Le logiciel libre a conquis une grande part des infrastructures techniques et prend une place de plus en plus importante dans tous les systèmes d’information jusqu’aux terminaux.
Selon une étude récente, commandée par la Commission européenne, les entreprises dans l’UE ont investi environ un milliard d’euros dans les logiciels libres en 2018, avec un impact sur l’économie européenne évalué entre 65 et 95 milliards d’euros.
Le marché français était, en 2019, le plus important en volume comparé (5,2 milliards d’euros) aux autres pays européens.
Le 21 octobre 2021, la Commission européenne a approuvé une nouvelle stratégie pour les logiciels libres 2020-2023. Elle « définit une vision pour encourager et tirer parti du pouvoir de transformation, d’innovation et de collaboration de l’open source, de ses principes et de ses pratiques de développement ».
La Commission a adopté, en décembre 2021, de nouvelles règles sur les logiciels libres : pour publier le code source des logiciels dont ils sont propriétaires, les services de la Commission bénéficieront d’une procédure beaucoup plus rapide et moins lourde.
Un impact des logiciels libres sur l'économie européenne estimé entre 65 et 95 milliards d'euros.
La Commission européenne a publié le 6 septembre 2021 une étude sur l’impact des logiciels libres (OSS, Open Source Software) et du matériel libre (OSH, Open Source Hardware) sur l’économie européenne, réalisée par Fraunhofer ISI et OpenForum Europe.
Le rapport dresse un tableau complet des utilisations commerciales actuelles des logiciels libres (ou logiciels Open Source), de leurs coûts et avantages, ainsi que des efforts politiques déployés à l’échelle mondiale en vue d’utiliser et d’amplifier les avantages liés à l'utilisation des logiciels libres.
Selon ce rapport, « les développeurs européens de logiciels libres (développeurs indépendants, universitaires, fonctionnaires et salariés du privé) contribuent de manière significative à l'écosystème mondial des logiciels libres ».
Dans l'UE, ce sont les employés des petites et très petites entreprises qui sont le plus susceptibles de contribuer à la production de codes de logiciels libres (à la difference des Etats-Unis ou les contributions proviennent principalement de grandes entreprises)
Les entreprises situées dans l'UE ont investi quelque 1 milliard d'euros dans les logiciels libres en 2018.
L'étude conclut que le bassin de logiciels libres contribue de manière significative au PIB de l'UE, et qu'une augmentation de 10 % des contributions générerait chaque année entre 0,4 % et 0,6 % de PIB supplémentaire pour l'UE.
Une augmentation de 10 % entraînerait la création de plus de 600 start-ups technologiques supplémentaires par an dans l'UE.
L'analyse des séries chronologiques économétriques des données relatives au PIB des États membres de l'UE indique qu'en 2018, dans tous les États membres, l'impact économique des logiciels libres était compris entre 65 et 95 milliards d'euros. Le nombre de contributeurs individuels se chiffrait à au moins 260 000, soit 8 % des près de 3,1 millions d'employés de l'UE travaillant dans le secteur de la programmation informatique en 2018.
Référence :
Des dynamiques nationales contrastées
Une étude réalisée en 2019 par Teknowlogy pour le Conseil national des logiciels libres (CNLL), Syntec Numérique et Systematic, avait entrepris d’évaluer les ordres de grandeur des chiffres d’affaires générés par l’Open Source et les tendances sur les principaux marchés nationaux en Europe.
Le marché français était, en 2019, le plus important en volume comparé (5,2 milliards d’euros) aux autres pays européens. « Il doit cette large incursion dans l’open source à une forte culture du développement spécifique et de l’intégration de systèmes hétérogènes, ainsi qu’à l’investissement historique des administrations dans ce domaine », commentent ses auteurs.
Référence :
En , compte-tenu de la domination d’un acteur comme SAP, le marché reste moins important avec 5,1 Md€ (+8,2%) prévus en 2020, mais devrait se dynamiser davantage à l’avenir.
Allemagne
En , la marché de l'Open Source devrait croître, avec le transfert des systèmes hérités vers l'Open Source. La communauté est dynamisée par le fort engagement des fournisseurs de Cloud, des entreprises privées, des sociétés de services informatiques et des startups. Un déficit de réglementation et de politique de commande publique ainsi qu'un fort lobby d'entreprises ralentissent le développement du marché de l'Open Source.
Allemagne
Au , le marché britannique de l'Open Source connaît une croissance régulière. Son principal moteur reste la réduction des coûts. Tous les secteurs sont engagés mais les contributions restent marginales. Les politiques publiques favorisent l'open source. Les auteurs mentionnent un déficit d'experts qui comprennent vraiment les mécanismes de l'open source.
Royaume Uni
En , le marché de l'Open Source connait une croissance annuelle de plus de 15 %. Bien que le secteur public soit le principal utilisateur et contributeur de l'Open Source, aucune politique ne régit le marché. En l'absence de grands pure players, le marché de l'Open Source a du mal à répondre à tous les besoins des entreprises.
Espagne
En plus de 70% des entreprises utiliseraient l'Open Source, Les contributions sont encore faibles, hormis dans le secteur public. Tous les nouveaux projets du secteur public sont publiés sous une licence Open Source. Le pays manque d'experts, mais la popularité de l'Open Source est élevée dans les universités.
Italie,
Une grande diversité de motivations pour participer aux logiciels libres
Dans le cadre de ce rapport, plus de 900 entreprises et développeurs ont répondu à une enquête. Près de 25 % des répondants étaient des sociétés de développement de logiciels et 10 % des développeurs individuels. Les start-ups étaient fortement représentées.
Les motivations des répondants pour participer aux logiciels libres étaient, par ordre de priorité : Les intérêts personnels des participants individuels étaient également importants.
- trouver des solutions techniques,
- éviter la dépendance à l'égard des fournisseurs,
- faire avancer l'état de développement de la technologie,
- développer un code source de haute qualité,
- la recherche de connaissances et la création de connaissances.
L'accès à de nouveaux marchés et clients par le biais de contributions aux logiciels libres ne représentait pas une incitation significative.
Cependant, observent les auteurs de l'étude, « la réduction des coûts constituait une motivation importante, en réduisant les efforts de maintenance interne, en accédant à des codes sources libres de droits et en améliorant les retours sur investissement en R&D ».
Parmi d'autres motivations supérieures à la moyenne, apparaissent Les répondants utilisant des logiciels libres et contribuant au code source des projets de logiciels libres ont identifié le soutien aux normes ouvertes et à l'interopérabilité comme générant les avantages les plus élevés, les avantages étant indirects et résultant d'externalités de réseau plutôt que de revenus directs.
- la création de réseaux,
- le développement de fonctionnalités non différenciantes (par ex. : des bibliothèques couramment utilisées)
- et l'amélioration de la réputation.
Les répondants ont également attribué une importance supérieure à la moyenne à : l'accès au code source, la réduction des dépenses, l'évitement de la dépendance à l'égard des fournisseurs, l'accès à une communauté active pour l'échange de connaissances, l'effet favorable de leur participation sur l’innovation, ainsi que l'amélioration de la sécurité et de la qualité.
Référence :
La mise en œuvre de politiques publiques efficaces en matière de logiciels libres reste un défi
Le volet du rapport consacré aux politiques gouvernementales des secteurs public et privé relatives aux logiciels libres révèle des différences significatives en termes de portée et d'objectif.
Le rapport identifie quatre motivations principales, avec une variation au fil du temps de l’importance accordée : Il distingue deux vagues principales de soutien gouvernemental aux logiciels libres, la première commençant au début des années 2000 et la seconde au milieu des années 2010.
- économies de coûts ;
- coûts de transition et effets de réseau ;
- sous-production de biens publics ;
- concurrence sur le marché et neutralité technologique.
Ces politiques « visent soit à améliorer les compétences en matière d'Open Source et à optimiser les résultats au sein du secteur public, soit à privilégier les logiciels libres par rapport aux logiciels propriétaires dans les marchés publics. Ces politiques présentent des portées, des mécanismes de mise en œuvre et des caractères normatifs différents, allant de lois contraignantes à de simples normes».
« Certains gouvernements imposent ou influencent la politique industrielle en vue de générer de l'innovation par le biais des logiciels libres, tandis que d'autres collaborent avec les universités afin de favoriser la formation aux logiciels libres et le développement de ces derniers, ou s'efforcent directement de soutenir la création ou le soutien des communautés de logiciels libres. Les gouvernements peuvent aussi directement financer ou certifier des projets Open Source afin d’atteindre leurs objectifs politiques». « les politiques de logiciels libres du secteur public ont souvent été infructueuses, même dans le cas des marchés publics».
La majorité des États membres de l'UE et d'autres pays européens étudiés ont des politiques formelles sur l’Open Source au niveau national : elles incluent dans la plupart des cas une politique de marchés publics pour les logiciels libres.
Selon les auteurs du rapport, « les politiques de logiciels libres du secteur public ont souvent été infructueuses, même dans le cas des marchés publics».
« Les seules mises en œuvre véritablement convaincantes ont eu lieu dans les cas où l'Open Source est devenu un élément central d'un virage numérique et s’est par conséquent ancré dans la culture numérique de l'administration concernée. Les lois exigeant le développement et la réutilisation des logiciels libres dans le secteur public n'ont généralement pas été couronnées de succès, souvent en raison de l'absence de directives de mise en œuvre concrètes». « Les événements actuels, concluent les auteurs de l'étude, offrent une fenêtre d'opportunité permettant au leadership et à l'engagement de l'UE de produire des résultats disproportionnés. Les fondations de logiciels libres et les développeurs de normes se sont réinstallés dans l'UE à la suite de récents conflits commerciaux. La tradition de neutralité représentée par les entités non gouvernementales dont le siège est situé dans l'UE fournit donc une solution attrayante à un problème qui est susceptible de persister indépendamment de l’évolution des politiques dans d’autres régions du monde».
Le rapport recommande notamment à l’Union Européenne :
- de mener une politique industrielle dédiée à l’open source et de l’inclure dans ses principaux cadres politiques, tels que le pacte vert pour l'Europe et la stratégie industrielle européenne, ainsi que dans les politiques relatives aux PME,
- de mettre en place un réseau européen d’unités administratives dédiées à l’accélération de l’utilisation des logiciels libres et des technologies ouvertes (OSPOs ou “Missions logiciels libres”),
- de fournir un financement substantiel aux mécanismes de support, ainsi qu'aux projets open source, par exemple par le biais du programme de R&D Horizon Europe,
- d'améliorer l'inclusion des logiciels libres dans les marchés publics,
- et plus globalement de promouvoir l'autonomie numérique et la souveraineté technologique via l'Open Source.
Référence :
La nouvelle stratégie de la Commission européenne pour les logiciels libres 2020-2023
Le 21 octobre, la Commission européenne a approuvé la nouvelle stratégie pour les logiciels libres 2020-2023
Il s'agit d'une étape importante pour atteindre les objectifs de la stratégie numérique globale de la Commission et contribuer au programme Digital Europe.
La stratégie interne, sous le thème ''Think Open'', définit une vision pour encourager et tirer parti du pouvoir de transformation, d'innovation et de collaboration de l'open source, de ses principes et de ses pratiques de développement. Elle encourage le partage et la réutilisation des solutions logicielles, des connaissances et de l'expertise, afin de fournir de meilleurs services européens qui profitent à la société et réduisent les coûts pour cette société. La Commission s'engage à accroître son utilisation des logiciels libres non seulement dans des domaines pratiques tels que l'informatique, mais aussi dans des domaines où ils peuvent être stratégiques.
Les principaux objectifs de la nouvelle stratégie sont de permettre à la Commission de : La mise en œuvre de la stratégie sera guidée par 6 principes : penser ouvert, transformer, partager, contribuer, sécuriser, garder le contrôle.
- Progresser vers l'autonomie numérique de l'Europe, une approche numérique propre et indépendante ;
- Mettre en œuvre la stratégie numérique de la Commission européenne ;
- Encourager le partage et la réutilisation des logiciels et des applications, ainsi que des données, des informations et des connaissances ;
- Contribuer à la société de la connaissance en partageant le code source de la Commission ;
- Construire un service public de classe mondiale ;
Référence :
La Commission ouvre ses logiciels au profit des entreprises, des innovateurs et des domaines d'intérêt public
La Commission a adopté en décembre 2021 de nouvelles règles sur les logiciels libres, qui permettront d'ouvrir l'accès à ses solutions logicielles lorsqu'il existe des avantages potentiels pour les citoyens, les entreprises et les services publics.
Elle s'appuie explicitement sur les conclusions de l'étude qu'elle avait commandée pour évaluer l'impact des logiciels libres pour l'indépendance technologique, la compétitivité et l'innovation dans l'économie de l'UE.
Pour publier le code source des logiciels dont ils sont propriétaires, les services de la Commission bénéficieront d'une procédure beaucoup plus rapide et moins lourde.
Pour illustrer les avantages du code source ouvert, la Commission mentionne deux exemples: L'ensemble des logiciels libres de la Commission disponibles au même endroit
- eSignature, un ensemble de normes, outils et services libres qui permettent aux administrations publiques et aux entreprises d'accélérer la création et la vérification de signatures électroniques juridiquement valables dans tous les États membres de l'UE.
- le logiciel LEOS (Legislation Editing Open Software), utilisé dans toute la Commission pour la rédaction de textes juridiques. Écrit à l'origine pour la Commission, LEOS est désormais développé en étroite collaboration avec l'Allemagne, l'Espagne et la Grèce.
La Commission mettra ses logiciels à disposition en code source ouvert dans un répertoire unique, afin de faciliter l'accès et la réutilisation. Avant sa diffusion, chaque logiciel sera examiné afin d'éliminer, le cas échéant, les risques en matière de sécurité ou de confidentialité, les problèmes de protection des données et les atteintes aux droits de propriété intellectuelle de tiers.
Cette décision facilitera et améliorera l'efficacité de nombreuses démarches:
- la diffusion de logiciels sous licence open source ne nécessitera plus de décision de la Commission;
- dans la mesure du possible, les services de la Commission examineront progressivement tous les logiciels développés avant l'adoption de ces nouvelles règles et recenseront ceux qui ont le potentiel de générer de la valeur en dehors de la Commission;
- désormais, la Commission permet à ses développeurs de logiciels de contribuer à des projets à code source ouvert en proposant les améliorations développées dans le cadre de leurs propres travaux.
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« L'open source, un atout caché pour l'Europe dans la course au leadership numérique »
L'APELL, l'Association Professionnelle Européenne du Logiciel Libre, voit dans l'étude de la Commission «une fondation solide sur laquelle on peut s'appuyer».« Le besoin d'autonomie numérique ainsi que les nombreuses externalités positives des contributions open source à l'économie justifient donc de passer un palier en terme d'engagement politique ».
La question clé, pour l'APELL, qui réunit les principales associations d'entreprises représentatives de la filière open source «est donc d'identifier les politiques publiques, au niveau de l'UE et au niveau national, qui permettront à la filière européenne des logiciels libres de se développer davantage».
A cette fin, elle formule une série de propositions. Pour l'APELL « dans tous les domaines du numérique, qu'il s'agisse du Cloud, de l'intelligence artificielle, de la cybersécurité ou de l'Internet des objets, les logiciels open source sont au cœur de l'innovation et l'Europe doit saisir cette chance de prendre la tête».
- Établir des stratégies open source spécifiques au niveau de l'UE et dans chaque État membres axées sur la stimulation de la croissance économique, de l'innovation et de la souveraineté numérique.
- Donner la priorité à l'open source dans les achats de logiciels par les secteurs public et privé de manière à ce qu'il devienne impossible de créer une dépendance insurmontable envers les fournisseurs.
- Promouvoir l'investissement dans les logiciels libres, par exemple avec un soutien aux PME pendant les phases pré-compétitives de développement de nouvelles technologies, et une généralisation des incitations fiscales aux contributions open source.
- Augmenter le financement public de projets open source spécifiques et stratégiques, en particulier pour les petites et moyennes entreprises, au travers des programmes existants et de nouvelles initiatives.
- Placer l'open source au cœur des stratégies de développement des compétences numériques et de l'enseignement de l'informatique à travers l'Europe.
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