Près de 5,5 millions d’habitant·e·s vivent dans les 1 514 quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) en France métropolitaine et en outre-mer.
Coup sur coup, plusieurs études et enquêtes ont entrepris de cerner les pratiques numériques des habitant·e·s de ces quartiers :
- Dans son son sixième rapport, l’Observatoire national des politiques de la ville (ONPV) fait le point sur les vulnérabilités et les ressources des quartiers prioritaires : il consacre un chapitre détaillé du rapport aux pratiques numériques des habitant·e·s des quartiers prioritaires qui s'appuie sur l'enquête Capuni réalisée en 2019 auprès de 7500 personnes.
- Les Cahiers du développement social urbain consacrent un dossier très consistant (plus de vingt contributions) aux pratiques numériques des habitant·e·s des quartiers prioritaires, notamment pour l’accès à l’emploi et à la formation.
- Richard Nordier y rend compte d’une enquête réalisée pour la Métropole de Lyon sur les usages que ces publics font d’Internet lorsqu’ils recherchent un emploi, un stage ou une formation. Il pointe des difficultés « pratiques » (disposer d’un ordinateur, savoir utiliser aisément un clavier...) mais aussi « psychosociales : avoir peur de mal faire ou de commettre un impair, sous-estimer ou surestimer ses capacités réelles, être démotivé·e après avoir essuyé de nombreux refus ou en l’absence de réponse ».
- D'une tout autre nature est le programme « Data & Quartiers » qui visait à jeter une passerelle « entre deux univers qui ne se connaissaient pas : celui de la politique de la ville et celui de la data ». Avec le soutien de l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (ANCT), le programme « Data & Quartiers » a expérimenté de nouveaux outils et de nouveaux usages de la donnée que l’on retrouve plus fréquemment déployés dans les quartiers centraux au titre des projets de « ville intelligente ».
- Le Compas, un bureau d’étude spécialisé dans l’observation sociale des territoires, pour sa part, a entrepris d’évaluer la part des travailleurs des plateformes résidant dans un quartier prioritaire : selon cette étude, 24% des livreurs en activité en France résident dans un QPV. De même, parmi les 52 700 chauffeurs VTC en activité à cette date, près d’un sur cinq (19%) vit dans un QPV. La part des chauffeurs résidant dans un quartier prioritaire est quatre fois supérieure à celle de l’ensemble des travailleurs.
- Dans le cadre de la 5ème édition de Numérique en Commun[s], qui se tenait le 28 septembre 2022 à Lens (Pas de Calais), un atelier contributif a examiné les enjeux d’inclusion numérique spécifiques aux quartiers prioritaires. Pour ses participant.e.s, « le numérique doit irriguer l’ensemble des contrats de ville, comme un pilier transversal et non pas comme un axe spécifique. Si ce choix fait prendre le risque d’une dilution, il permet de créer des exigences partagées à tous les acteur·rice·s du contrat de ville, et une véritable culture commune ».
Le présent dossier se propose de revenir plus en détail sur ces études et enquêtes afin de dessiner une vision d'ensemble du sujet.
Quelles pratiques numériques des habitant·e·s des quartiers prioritaires de la politique de la ville ?
En 2019, 87 % des habitant·e·s des QPV métropolitaine âgés de 18 à 59 ans étaient équipé.e.s d’un smartphone (contre 91 % des habitant·e·s de France métropolitaine), 75 % d’un ordinateur à la maison (contre 89 %) et 48 % d’une tablette (contre 54 %).
L’Observatoire national des politiques de la ville (ONPV) dresse, dans son sixième rapport, une synthèse de diverses études et enquêtes sur le thème des vulnérabilités et des ressources des QPV.
L’ONPV consacre un chapitre détaillé du rapport aux pratiques numériques des habitant·e·s des quartiers prioritaires.
Il s’appuie sur l'enquête Capuni réalisée en 2019 auprès de 7500 personnes.
Les chercheur·euse·s du Groupement d'Intérêt Scientifique M@rsouin ont comparé les réponses des habitant·e·s des QPV avec celles des habitants des Unités Urbaines Englobantes (métropoles et communautés urbaines, le plus souvent) et celles de la population générale.
Recherche d’emploi dans les quartiers populaires de la Métropole de Lyon : une dématérialisation, mais à quel prix ?
Richard Nordier rend compte, dans les Cahiers du Développement Social, d’une enquête réalisée pour la Métropole de Lyon sur les usages que les publics résidant en quartiers prioritaires de la politique de la ville font d’Internet lorsqu’ils recherchent un emploi, un stage ou une formation.
En termes d’autonomie numérique, les jeunes se distinguent nettement des autres groupes. « Ils pâtissent davantage des difficultés propres au marché du travail que de problèmes avec l’informatique. Les autres publics sont nettement moins à l’aise avec Internet, voire peu autonomes avec les outils numériques ».
L’envoi de candidatures en ligne est relativement fréquent chez les jeunes, les salarié·e·s en parcours d’insertion et les bénéficiaires du RSA de longue durée. Les femmes font état d’une nette préférence pour l’envoi de courriers postaux. Dans tous les cas, la remise de candidatures en main propre est fréquemment privilégiée pour différentes raisons : repérer directement où se situe une entreprise, s’assurer de la bonne réception de sa candidature, montrer sa motivation, dissiper d’éventuels malentendus… L’utilisation de l’e‒mail s’avère aussi souvent problématique, tout comme le recours aux moteurs de recherche. Se souvenir de ses identifiants ou savoir formuler des mots clés est en effet compliqué pour de nombreuses personnes.
Plus largement, conclut l’auteur, les difficultés rencontrées par les publics sont de deux ordres :
- « pratique : disposer d’un ordinateur, savoir utiliser aisément un clavier, rechercher de l’information sur Internet sans se perdre, parvenir à télécharger puis envoyer son CV, trouver des offres d’emploi en adéquation avec son projet… ;
- psychosocial : avoir peur de mal faire ou de commettre un impair, sous-estimer ou surestimer ses capacités réelles, être démotivé·e après avoir essuyé de nombreux refus ou en l’absence de réponse »…
La totalité des publics considère avoir la possibilité de se faire aider en cas de besoin : enfants (tout particulièrement lorsqu’ils sont en cours de scolarisation et équipés d’un ordinateur), conjoints mais aussi voisin·e·s ou membres d’une même communauté sont fréquemment cité.e.s en premier lieu.
« Bien qu’utiles, ils ne permettent pas toujours d’obtenir une réponse efficace aux problèmes rencontrés. Les professionnel·le·s de l’accompagnement constituent également un autre vecteur d’aide important : assistant·e social·e, conseiller·ère Pôle emploi ou mission locale, formateur·rice au numérique ou encore associations spécialisées. Dans de nombreux cas, ces deux canaux sont mobilisés en parallèle et fort utiles pour lever les freins ».
Référence :
Data & Quartiers : Quand le big data se met au service des quartiers
Pendant 3 ans, l’association RésO Villes a entrepris de jeter une passerelle « entre deux univers qui ne se connaissaient pas : celui de la politique de la ville et celui de la data ».
Avec le soutien de l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (ANCT) et en s’appuyant sur les experts de CIVITEO, le programme « Data & Quartiers » a expérimenté de nouveaux outils et de nouveaux usages de la donnée que l’on retrouve plus fréquemment déployés dans les quartiers centraux au titre des projets de « ville intelligente ».
Les objectifs principaux du programme étaient les suivants :
▪ Utiliser des outils de « datascience » au bénéfice des quartiers prioritaires ;
▪ Améliorer la connaissance et l’observation des quartiers grâce à la data ;
▪ Comprendre et expliquer ces nouveaux outils, ces nouvelles données, ces nouveaux usages ;
▪ Documenter la méthodologie pour favoriser la duplication des expérimentations.
Les projets menés sur les thématiques de l’emploi, de la santé et des mobilités, avec le soutien de partenaires privés et publics, ont permis de consolider une méthodologie et d’acquérir certaines convictions quant au rôle de la data dans la politique de la ville.
Référence :
Numérique et emploi dans les quartiers prioritaires de la ville : quand les inégalités se croisent
Les Cahiers du développement social urbain consacrent un dossier très complet (plus de vingt contributions) aux pratiques numériques des habitants des quartiers prioritaires, notamment pour l’accès à l’emploi et à la formation.
La première partie du dossier documente la situation des habitants des quartiers prioritaires face aux inégalités numériques.
La deuxième partie propose des éléments de compréhension sur la manière dont les politiques publiques abordent la question de la transition numérique, notamment dans le champ de l’insertion professionnelle. « Il s’agit ainsi de donner à voir les réponses mises en place, du national au local, pour accompagner les habitants des quartiers vers la transition numérique pour et dans l’emploi ».
La troisième partie s’intéresse aux opportunités d’emploi offertes par le numérique : « le numérique peut-il être un support, une réponse, pour non seulement faciliter l’accès à l’emploi mais aussi pour créer de l’emploi ? ».
Chauffeurs VTC et livreurs surreprésentés dans les quartiers populaires
Selon le Compas, un bureau d’étude spécialisé dans l’observation sociale des territoires, la part des travailleurs des plateformes résidant dans un quartier populaire est plus élevée que celle des autres travailleurs.
Au 1er janvier 2022, parmi les 179 200 livreurs en activité en France, un sur quatre (24%) réside dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV)3. De même, parmi les 52 700 chauffeurs VTC en activité à cette date, près d’un sur cinq (19%) vit dans un QPV. La part des chauffeurs résidant dans un quartier prioritaire est quatre fois supérieure à celle de l’ensemble des travailleurs.
D’une manière générale, observe l’auteur de l’étude, Hugo Botton, « c’est dans les quartiers les plus marqués par des fragilités économiques (pauvreté, inactivité, chômage, travail à temps partiel) qu’il y a le plus de livreurs. Ainsi, les quartiers où la présence de livreurs parmi les travailleurs est la plus forte sont ceux qui ont, dans l’ordre, ont une part élevée d’immigrés, connaissent un taux de pauvreté élevé, ont une faible part de ménages disposant d’une voiture, sont situés dans un EPCI (métropole ou intercommunalité) caractérise par une forte présence de cadres et de nombreux jeunes (18-24 ans et 25- 39 ans) ».
De même, les quartiers où résident le plus de chauffeurs parmi les travailleurs sont situés dans un EPCI très peuplé avec de nombreux cadres, ont une part élevée d’immigrés, une part élevée de ménages disposant d’une voiture et connaissent un taux de pauvreté élevé.
Cette surreprésentation des travailleurs des plateformes au sein des quartiers populaires souligne le rôle que jouent ces quartiers dans l’économie au niveau local, conclut l’auteur de l’étude. « Les quartiers populaires ne regroupent pas que des inactifs ou des chômeurs, comme certaines visions caricaturales le laissent sous-entendre. Rappelons que 40% des personnes en emploi dans les QPV occupaient en 2020 des professions en « première ligne face au Covid-19 ».
Référence :
NEC : Quelle place pour la médiation numérique dans les quartiers populaires après 2023 ?
Dans le cadre de la 5ème édition de Numérique en Commun[s], qui se tenait le 28 septembre 2022 à Lens (Pas de Calais), un atelier contributif a examiné les enjeux d’inclusion numérique spécifiques aux quartiers prioritaires.
Pour les participants à cet atelier, si des actions d’inclusion et de médiation numérique sont présentes de fait dans un grand nombre de contrats de ville, si des politiques publiques “de droit commun” ont été déployées (stratégie nationale pour un numérique inclusif, 150 “Fabriques de territoires” dans les QPV, conseillers numériques France service…), la prise en compte institutionnelle de l’inclusion numérique reste encore faible : elle « n’est pas encore présente contractuellement dans le contrat de ville et n’y dispose ni d’objectifs ni d’une nomenclature adaptée ».
« La politique de la ville appelle souvent à des entrées thématiques. Si l’inclusion numérique doit être conçue comme une politique publique transversale, certains des enjeux de la politique de la ville appellent des réponses particulières qui passent par la mobilisation du savoir-faire des acteur.rice.s de la médiation numérique en complément de l’action des acteur.rice.s déjà présent.e.s ».
Pour le groupe de travail, « le numérique doit irriguer l’ensemble des contrats de ville, comme un pilier transversal et non pas comme un axe spécifique. Si ce choix fait prendre le risque d’une dilution, il permet de créer des exigences partagées à tous les acteur.rice.s du contrat de ville, et une véritable culture commune nécessaire dans un contexte où le numérique est devenu un fait social total ».
De plus, le groupe de travail « pose l'exigence que le numérique soit perçu comme une ressource (capable d’encapaciter les acteur.rice.s) et pas seulement comme un problème (celui des inégalités numériques) ».
Enfin, « il invite à ce que ce pilier bénéficie d’un diagnostic spécifique et d’un suivi continu, autant par les porteur.se.s de projet que par les comités de pilotage des contrats de ville ».
Référence :
Sources
1. Les pratiques numériques de recherche d’emploi des habitant·e·s des quartiers populaires
2. Data & Quartiers : Quand le big data se met au service des quartiers
3. Hugo Botton : L’ubérisation des quartiers populaires. Compas zOOm n°27
4. Quelle place pour la médiation numérique dans les quartiers populaires après 2023 ?
[Dossier] Les pratiques numériques dans les quartiers prioritaires : inégalités et opportunités
Près de 5,5 millions d’habitant·e·s vivent dans les 1 514 quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) en France métropolitaine et en outre-mer.
Coup sur coup, plusieurs études et enquêtes ont entrepris de cerner les pratiques numériques des habitant·e·s de ces quartiers :
- Dans son son sixième rapport, l’Observatoire national des politiques de la ville (ONPV) fait le point sur les vulnérabilités et les ressources des quartiers prioritaires : il consacre un chapitre détaillé du rapport aux pratiques numériques des habitant·e·s des quartiers prioritaires qui s'appuie sur l'enquête Capuni réalisée en 2019 auprès de 7500 personnes.
- Les Cahiers du développement social urbain consacrent un dossier très consistant (plus de vingt contributions) aux pratiques numériques des habitant·e·s des quartiers prioritaires, notamment pour l’accès à l’emploi et à la formation.
- Richard Nordier y rend compte d’une enquête réalisée pour la Métropole de Lyon sur les usages que ces publics font d’Internet lorsqu’ils recherchent un emploi, un stage ou une formation. Il pointe des difficultés « pratiques » (disposer d’un ordinateur, savoir utiliser aisément un clavier...) mais aussi « psychosociales : avoir peur de mal faire ou de commettre un impair, sous-estimer ou surestimer ses capacités réelles, être démotivé·e après avoir essuyé de nombreux refus ou en l’absence de réponse ».
- D'une tout autre nature est le programme « Data & Quartiers » qui visait à jeter une passerelle « entre deux univers qui ne se connaissaient pas : celui de la politique de la ville et celui de la data ». Avec le soutien de l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (ANCT), le programme « Data & Quartiers » a expérimenté de nouveaux outils et de nouveaux usages de la donnée que l’on retrouve plus fréquemment déployés dans les quartiers centraux au titre des projets de « ville intelligente ».
- Le Compas, un bureau d’étude spécialisé dans l’observation sociale des territoires, pour sa part, a entrepris d’évaluer la part des travailleurs des plateformes résidant dans un quartier prioritaire : selon cette étude, 24% des livreurs en activité en France résident dans un QPV. De même, parmi les 52 700 chauffeurs VTC en activité à cette date, près d’un sur cinq (19%) vit dans un QPV. La part des chauffeurs résidant dans un quartier prioritaire est quatre fois supérieure à celle de l’ensemble des travailleurs.
- Dans le cadre de la 5ème édition de Numérique en Commun[s], qui se tenait le 28 septembre 2022 à Lens (Pas de Calais), un atelier contributif a examiné les enjeux d’inclusion numérique spécifiques aux quartiers prioritaires. Pour ses participant.e.s, « le numérique doit irriguer l’ensemble des contrats de ville, comme un pilier transversal et non pas comme un axe spécifique. Si ce choix fait prendre le risque d’une dilution, il permet de créer des exigences partagées à tous les acteur·rice·s du contrat de ville, et une véritable culture commune ».
Le présent dossier se propose de revenir plus en détail sur ces études et enquêtes afin de dessiner une vision d'ensemble du sujet.
Quelles pratiques numériques des habitant·e·s des quartiers prioritaires de la politique de la ville ?
En 2019, 87 % des habitant·e·s des QPV métropolitaine âgés de 18 à 59 ans étaient équipé.e.s d’un smartphone (contre 91 % des habitant·e·s de France métropolitaine), 75 % d’un ordinateur à la maison (contre 89 %) et 48 % d’une tablette (contre 54 %).
L’Observatoire national des politiques de la ville (ONPV) dresse, dans son sixième rapport, une synthèse de diverses études et enquêtes sur le thème des vulnérabilités et des ressources des QPV.
L’ONPV consacre un chapitre détaillé du rapport aux pratiques numériques des habitant·e·s des quartiers prioritaires.
Il s’appuie sur l'enquête Capuni réalisée en 2019 auprès de 7500 personnes.
Les chercheur·euse·s du Groupement d'Intérêt Scientifique M@rsouin ont comparé les réponses des habitant·e·s des QPV avec celles des habitants des Unités Urbaines Englobantes (métropoles et communautés urbaines, le plus souvent) et celles de la population générale.
Recherche d’emploi dans les quartiers populaires de la Métropole de Lyon : une dématérialisation, mais à quel prix ?
Richard Nordier rend compte, dans les Cahiers du Développement Social, d’une enquête réalisée pour la Métropole de Lyon sur les usages que les publics résidant en quartiers prioritaires de la politique de la ville font d’Internet lorsqu’ils recherchent un emploi, un stage ou une formation.
En termes d’autonomie numérique, les jeunes se distinguent nettement des autres groupes. « Ils pâtissent davantage des difficultés propres au marché du travail que de problèmes avec l’informatique. Les autres publics sont nettement moins à l’aise avec Internet, voire peu autonomes avec les outils numériques ».
L’envoi de candidatures en ligne est relativement fréquent chez les jeunes, les salarié·e·s en parcours d’insertion et les bénéficiaires du RSA de longue durée. Les femmes font état d’une nette préférence pour l’envoi de courriers postaux. Dans tous les cas, la remise de candidatures en main propre est fréquemment privilégiée pour différentes raisons : repérer directement où se situe une entreprise, s’assurer de la bonne réception de sa candidature, montrer sa motivation, dissiper d’éventuels malentendus… L’utilisation de l’e‒mail s’avère aussi souvent problématique, tout comme le recours aux moteurs de recherche. Se souvenir de ses identifiants ou savoir formuler des mots clés est en effet compliqué pour de nombreuses personnes.
Plus largement, conclut l’auteur, les difficultés rencontrées par les publics sont de deux ordres :
- « pratique : disposer d’un ordinateur, savoir utiliser aisément un clavier, rechercher de l’information sur Internet sans se perdre, parvenir à télécharger puis envoyer son CV, trouver des offres d’emploi en adéquation avec son projet… ;
- psychosocial : avoir peur de mal faire ou de commettre un impair, sous-estimer ou surestimer ses capacités réelles, être démotivé·e après avoir essuyé de nombreux refus ou en l’absence de réponse »…
La totalité des publics considère avoir la possibilité de se faire aider en cas de besoin : enfants (tout particulièrement lorsqu’ils sont en cours de scolarisation et équipés d’un ordinateur), conjoints mais aussi voisin·e·s ou membres d’une même communauté sont fréquemment cité.e.s en premier lieu.
« Bien qu’utiles, ils ne permettent pas toujours d’obtenir une réponse efficace aux problèmes rencontrés. Les professionnel·le·s de l’accompagnement constituent également un autre vecteur d’aide important : assistant·e social·e, conseiller·ère Pôle emploi ou mission locale, formateur·rice au numérique ou encore associations spécialisées. Dans de nombreux cas, ces deux canaux sont mobilisés en parallèle et fort utiles pour lever les freins ».
Référence :
Data & Quartiers : Quand le big data se met au service des quartiers
Pendant 3 ans, l’association RésO Villes a entrepris de jeter une passerelle « entre deux univers qui ne se connaissaient pas : celui de la politique de la ville et celui de la data ».
Avec le soutien de l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (ANCT) et en s’appuyant sur les experts de CIVITEO, le programme « Data & Quartiers » a expérimenté de nouveaux outils et de nouveaux usages de la donnée que l’on retrouve plus fréquemment déployés dans les quartiers centraux au titre des projets de « ville intelligente ».
Les objectifs principaux du programme étaient les suivants :
▪ Utiliser des outils de « datascience » au bénéfice des quartiers prioritaires ;
▪ Améliorer la connaissance et l’observation des quartiers grâce à la data ;
▪ Comprendre et expliquer ces nouveaux outils, ces nouvelles données, ces nouveaux usages ;
▪ Documenter la méthodologie pour favoriser la duplication des expérimentations.
Les projets menés sur les thématiques de l’emploi, de la santé et des mobilités, avec le soutien de partenaires privés et publics, ont permis de consolider une méthodologie et d’acquérir certaines convictions quant au rôle de la data dans la politique de la ville.
Référence :
Numérique et emploi dans les quartiers prioritaires de la ville : quand les inégalités se croisent
Les Cahiers du développement social urbain consacrent un dossier très complet (plus de vingt contributions) aux pratiques numériques des habitants des quartiers prioritaires, notamment pour l’accès à l’emploi et à la formation.
La première partie du dossier documente la situation des habitants des quartiers prioritaires face aux inégalités numériques.
La deuxième partie propose des éléments de compréhension sur la manière dont les politiques publiques abordent la question de la transition numérique, notamment dans le champ de l’insertion professionnelle. « Il s’agit ainsi de donner à voir les réponses mises en place, du national au local, pour accompagner les habitants des quartiers vers la transition numérique pour et dans l’emploi ».
La troisième partie s’intéresse aux opportunités d’emploi offertes par le numérique : « le numérique peut-il être un support, une réponse, pour non seulement faciliter l’accès à l’emploi mais aussi pour créer de l’emploi ? ».
Chauffeurs VTC et livreurs surreprésentés dans les quartiers populaires
Selon le Compas, un bureau d’étude spécialisé dans l’observation sociale des territoires, la part des travailleurs des plateformes résidant dans un quartier populaire est plus élevée que celle des autres travailleurs.
Au 1er janvier 2022, parmi les 179 200 livreurs en activité en France, un sur quatre (24%) réside dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV)3. De même, parmi les 52 700 chauffeurs VTC en activité à cette date, près d’un sur cinq (19%) vit dans un QPV. La part des chauffeurs résidant dans un quartier prioritaire est quatre fois supérieure à celle de l’ensemble des travailleurs.
D’une manière générale, observe l’auteur de l’étude, Hugo Botton, « c’est dans les quartiers les plus marqués par des fragilités économiques (pauvreté, inactivité, chômage, travail à temps partiel) qu’il y a le plus de livreurs. Ainsi, les quartiers où la présence de livreurs parmi les travailleurs est la plus forte sont ceux qui ont, dans l’ordre, ont une part élevée d’immigrés, connaissent un taux de pauvreté élevé, ont une faible part de ménages disposant d’une voiture, sont situés dans un EPCI (métropole ou intercommunalité) caractérise par une forte présence de cadres et de nombreux jeunes (18-24 ans et 25- 39 ans) ».
De même, les quartiers où résident le plus de chauffeurs parmi les travailleurs sont situés dans un EPCI très peuplé avec de nombreux cadres, ont une part élevée d’immigrés, une part élevée de ménages disposant d’une voiture et connaissent un taux de pauvreté élevé.
Cette surreprésentation des travailleurs des plateformes au sein des quartiers populaires souligne le rôle que jouent ces quartiers dans l’économie au niveau local, conclut l’auteur de l’étude. « Les quartiers populaires ne regroupent pas que des inactifs ou des chômeurs, comme certaines visions caricaturales le laissent sous-entendre. Rappelons que 40% des personnes en emploi dans les QPV occupaient en 2020 des professions en « première ligne face au Covid-19 ».
Référence :
NEC : Quelle place pour la médiation numérique dans les quartiers populaires après 2023 ?
Dans le cadre de la 5ème édition de Numérique en Commun[s], qui se tenait le 28 septembre 2022 à Lens (Pas de Calais), un atelier contributif a examiné les enjeux d’inclusion numérique spécifiques aux quartiers prioritaires.
Pour les participants à cet atelier, si des actions d’inclusion et de médiation numérique sont présentes de fait dans un grand nombre de contrats de ville, si des politiques publiques “de droit commun” ont été déployées (stratégie nationale pour un numérique inclusif, 150 “Fabriques de territoires” dans les QPV, conseillers numériques France service…), la prise en compte institutionnelle de l’inclusion numérique reste encore faible : elle « n’est pas encore présente contractuellement dans le contrat de ville et n’y dispose ni d’objectifs ni d’une nomenclature adaptée ».
« La politique de la ville appelle souvent à des entrées thématiques. Si l’inclusion numérique doit être conçue comme une politique publique transversale, certains des enjeux de la politique de la ville appellent des réponses particulières qui passent par la mobilisation du savoir-faire des acteur.rice.s de la médiation numérique en complément de l’action des acteur.rice.s déjà présent.e.s ».
Pour le groupe de travail, « le numérique doit irriguer l’ensemble des contrats de ville, comme un pilier transversal et non pas comme un axe spécifique. Si ce choix fait prendre le risque d’une dilution, il permet de créer des exigences partagées à tous les acteur.rice.s du contrat de ville, et une véritable culture commune nécessaire dans un contexte où le numérique est devenu un fait social total ».
De plus, le groupe de travail « pose l'exigence que le numérique soit perçu comme une ressource (capable d’encapaciter les acteur.rice.s) et pas seulement comme un problème (celui des inégalités numériques) ».
Enfin, « il invite à ce que ce pilier bénéficie d’un diagnostic spécifique et d’un suivi continu, autant par les porteur.se.s de projet que par les comités de pilotage des contrats de ville ».
Référence :
Sources
1. Les pratiques numériques de recherche d’emploi des habitant·e·s des quartiers populaires
2. Data & Quartiers : Quand le big data se met au service des quartiers
3. Hugo Botton : L’ubérisation des quartiers populaires. Compas zOOm n°27
4. Quelle place pour la médiation numérique dans les quartiers populaires après 2023 ?
Labo Société Numérique