Les enquêtes annuelles sur la diffusion des technologies de l’information et de la communication dans la société française (rebaptisées Baromètre du Numérique en 2015) ont mis en relief, au fil des ans, des disparités dans les usages et les compétences liées aux territoires et à la taille des agglomérations.
L’attention s’est longtemps focalisée sur la « fracture numérique » entre territoires ruraux et urbains.
Au fil des ans, ces enquêtes ont fait apparaître la réduction progressive des écarts entre « villes » et « campagnes » tant au niveau des usages que des compétences numériques.
Alors que la dévitalisation des villes moyennes fait retour dans le débat public, et que le gouvernement annonce un plan pour les villes moyennes en 2018, l’attention se déplace désormais vers ces « pôles intermédiaires » que constituent les aires urbaines de 20 000 à 100 000 habitants.
Les villes moyennes concentrent aujourd’hui 20% de la population.
Comme le retracent les travaux de l’INSEE ou de France Stratégie, les villes moyennes « décrochent » aujourd’hui : c'est dans les aires urbaines de plus de 500.000 habitants que se concentrent les emplois de cadres, positionnés sur des « métiers structurellement dynamiques » et à « fort potentiel de créations d'emplois d'ici à 2022 » (85% des ingénieurs en informatique, 75% des professionnels de l'information et de la communication, 69% du personnel d'études).
Les villes moyennes se retrouvent aujourd’hui souvent reléguées dans l’ombre des grandes villes et des métropoles régionales. C'est dans les villes moyennes qu'on observe l'un des taux les plus élevés de personnes qui "se sentent délaissés par les pouvoirs publics".
La prise en compte, dans le Baromètre du Numérique, du lieu de résidence permet de dresser un état des lieux des pratiques et compétences numériques des habitants de ces villes moyennes, ainsi que de leurs attentes.
Toute une série d'indicateurs suggèrent que les habitants de ces villes moyennes figurent aujourd'hui parmi ceux qui bénéficient aujourd’hui le moins des opportunités liées au numérique.
17% de non-internautes dans les villes moyennes
Références :
On observe en 2017, dans les villes moyennes, le taux le plus faible d’internautes : 83% contre 88% pour l’ensemble de la population (86% dans les zones rurales, 94% dans l’agglomération parisienne).
Un profil d'équipement et usages numériques proche de celui des zones rurales et des petites villes
Un écart du même ordre se retrouve au niveau des équipements.
En 2017, les résidents en ville moyenne sont moins équipés en téléphones mobiles (92%), en smartphones (67%), en ordinateurs (77%) et en tablettes (41%) que l’ensemble de la population (respectivement 94%, 73%, 81% et 42%). Ils sont également moins équipés, pour ces types de terminaux, que les habitants des zones rurales.
Les résidents en ville moyenne présentent un profil en termes d’usages (e-administration, réseaux sociaux, achats en ligne, recherche d’emploi, échanges de biens et de services entre pairs) plus proche de celui des habitants des zones rurales et des petites villes que de celui des « urbains » (plus de 100 000 habitants et agglomération parisienne).
Ils sont, notamment, les moins présents sur les réseaux sociaux, à hauteur de 53% contre 61 % de moyenne nationale et 65% dans l’agglomération parisienne.
Les résidents en ville moyenne figurent parmi ceux qui utilisent le moins le commerce en ligne ; 57% contre 67% en agglomération parisienne. 42% renoncent à acheter en ligne de crainte que les transactions ne soient pas sécurisées (36% en communes rurales).
Un retard de compétences qui s’accroit
Leurs compétences déclarées pour utiliser un smartphone (63%), un ordinateur (65%) ou une tablette (56%) les rapprochent des habitants des zones rurales et des petites villes.
En 2007, 49% des résidents en ville moyenne se déclaraient compétents pour utiliser un ordinateur : dix ans plus tard, ils sont 65% : une progression de 16%. Entre temps, la proportion de personnes affichant cette même compétence dans la population générale progressait de 19% (passant de de 52% à 76%) et de 24% dans l’agglomération parisienne.
46% des résidents en ville moyenne affirment que leur formation professionnelle les a mal préparés à utiliser internet, contre 39% en région parisienne
17% des résidents des villes moyennes trouvent qu’internet est trop compliqué à utiliser contre 11% de la région parisienne.
Une moindre propension a adopter de nouvelles technologies ou services numériques
28% des résidents des villes moyennes déclarent qu’ils ne sont pas prêts à adopter de nouvelles technologies ou services numériques (sensiblement autant que dans les zones rurales et les petites villes) contre 23% en moyenne nationale et 13% dans l’agglomération parisienne.
Plusieurs indicateurs suggèrent même que ce sont les habitants de ces villes moyennes qui bénéficient aujourd’hui le moins des opportunités liées au numérique.
Un sentiment d’exclusion numérique
Une question introduite par l’Agence du Numérique en 2017 visait saisir ce que les outils numériques apportent aux personnes, et ce dans quatre sphères : vie professionnelle, vie de tous les jours, vie citoyenne et loisirs (« Régulièrement, les outils numériques offrent à leurs utilisateurs de nouveaux services et de nouvelles fonctionnalités. Vous, personnellement, comment profitez-vous des possibilités offertes par les nouvelles technologies ? »).Une proportion élevée de personnes résidant dans les villes moyennes déclarent "ne pas profiter du tout des opportunités offertes par le numérique" : 34% dans leur vie professionnelle (26% dans la population générale), 29% dans la vie de tous les jours (contre 26%), 36% dans leur vie citoyenne (contre 30%), 32% pour leurs loisirs.
Lors de l’assemblée générale de l’association Villes de France, regroupant les communes de 20 000 à 100 000 habitants, Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des Territoires, a rappelé les principaux axes du plan d’action gouvernemental en faveur de ces territoires.
Le plan s’articulera autour de trois axes :
- Agir sur l’offre de logements pour faire revenir des habitants en centre-ville ;
- défendre l’attractivité du commerce de centre-ville et un vrai projet de développement économique ;
- faire des centres des villes moyennes des plateformes de service innovantes.