« La transition numérique des collectivités territoriales entre dans une nouvelle phase dans laquelle les processus de transformations internes s’accélèrent (la crise sanitaire de la Covid-19 aura largement contribué à ce mouvement). Face à cette évolution, les collectivités doivent inclure et mobiliser l’ensemble de leurs agents et être porteuses d’un projet numérique de territoire. Ce cap impose un bond en avant dans la professionnalisation des agents territoriaux. Il accentue par ailleurs un risque d’écart entre collectivités en fonction de leur niveau de maturité et de leurs moyens vis-à-vis d’un projet global et d’une stratégie de transition numérique ».
Le Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT) a entrepris de comprendre quels étaient, à échéance de 10 à 15 ans, les impacts de la transition numérique sur l’évolution des métiers territoriaux et sur les besoins de compétences et de formation des agents territoriaux. La fonction publique territoriale totalise 1 965 300 agents, répartis en 241 métiers.
Référence :
Cette étude prospective, réalisée d’octobre 2019 à février 2021, a mobilisé 159 collectivités, établissements territoriaux et une soixantaine d’organisations et d’institutions impliquées dans la transition numérique.
Parmi les principaux enseignements, le CNFPT observe une accélération des transformations ainsi qu’une transformation profonde mais inégale de l’action territoriale. Les collectivités sont diversement avancées et la culture des agents et agentes en matière de transition numérique est disparate.
L’étude anticipe les changements qui peuvent s’opérer au niveau des métiers territoriaux. Malgré la progression du niveau de compétences des personnels, l’étude met en avant un besoin de formation accrue pour accompagner les collectivités.
Comment la transition numérique impacte les métiers territoriaux
L’étude a identifié six principales causes d’impacts, à court, moyen et long terme, sur les métiers territoriaux :
- L’usage de nouvelles technologies (dont intelligence artificielle, objets connectés, géolocalisation, informatique embarquée, BIM, drones, automatisation, robotisation, télésurveillance et télécontrôle, reconnaissance faciale, réalité virtuelle, blockchain, cloud...)
- Des obligations d’ordre réglementaire : open data, dématérialisation, administration, protection des données…
- La recherche de gains d’efficience et de baisse des coûts ;
- L’intervention d’opérateurs de services numériques ;
- Le développement de la relation et des usages numériques en direction des usagers-citoyens : e-services, communication, participation, Civic-Tech
- Le déploiement de nouveaux modes d’organisation : recours aux outils collaboratifs, télétravail, outils de suivi, échanges en distanciel…
205 métiers impactés à court terme
Les impacts de la transition numérique sont effectifs à court terme (0-5 ans) pour 205 métiers sur 241 (85 %).
Parmi eux, trois catégories de métiers nécessitent, selon le CNFPT, une attention particulière et un accompagnement à court terme :
- 42 métiers jugés « sensibles », c’est-à-dire fortement impactés par la transition numérique et requérant un fort besoin de montée en compétences
- 20 métiers « à plus forts effectifs » (Ces 20 métiers représentent un effectif de 1 090 000 agents sur un total de 1 965 300, soit 55 % des effectifs
- les métiers soumis à une possible baisse d’effectifs à terme (33 métiers d’après l’étude).
Les impacts de la transition numérique sur les activités
La transition numérique impacte les métiers territoriaux en contribuant au « cycle de vie » de leurs activités: certaines d’entre elles sont en déclin, d’autres émergent, montent en puissance ou se transforment.
Les activités en disparition ou en déclin
Entre 20 et 22 % des métiers de chaque catégorie (ensemble des métiers, métiers « sensibles », métiers à plus forts effectifs) et 19 champs professionnels sur 27.
Par ordre d’importance décroissant, la disparition ou le déclin d’activités s’applique aux principales activités suivantes : Les activités émergentes
- toutes les activités et process « papier » (archivage, courrier, parapheur, notification, transmission-diffusion, affichage, délivrance de documents papier, reprographie…) ;
- les activités administratives et de gestion routinières ;
- les activités d’accueil généraliste et plus globalement, les activités d’accueil et de permanence physique ;
- les activités d’exécution manuelle et répétitive ;
- certaines activités de développement numérique (externalisées ou intégrées désormais par les prestataires de solutions numériques) ;
- les activités « physiques » de contrôle, de maintenance et de surveillance.
Ces activités concernent entre 23 et 30 % des métiers de chaque catégorie (ensemble des métiers, métiers « sensibles », métiers à plus forts effectifs) et 18 champs professionnels sur 27.
Sont citées parmi les activités émergentes : L’impact le plus important de la transition numérique sur les activités joue en faveur d’une montée en puissance de certaines d’entre elles. Elle concerne entre 33 et 39 % des métiers de chaque catégorie (ensemble des métiers, métiers « sensibles », métiers à plus forts effectifs) et 14 champs professionnels sur 27.
- les activités assistées par le numérique (pilotage, gestion, intervention…) ;
- l’analyse de données ;
- l’assistance mutualisée au sein de plateformes de services ;
- Les activités qui montent en puissance (en lien direct avec le numérique, traitement de données, médiation numérique interne et externe, etc)
Les activités qui se transforment
Les activités en transformation concernent entre 11 et 23 % des métiers de chaque catégorie (ensemble des métiers, métiers « sensibles », métiers à plus forts effectifs) et 14 champs professionnels sur 27.
Les activités qui se transforment concernent principalement :
- l’accueil et plus globalement, les activités de relation aux usagers, de gestion, d’administration ;
- les activités dont la finalité est centrée sur le management avec la transformation progressive des pratiques vers un management moins pyramidal et davantage par projets et par objectifs ;
- les activités de conception et de pilotage qui utiliseront de plus en plus des systèmes experts en assistance à la stratégie et à la décision.
- la prévision en lien à l’usage de logiciels prédictifs et de systèmes d’information décisionnels ;
- les télé-activités : accueil, téléconsultation médicale, activités d’enseignement et d’animation à distance, télécontrôle ;
- la relation multicanale avec les usagers ;
- le « design de service » découlant de la nécessité, sous l’effet de la transition numérique, de mettre au point de nouveaux services et interfaces utilisateurs.
- le traitement de données (acquisition, analyse, interprétation, IA, contrôle de cohérence et de fiabilité des données, sécurisation, échanges) ;
- la médiation numérique interne et externe ;
- l’assistance-conseil aux utilisateurs et services ;
- la communication sur les réseaux sociaux ;
- la consultation des usagers ;
- l’accueil spécialisé ;
- la veille (nouveaux outils, usages, risques, prestataires-opérateurs…) ;
- le dialogue de gestion entre directions métiers et avec les opérateurs de services numériques.
Un double mouvement
Plus globalement, l’étude observe que l’usage du numérique induit deux mouvements de fond opposés: Le CNFPT formule, en conclusion, une série de recommandations à court terme (0-5 ans) et à plus long terme (5-10 ans).
- soit les activités tendent à gagner en polyvalence (exemples des métiers de chargé ou chargée de communication, de chargé ou chargée des publics)
- soit à l’inverse, elles tendent à se spécialiser (exemples des métiers de dessinateur ou dessinatrice CAO- BIM, de chef ou cheffe de projet des systèmes d’information géographique).