France Stratégie, avec l’appui du Cereq (Centre d'études et de recherches sur les qualifications) a entrepris d'élaborer une vision prospective partagée des emplois et des compétences de la filière numérique.
Un groupe de travail composé d’acteurs et d’experts issus d’horizons très diversifiés a travaillé 8 mois pour éclairer l’évolution à 2/3 ans des emplois et métiers "cœur" du numérique, et les modes de professionnalisation permettant d’alimenter ces métiers.
Le rapport s'ouvre sur une analyse de la filière numérique en France : la vision élargie de l’économie du numérique retenue aboutit à une estimation d’environ 860 000 salariés en équivalent temps plein. "Rapportée au nombre total d’emplois, l’économie numérique emploie une part de salariés similaire à celle observée en Allemagne, au Canada ou aux Pays-Bas (autour de 3 %). Toutefois, certains pays, tels l’Irlande, la Corée du Sud, la Finlande, les États-Unis ou encore le Royaume-Uni, sont nettement plus présents sur ce secteur".
Le rapport fait ensuite le point sur les diverses études prospectives récentes relatives à l'emploi dans le secteur du numérique.
Trois enjeux pour une prospective des métiers dans le numérique
- Donner une meilleure visibilité aux métiers de la filière : Ce besoin de lisibilité de la filière numérique est en partie dû au décalage existant actuellement entre les nomenclatures de la statistique publique (PCS, FAP, ROME, NAF) et les expressions et classifications utilisées par les entreprises, les branches et leurs observatoires. Ce constat a conduit à élaborer collectivement un répertoire des métiers qui constituent le « coeur du numérique ».
- Rapprocher des secteurs et des branches jusqu’alors distants : un deuxième enjeu de taille pour les professionnels concernés est la construction d’une représentation unifiée des métiers du numérique, au-delà des singularités de chaque branche.
- Ouvrir les compétences nécessaires pour intégrer la filière du numérique : cette troisième dimension porte sur la construction d’une représentation élargie des compétences nécessaires pour intégrer les métiers de la filière numérique.
36 métiers et neuf familles de métiers « coeur du numérique »
Pour pallier les difficultés liées aux nomenclatures actuelles de la statistique publique, le groupe de travail a identifié, trente-six métiers, structurés en neuf familles."Pour chacune de ces familles, une analyse a permis de présenter les évolutions et les enjeux respectifs de chacun des métiers qui la composent, en se fondant sur l’ossature des compétences, tâches ou fonctions qui les caractérisent.
Les métiers identifiés "correspondent à deux catégories : les métiers du numérique « dur » (informatique, réseaux, télécoms) mais aussi des métiers nouveaux ou qui nécessitent une forte adaptation de leur contenu.
Ces métiers "répondent à un critère de durabilité : il s’agit de métiers relativement pérennes. Ils sont perçus comme des métiers qui existeront encore dans quelques années, que ce soit des métiers « à gros flux » (avec l’idée de minimiser la prise en compte des « métiers de niche ») ou des métiers émergents et à faibles effectifs qui seront amenés vraisemblablement à prendre de l’importance dans l’avenir. Pour certains, un indice est ici que ce sont des « métiers sur lesquels on voit déjà des tensions et des pénuries sur le marché du travail ».
La liste élaborée, enfin, ne prétend pas être exhaustive.
Repenser les processus de formation et de professionnalisation dans la filière.
"Exposée à des évolutions technologiques rapides et perpétuelles, la filière numérique nécessite un système de formation reposant non pas sur une succession d’interventions segmentées d’acteurs de la formation et du monde professionnel, mais sur un « continuum » entre la formation et l’emploi, fondé sur une approche itérative et en réseau".Le schéma traditionnel de la relation formation-emploi, séquentiel, (évolution des métiers et des emplois, puis formalisation des besoins en compétences par les acteurs du monde professionnel, puis réponse de l’appareil éducatif en termes d’adaptation des filières de formation, puis alimentation du marché du travail par les nouvelles générations passées par ces filières) "ne permet pas l’évolution rapide du contenu des formations alors que certains emplois se voient profondément transformés par les mutations technologiques".
"De ce fait, de plus en plus de dispositifs créés ou mobilisés pour trouver des solutions aux défis de l’adaptation des hommes et des organisations s’inscrivent dans des montages ad hoc, des coopérations ponctuelles ou des partenariats plus pérennes entre des structures appartenant au système « classique » de formation initiale, à celui de la formation continue, de l’insertion professionnelle et sociale, ou encore des entreprises et leurs organismes-relais que sont les OPCA ou les branches professionnelles".Trois composantes de la relation formation-emploi traditionnelle sont, selon le rapport, particulièrement touchées par cette évolution :
- Le monde de l’insertion sociale et professionnelle où l’apprentissage des technologies numériques donne lieu à plusieurs initiatives particulièrement innovantes pour renouveler la vision des parcours vers l’emploi des personnes qui en étaient durablement éloignées;
- Les structures de formation initiale organisent des réponses en développant de nouveaux modes de coopération avec les entreprises, et en intégrant de plus en plus de pratiques de formation initiale et d’actions de formation continue. Une telle dynamique est particulièrement observable dans tout ce qui concerne la formation des techniciens au numérique.
- Enfin, les entreprises elles-mêmes peuvent être amenées à s’impliquer fortement dans la formation continue pour résoudre des tensions importantes dans leurs besoins de recrutement. Elles peuvent également être mobilisées sur des problématiques de reconversion de certains salariés touchés par l’obsolescence rapide des compétences constitutives de leurs métiers.