation des pratiques, il est très compliqué de construire des services ou des usages qui dépassent un seul territoire ». Les auteurs du cahier prennent comme exemple l’application Handimap, qui propose des itinéraires accessibles aux personnes à mobilité réduite en tenant compte des trottoirs surbaissés, elle a ainsi été entravée dans son développement par l’absence de normalisation des données sur l’accessibilité de la voirie. Chaque nouvelle instance locale de l’application nécessitait un développement conséquent pour s’adapter aux données du territoire.Les standards permettent à différents outils numériques de communiquer pour construire un tout cohérent au service d’un ou plusieurs objectifs. La standardisation des données pourrait ainsi réduire les frictions « en facilitant la découverte de données similaires ouvertes dans différents territoires et en permettant de consolider les données produites localement dans une base nationale exploitable facilement ».
Standardiser les données grâce à des schémas« La standardisation des données ouvertes s’articule autour de schémas. Ces derniers sont des standards lisibles par des machines, des conventions qui décrivent les champs et les valeurs admises dans un jeu de données conforme à ses préconisations. C’est donc en s’y conformant que nous produisons des jeux de données standardisés. Compréhensibles par les machines, les schémas sont réexploités dans des formulaires et des interfaces à destination des humains ».Dans la lignée du monde de la statistique, dont la comparabilité des indicateurs repose sur leur standardisation, celui de l’information géographique et environnementale a engagé des travaux avancés sur la standardisation depuis 2007. La directive INSPIRE proposait ainsi des dispositions relatives à l’interopérabilité des données géographiques et environnementales passant par la standardisation des métadonnées mais aussi des données elles-mêmes. En France, le Conseil National de l’information géolocalisée (CNIG) est le principal concepteur de standards de données géographiques (généralement des standards réglementaires). En 2022, l’ancienne commission « données » est d’ailleurs rebaptisée commission « standards », attestant de la place importante tenue par la conception de géostandards dans les activités du CNIG.Au-delà des données géographiques, la France connaît depuis peu un regain d’intérêt et un foisonnement d’initiatives sur la question de la standardisation.Les schémas de données encadrant la production et la réutilisation de données, notamment par les collectivités territoriales, sont de plus en plus nombreux.Depuis 2018, l’association OpenDataFrance, qui fédère les collectivités engagées dans une démarche d’ouverture des données, développe le Socle Commun des Données Locales (SCDL) pour homogénéiser la publication en open data de données essentielles produites par des acteurs territoriaux, aider les producteurs à améliorer la qualité des données qu’ils publient et faciliter l’exploitation des données publiées par les réutilisateurs.Huit jeux de données préalablement sélectionnés comme prioritaires ont ainsi fait l’objet d’une démarche de standardisation et ce socle est en train de s’étendre.Le SCDL a aussi impulsé une dynamique dans l’administration d’État avec le lancement en juin 2019 de schema.data.gouv.fr, qui référence les standards français qui ont été adoptés par voie réglementaire ou conçus par la communauté des producteurs et réutilisateurs de données. Le site référence également des schémas en cours d’investigation et de construction.
Schema.data.gouv.fr : produire collaborativement des schémas pour homogénéiser les donnéesÀ l’été 2022, près de cinquante schémas de données sont référencés, dont une dizaine en investigation. La documentation proposée sur le site permet aux producteurs de données de s’approprier ces schémas et donc de produire des jeux de données les respectant.Suite à la circulaire du Premier ministre du 27 avril 2021, relative à la politique publique de la donnée, des algorithmes et des codes sources, 15 feuilles de route ministérielles ont été publiées le 27 septembre 2021.La feuille de route du ministère de la Cohésion des territoires se donne l’objectif « d'encourager l’ouverture de données selon des référentiels partagés est un gage de qualité qui, à terme, facilitera l’interopérabilité, voire l’émergence de solutions ouvertes. En collaboration avec les associations de collectivités, des territoires pionniers à différentes échelles, ainsi que des éditeurs de solutions numériques équipant les collectivités, il s’agit de converger et de promouvoir les meilleures pratiques de normalisation » (Action 15).
Une nouvelle charte d'accessibilité de la communication de l'État décrit précisément les objectifs et les moyens mis en œuvre pour rendre accessibles aux publics handicapés et au grand public les contenus émis et diffusés par les ministères, les administrations centrales, les sites internet gouvernementaux, etc.Présentée le 6 octobre 2022 lors du 7e comité interministériel sur le handicap, cette nouvelle charte complète et précise le socle de références et de règles communes à tous les ministères et services publics.La communication de chaque ministère devra être accessible
Adaptation des contenusLes contenus diffusés par les institutions et les administrations publiques sur l'ensemble de leurs supports, et notamment sur leurs sites Internet, doivent être adaptés en fonction de leur forme d'origine : langue des signes, sous-titrage, description orale d'un document, d'une image, d'un schéma, ou encore traduction en « Facile à lire et à comprendre » (Falc), pour être accessibles aux différents types de handicap.La charte définit une police d'écriture assurant la meilleure lisibilité (typographie Marianne spécifiquement dessinée, usage limité de l'italique...). Les choix de couleur doivent être limités et privilégier les contrastes élevés entre fond et texte. Les documents PDF doivent être accessibles et en version utilisable par les lecteurs d'écran (transcription orale) ou plage braille, etc.Les textes doivent être aérés, bien structurés, rédigés de manière claire et simple, neutres et s'adresser à tous.Cette nouvelle charte s'adresse à tous les agents publics en charge d'informer les citoyens sur les actions de l’État et donne des exemples précis sur les principes graphiques, iconographiques, d'écriture et d'organisation de l'information.L'accessibilité de la communication publique comprend aussi l'accueil téléphonique.L'objectif de la charte est de servir également de référent à l'ensemble des services publics et des collectivités locales.
Handicaps : quelles données et quels standards pour connaître les lieux et moyens de transport accessibles au public ?
En France, plus de 12 millions de Français sont en situation de handicap. Ces personnes ont besoin d’une information fiable sur l’accessibilité des établissements recevant du public (ERP) pour faciliter leur mobilité.
Le dispositif réglementaire français impose la mise en accessibilité des bâtiments d’habitation, des ERP, de la voirie et des transports publics pour les personnes en situation de handicap. Encore faut-il permettre aux personnes concernées de savoir quels lieux sont correctement aménagés et leur sont accessibles.
En pratique, le quotidien des personnes en situation de handicap reste souvent contraint par un manque d’information de qualité et en temps réel concernant l’accessibilité des moyens de transport.
Dans The conversation, Élise Ho-Pun-Cheung, chercheuse associée en science politique à Aix-Marseille Université (AMU) dresse un tableau des difficultés que rencontrent les opérateurs de transport et les collectivités pour collecter, harmoniser et rendre des données accessibles. « Il est par exemple parfois difficile voire impossible de savoir en avance si un bus sera bien équipé d’un planché bas ou si le cheminement précédent l’arrêt est suffisamment large pour permettre le passage d’un fauteuil roulant ».
Dans un cahier très complet consacré à la standardisation des données ouvertes, Data Publica commente le cas des données relatives à l’accessibilité des lieux et des moyens de transport.
Référence :
Une obligation d’ouverture des données liées à l’accessibilité des transports
La loi d'orientation des mobilités impose aux gestionnaires de voirie et aux autorités organisatrices de transports de créer des bases de données décrivant l’accessibilité à l’horizon décembre 2023. L’objectif de cette obligation est de permettre aux personnes handicapées ou à mobilité réduite de se déplacer et d’accéder à tous les espaces urbains de la même manière qu’une personne valide. La loi pour une République numérique de 2016, pour sa part, impose le principe d’ouverture par défaut des données publiques et d’intérêt général. Afin de s’assurer que ces données, à vocation d’être ouvertes, soient homogènes partout en France et répondent aux attentes des personnes en situation de handicap, la délégation ministérielle à l’accessibilité (DMA) aujourd’hui rattachée au ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a lancé plusieurs chantiers. Ils ont abouti à la publication de plusieurs standards de données ouvertes à valeur réglementaire.
Beaucoup de collectivités n’ont pas encore à disposition l’intégralité des données d’accessibilité voirie et transport de leur territoire. Un important travail de collecte est donc nécessaire.
Le standard d’échange de données d’accessibilité voirie, validé par le CNIG fin 2021, permet d’harmoniser cette collecte d’informations géographiques de description de l’accessibilité des cheminements de la voirie, de l’espace public, et des établissements recevant du public (ERP).
Le profil accessibilité France de NeTEx permet quant à lui d’échanger des informations liées à l’accessibilité du transport public (d’une gare, d’un quai…). Des spécifications communes et des règles de conversion doivent assurer l’interopérabilité des données entre ces deux standards.
La direction ministérielle à l’accessibilité encourage par ailleurs les collectivités à aller au-delà des seules obligations légales en collectant et publiant également des données sur l’accessibilité des établissements recevant du public en utilisant un troisième standard, également compatible avec les deux autres.
Ces trois standards répondent à des besoins complémentaires et ont été conçus sous l’impulsion de la direction ministérielle à l’accessibilité, à travers des groupes de travail réunissant des profils légèrement différents (des spécialistes de la description de la voirie ou des transports selon le sujet). Ils se sont attachés à traduire dans des schémas de données les besoins exprimés par les associations de personnes handicapées.
« Publier des données sur l’accessibilité des transports et des ERP ne garantit pas qu’ils soient effectivement accessibles. Les standards de données ne sont pas de stricts objets techniques, qui devraient être l’affaire de quelques techniciens déconnectés de la réalité des usagers », conclut Élise Ho-Pun-Cheung, « mais des objets politiques, devant être conçus dans le respect de principes de concertation ».