Alors que le volume de données numériques croît à une vitesse vertigineuse, une équipe de chercheurs à Montpellier explore, avec le projet Genesis, de nouvelles pistes pour réduire leur impact énergétique.
La quantité de données numériques créées ou répliquées dans le monde ne cesse de gonfler. Cette hausse a des répercussions sur la consommation énergétique : les services numériques représentent entre 6 % et 10 % de la consommation électrique mondiale. En France, elle est estimée à 10 %.
Il est donc pertinent d'interroger la place qu'occupent les centres de données (datacenters) au cœur de cette économie numérique. « Ces centres de données équipés de serveurs, de commutateurs, de systèmes de stockage et de refroidissement, fournissent des services de stockage et de calcul à destination, le plus souvent, d'entreprises ou d'organisations (…) La centralisation des données en ces lieux permet de fiabiliser l'accès à ces données à moindres coûts pour les entités qui y accèdent », explique Abdoulaye Gamatié, directeur de recherche au Laboratoire d'informatique, de robotique et de microélectronique de Montpellier (Lirmm) : une Unité mixte de Recherche, Université Montpellier et CNRS.
« Les datacenters ne sont en moyenne utilisés que 30 % du temps, alors que ceux-ci restent alimentés en permanence », observe Abdoulaye Gamatié. « Il faut assurer une qualité de service tout en maximisant le taux d'usage. Ce qui s'avère délicat à cause de la fluctuation de la demande. Un site de e-commerce est ainsi plus sollicité en décembre qu'en août, par exemple. Pour répondre aux pics, il doit donc consentir à allouer un nombre de ressources supérieur à sa moyenne », déclare Gilles Sassatelli, Directeur de recherche au Lirmm.
Cette hausse constante s'explique aussi par l'émergence de nouveaux services. Ceux de vidéo à la demande, en premier lieu. La multiplication d'objets connectés joue aussi un rôle.
Diminuer les pertes énergétiques tout en utilisant des énergies renouvelables
Sachant que l'augmentation du nombre de services va automatiquement entraîner une hausse du trafic, de quels leviers dispose-t-on ?
« Les tendances actuelles poussent vers le déploiement du service au plus près de l’usage (edge computing), qui réduit le trafic des données sur l'infrastructure globale ».
Le recours à des énergie renouvelables constitue un autre levier. Intégrées dans les schémas des datacenters depuis plusieurs années, « ceci se fait souvent dans une approche comptable, en créant un parc photovoltaïque sur un site arbitraire censé compenser la consommation annuelle des datacenters ».
Il y a aussi le levier technologique : « On peut concevoir des architectures de calcul ainsi que des technologies de mémoire non exclusivement basées sur le silicium, qui vont consommer moins d'énergie tout en offrant une performance de calcul accrue. D’autres leviers étudiés sont le contrôle de la fréquence de fonctionnement des serveurs, l’allocation intelligente des tâches aux serveurs en fonction de leur nature, ou encore la virtualisation ».
Observant les pratiques des centres de données, l’équipe du Lirmm a constaté « qu’une partie significative de la consommation de l’infrastructure relevait de composants périphériques aux fonctions informatiques. Cela nous a amenés à réfléchir à la manière de diminuer drastiquement les pertes énergétiques tout en utilisant des énergies renouvelables ».
Le projet Genesis
Pour relever ce défi, l’équipe du Lirmm de Montpellier propose « un véritable changement de paradigme : des unités de calculs locales, elles-mêmes alimentées localement en énergie, et interconnectées en réseau de manière à partager le traitement et le stockage de données, mais aussi les sources d'énergies ».
Le Lirmm a développé plusieurs générations de prototypes, avec le soutien de la Région Occitanie.
« La démarche scientifique de Genesis vise à intégrer l'énergie dans un système distribué ; comme une ressource finie et gérée au même titre que la capacité de stockage ou de calcul. Dans ce schéma, l'énergie est allouée et acheminée entre unités, comme les données. Ce concept a nécessité des recherches à l’interface de l’informatique, des systèmes embarqués et de l’électronique de puissance pour créer des objets logiciels et matériels dotés de ces capacités ».
Premiers résultats
Le projet Genesis repose sur un système de panneaux photovoltaïques couplés à de petits datacenters. En cours d'évaluation à petite échelle, Genesis obtient déjà des résultats très encourageants. « Grâce à une modélisation calibrée, à l'aide d'un prototype expérimental installé à Polytech Montpellier, nous avons remarqué que la possibilité de faire migrer à la fois de l'énergie et des données entre les unités de calcul permet de réduire l'énergie issue du réseau électrique de 22 à 27 % ».
Un des scénarios développés par les scientifiques cible un quartier nantais de 2 600 résidents. En prenant en compte les contraintes architecturales, une couverture de 30 % des toits, par un dispositif de panneaux solaires qui alimentent directement les petits centres de données serait envisageable, ce qui répondrait partiellement à la consommation énergétique de l'activité numérique locale. Un autre scénario, dans un quartier montpelliérain, envisage de couvrir jusqu'à 50 % des toits, ce qui permettrait de répondre entièrement à la demande locale.
L'équipe du Lirmm doit maintenant avancer vers un prototype à plus large échelle.
Références :