La commande vocale est massivement entrée dans les usages. Elle se déploie désormais dans d’autres univers : enceintes connectées, casques audio, habitacle des véhicules, voire d’autres objets de la vie quotidienne, qui voient ainsi leurs possibilités d’interaction renouvelées.
Julia Velkovska et Moustafa Zouinar, qui mènent depuis 2015 des enquêtes sur les usages réels des assistants vocaux, observent, toutefois. « un véritable fossé entre les discours promotionnels qui vantent les capacités conversationnelles des assistants et la réalité des usages ».
Dans un article publié par le journal du CNRS, Justine Cassell et Catherine Pelachaud expriment également leur scepticisme : les voix « désincarnées » que l'on retrouve actuellement sur Home, Alexa ou Siri « sont loin de ce que pourraient être ces assistants dans le futur : des êtres virtuels possédant un corps et un visage pour mieux faire passer leur message, capables de décrypter notre humeur et de nouer des relations avec nous pour mieux répondre à nos besoins ».
Selon Justine Cassell et Catherine Pelachaud, « créer de tels êtres demande un long travail de recherche, si l’on veut éviter les « Désolé, je ne vous comprends pas » ou les « Je suis désolé, je ne sais pas comment vous aider avec cela », que nous opposent régulièrement les assistants d’aujourd’hui. La communication est en effet bien plus qu’un échange d’informations. Ce n’est pas une simple série de questions-réponses »
« Malgré une connaissance toujours plus fine des mécanismes qui sous-tendent la communication humaine, il reste illusoire de prétendre créer dès aujourd’hui un être virtuel qui soit en mesure de répondre à toutes les situations. Il devient en revanche envisageable d'en concevoir qui soient capables d’interagir dans des contextes précis. On peut ainsi imaginer des tuteurs virtuels destinés à l’apprentissage (d’une langue, de l’algèbre…), ou des compagnons virtuels capables d’aider par exemple une personne âgée à adopter les bons réflexes de santé prescrits par ses médecins ».Enjeux éthiques
Se profilent aussi, expliquent les deux chercheuses, « des questions d’éthique auxquelles les chercheurs, mais aussi la société tout entière, devront répondre prochainement. Jusqu’à quel point a-t-on intérêt à créer un être virtuel capable de nouer des relations et de communiquer de manière totalement naturelle avec des êtres humains ? Ne doit-on pas au contraire leur garder une part d’imperfection, pour éviter que l’humain ne s’y attache trop, ou ne se fasse manipuler par un interlocuteur virtuel devenu trop habile ? »Autre enjeu : la question du stockage des données : « pour répondre aux attentes de son utilisateur, un être virtuel devra d’abord analyser finement ses émotions, ses humeurs, ses besoins, et stocker ces informations. Qu’en fera l’entreprise qui commercialise l’assistant en question ? Que deviendront ces informations si elles sont piratées ou tombent entre de mauvaises mains ? Le cas récent des enregistrements d’Alexa utilisés à l’insu des utilisateurs par Amazon pour améliorer son service, donne matière à réflexion »
Références :